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Petite pensée du vendredi n° 13

Être musulman

etre musulman

Que signifie être musulman aujourd’hui ? Comment goûter la douceur de la foi ? Comment vivre sa foi sereinement, sans complexe ni crispation ? Comment ne pas se contenter d’une pratique superficielle de l’islam ? Comment ne pas être, seulement, un musulman dans la forme ?  Le fait d’être né dans une famille musulmane ou le fait de porter un nom à consonance musulmane, ne fait pas de l’individu un candidat valable pour porter les valeurs de l’islam.

Être musulman, c’est d’abord un appel du cœur. Le cœur, touché par la Grâce de Dieu,  répond favorablement à Son appel et fait le premier pas vers Dieu. Dieu dit : « Celui ou celle dont le cœur a été ouvert par Dieu à l’islam reçoit ainsi une lumière de Son Seigneur »[1]. Le cœur s’ouvre et reçoit, de la part de Dieu,  un flot d’amour et de Miséricorde qui rejaillit sur le comportement du fidèle.

 Dieu dit : « Ô vous qui croyez ! Répondez à Dieu et au Messager lorsqu’il vous appelle à ce qui vous donne la (vraie) vie »[2]. Être musulman c’est répondre à cet appel divin qui donne vie, qui émancipe moralement et spirituellement et qui libère. Être musulman c’est être soucieux de son devenir, c’est tisser des liens intimes avec le Créateur pour mieux servir les créatures. C’est relever, à la lumière de la spiritualité, le défi de l’amour, amour de Dieu, amour des êtres. « Nul d’entre vous, disait le Prophète (PSDL), ne goûtera vraiment la douceur de la foi tant qu’il n’aime pas pour son prochain ce qu’il aime pour lui-même »[3]. Être musulman c’est être profondément humain dans un monde qui se déshumanise de plus en plus, en posant la question du sens, de la spiritualité et de la dignité humaine.

Mieux comprendre l’islam

Souvent, nous nous confrontons à une vision sommaire de l’islam, à une ignorance affligeante de ce que c’est que d’être musulman. Mieux comprendre l’islam,  c’est connaître ses finalités, sa vocation de paix et de justice. Il s’agit d’une compréhension imprégnée de miséricorde et de douceur, et en aucun cas, d’une lecture sclérosée, parcellisée de l’islam qui rebute les gens ou les met dans la gêne et la contrainte.

Pour beaucoup, le monde merveilleux de l’islam se résume à une législation restrictive qui se réduirait au halal, haram. Un ensemble de contraintes, un Islam pure et dure serait la vraie pratique et la vraie piété. Alors que paradoxalement, lorsque nous nous laissons imprégner par la personnalité du Prophète (PSDL). Nous sommes face à une miséricorde exceptionnelle, une bonté face aux épreuves des proches, de la société et des infidèles. Il n’a aucunement répondu par la sévérité ou la démesure, mais au contraire par la patience, l’intelligence et la sagesse. Le Prophète (PSDL) dit : « L’islam religion est aisance et facilité. Celui qui cherche à rivaliser de force avec la religion sera vaincu. Suivez plutôt la voie sage du juste milieu, rapprochez-vous en douceur de la perfection et soyez optimistes … »[4].

Donc il est indispensable de se former, pour mieux comprendre et réformer son être en imitant sincèrement le modèle (PSDL). Être musulman ne consiste pas à s’isoler et à adopter une attitude de rejet vis-à-vis de la société. Être plus proche de Dieu, c’est vivre parmi les hommes et non se mettre à la marge de la société.

La foi et l’effort dans la pratique

Etre musulman c’est vivre une foi, c’est vivre une spiritualité. Une foi sincère enraciné dans le cœur, qui se fortifie et s’entretient par l’effort dans la pratique et qui se manifeste par un bon comportement. Vivre une spiritualité c’est préserver sa foi, l’intensifier et la renforcer. L’humain a tendance à oublier Dieu, à s’oublier, la spiritualité et le moyen le plus efficace pour lutter contre cet oubli et cette insouciance.

La foi relève certes, d’une conviction profonde, mais elle doit s’accompagner nécessairement d’un effort, d’une action. Dans le Coran, à chaque fois que la foi est évoquée, elle appelle automatiquement le bel agir : « Ceux qui ont la foi et font bonnes œuvres ». Ainsi,  L’action du fidèle doit porter la marque de la foi, donc de la spiritualité, de la bonté et de l’humilité, jamais de l’arrogance.

Agir avec conscience

Selon Soufiane ibn ‘Abdoullah (DAS) : J’ai demandé au Messager de Dieu (PSDL) : « Enseigne-moi une parole en matière d’islam, qui me dispense d’interroger un autre que toi ».  Il m’a  répondu : « Dis : Je crois en Dieu. Puis, agis avec conscience »[5].

Être musulman c’est agir avec conscience en fonction des contraintes, des épreuves et des difficultés … Car la vie est une épreuve et la foi du fidèle risque d’être mise à l’épreuve. Être musulman c’est assumer ses responsabilités, c’est faire face aux épreuves de manière responsable et apaisée.  C’est honorer ses engagements envers Dieu et persévérer dans Sa voie.

Témoigner de sa foi

Témoigner, pour le fidèle, c’est porter un message et rayonner de ses valeurs. Un message dont il faut devenir le meilleur des modèles, afin d’être devant les hommes, un signe, un rappel, jamais une contrainte.

Témoigner de sa foi, c’est être présent sur le terrain, s’exprimer et expliquer la foi musulmane, sa vocation de paix et de justice. C’est également, avoir un discours clair et précis, oser dénoncer les injustices et se démarquer de toutes les lectures et de toutes les actions qui légitiment la violence.

[1] Coran : S. 39, V. 22.

[2] Coran : S. 8, V. 24.

[3] Hadith unanimement reconnu authentique, rapporté selon Anas.

[4] Rapporté par Al-Boukhari selon Abou Hourayra (t).

[5] Rapporté par Moslim.

Petite pensée du vendredi n° 5

« Prosterne-toi et rapproche-toi »[1]

 

invocation

La prière est le pivot central de la foi. Elle est le lien intime entre ton cœur et Celui qui t’a fait être. Le fidèle s’extirpe à l’emprise des préoccupations quotidiennes pour se mettre devant Dieu, aller à Sa rencontre et chercher Sa proximité. Le corps aussi bien que le cœur doivent participer, associés, à l’attitude globale de présence et d’humilité devant Dieu.

La prière est l’ascension de ton âme vers le Clément, le Compatissant. Entrer en prière c’est communiquer directement, et sans intermédiaire, avec L’Être suprême. C’est initier un dialogue serein entre ton cœur et Dieu, Lui exposer tes demandes et tes aspirations, Lui confier tes déchirements et tes négligences. Voici les termes de ce dialogue tels que le Prophète (PSDL) les rapporte dans un hadith qodsi : [Dieu dit : « Je partage la prière avec mon adorateur » ; quand il dit : « Gloire à Dieu, Maître des mondes ! », je réponds : « Mon adorateur Me glorifie ! », quand il dit : « Le Clément, Le Compatissant ! » Je dis : « Mon adorateur Me fait louange ! », quand il dit : « Roi du jour du jugement ! », je dis : « Mon adorateur M’exalte ! » ; quand il dit : « C’est Toi que nous adorons, c’est de Toi que nous attendons assistance ! », je dis : « C’est le lien entre Moi et Mon adorateur ! », quand il dit : « Guide-nous dans le droit chemin, le chemin qu’ont suivi ceux que Tu as comblé de Tes bienfaits, qui ne sont ni l’objet de Ton courroux ni des égarés ! », je dis : « Cette faveur sera accordée à Mon adorateur, son vœu sera exaucé ! » ].[2]

 Ne relâche pas la persévérance dans la prière   . C’est la voie pour accéder à l’amour Dieu. Le Prophète (PSDL) dit en attribuant ces paroles à Dieu : « (…) Mon adorateur, s’il persévère dans les actes surérogatoires, finira par mériter Mon amour. Quand Je l’aurai aimé, Je deviendrai son ouïe avec laquelle il entend, sa puissance de vision avec laquelle il perçoit le monde, sa main avec laquelle il agit et son pied avec lequel il marche. S’il M’invoque J’exaucerai son vœu, s’il se réfugie en Moi Je serai Son protecteur »[3]

Renouvelle ton intention et concentre-toi devant Sa Majesté. Prosterne-toi avec humilité et modestie devant Sa Grandeur. La prosternation face contre terre permet l’élévation de ton âme et l’éveil de ta conscience. Et c’est à ce moment là, que tu es le plus proche de Dieu, le Prophète (PSDL) disait : « Le moment ou l’adorateur le plus proche de Dieu  est celui ou il est en prosternation, multipliez donc les invocations »[4].

La prière, accomplie comme il se doit avec présence de cœur et d’esprit, donne la force qui permet à chacun de surmonter les difficultés et d’assumer ses responsabilités. Mais, La présence à Dieu dans la prière nous manque énormément. L’insouciance a su dominer nos cœurs et l’oubli nous aliéner. Que Dieu remplisse nos cœurs de Son amour, de Sa lumière et de Sa Miséricorde afin que nous puissions témoigner de notre foi et rayonner de ses valeurs de bonté, de générosité et de justice.

 

[1] Coran : S. 96, V. 19

[2] Hadith rapporté par Moslim, Ahmed, Tirmidi, Abou Daoud, An Nassaî et ibn Maja selon Abou Hourayra.

[3] Rapporté par Boukhari selon Abou Hourayra.

[4] Rapporté par Moslim, Ahmed et An-Nassaî selon Abou Hourayra.

Être au service de ses frères et de ses sœurs

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Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’être dans un monde violent et sans finalité. Les  relations humaines sont conçues sous l’angle des intérêts. L’individualisme forcené lié au matérialisme illusoire et dévastateur a pris le dessus dans les rapports humains. Certains profitent de leur situation privilégiée pour asseoir leur pouvoir aux dépens des autres tandis que d’autres s’enrichissent en exploitant les plus pauvres.

Pour le fidèle qui aspire à un meilleur être moral et spirituel, il y a un calcul beaucoup plus intéressant, celui qui consiste à être bon et à promouvoir le bien. Dans la vie dernière, il y a récompense, il y a l’agrément de Dieu. Chaque fois que je me montre généreux, disponible, serviable et que je pense à mon frère ou à ma sœur avant de penser à moi-même, j’avance en vertu et je gagne en bonté et en spiritualité.

Le Prophète (paix et salut de Dieu sur lui) a dit : « Le musulman est frère de chaque autre musulman ; il doit s’abstenir de lui causer du tort ou de l’abandonner s’il se trouve en difficulté. Quiconque s’occupe au service de son frère, Dieu s’occupera de ses propres affaires. Quiconque allège les peines de son frère, Dieu allégera ses propres peines au jour du jugement. Quiconque épargne son frère, Dieu l’épargnera au jour du jugement »[1].

Ce hadith nous exhorte au « bel agir », à mieux être et mieux servir. La foi exige une action concrète, pratique et efficace. Être utile, servir l’autre sans rien attendre en retour est la manifestation d’une spiritualité rayonnante.

Nous sommes appelés à imiter sincèrement le Prophète (paix et salut de Dieu sur lui) et à l’exemple de sa douceur et de sa miséricorde, il nous faut nous réformer, afin que puisse se lire dans nos paroles et dans nos actions, l’amour et la présence de Dieu. Que nos bonnes actions ne soient rien d’autre que la conséquence immédiate de notre amour pour Dieu et pour le Prophète (paix et salut de Dieu sur lui). Ainsi serons-nous les dignes héritiers du Prophète (paix et salut de Dieu sur lui), et ainsi peut-être aurons-nous le privilège de voir, ne serait-ce que quelques-unes de nos actions retenues et agréées par Dieu.


[1] Hadith unanimement reconnu authentique rapporté selon Ibn Omar (Que Dieu l’Agrée).

Petite Pensée du vendredi n° 4

le temps

Le temps c’est la vie. Notre capital-temps est le bien le plus précieux que nous possédons. Être conscient de la valeur du temps et l’exploiter pour mieux être et mieux agir est une exigence de la foi.

Sénèque disait : « Notre temps nous est en partie dérobé, en partie subtilisé et ce qui reste se perd sans qu’on y prenne garde ».

Mieux gérer son temps c’est saisir le sens de son existence. Chaque instant qui passe nous rapproche davantage de notre rendez-vous  inéluctable avec Dieu. Le pire d’entre les perdants est celui ou celle qui aurait été insouciant vis-à-vis de son Devenir et qui aurait gaspillé sa vie dans des futilités.

Le Prophète (PSDL) a dit : « Il y a deux bienfaits que de nombreuses personnes n’apprécient guère à leur juste valeur et ne les utilisent pas à bon escient : la santé et le temps libre ».[1]

Le temps du musulman – conscient de ses responsabilités – doit être comme un budget qu’il dépense de manière intelligente. S’il se montre négligent et insensible à la perte du temps en le gaspillant à tort et à travers, il participe à sa propre perte par cette attitude irresponsable.

Chère sœur, cher frère, prenez le temps :

  • Prenez le temps de choisir vos amis, de fréquenter les meilleurs moralement et spirituellement, c’est le secret pour approfondir sa foi et l’intensifier. Le Prophète (PSDL) a dit : « Chacun a la même intensité de foi que son ami le plus intime. Choisissez donc vos amis avec soin »[2].
  • Prenez le temps d’évoquer Dieu, c’est le meilleur moyen pour apaiser son cœur. « N’est-ce point par l’évocation de Dieu que s’apaisent les cœurs ? »[3].
  • Prenez le temps de lire, c’est la clé du savoir. Prenez le temps de vous former, c’est la voie pour se réformer.
  • Prenez le temps de lire le Coran, le méditer et le goûter, c’est le festin spirituel auquel Dieu invite les êtres humains.
  • Prenez le temps d’agir, de persévérer et de déployer les efforts nécessaires, c’est  la voie de la réussite. Mais prenez surtout le temps de réfléchir, d’élaborer une stratégie d’actions avant d’agir.
  • Prenez le temps de donner et de partager. Parmi les témoignages de la sincérité de la foi, le don est le plus concret et le plus quotidien.
  • Prenez le temps d’aimer uniquement pour l’amour de Dieu, ainsi que d’être aimé, c’est une grâce de Dieu.
  • Prenez le temps de prier, c’est le moyen privilégié pour dialoguer avec Dieu, développer son intimité avec Lui et goûter la douceur de la foi.

[1] Rapporté par Boukhari selon Ibn Abbas.

[2] Rapporté par l’imam Ahmed, Tirmidhi, Al-Bayhaqi et Al-Hakem selon Abou Hourayra.

[3] Coran : S. 13, V. 28.

Islam de France ou Islam en France[1]

Au moment où Le gouvernement crée une «instance de dialogue» avec l’islam, pour pallier à l’échec prévisible du CFCM (Conseil Français du Culte musulman); je republie un article écrit le 10 / 11 / 2004 qui s’intitule Islam de France ou Islam en France afin d’interpeller nos dirigeants et les citoyens de confession musulmane sur l’importance des appellations et qu’il faut s’auto-définir pour mieux agir. Que ce dialogue ne soit pas à sens unique mais un dialogue sérieux, constructif et sans complaisance avec l’ensemble des acteurs musulmans du terrain; et que la lutte contre l’islamophobie soit au centre de dialogue.

priere rue

Depuis la mise en place d’une instance représentative du culte musulman en France,  (CFCM : Conseil Français du Culte Musulman ), les musulmans ont été obligés, bon gré mal gré de prendre le train en marche. On ne cesse de parler de l’Islam de France pour ne pas dire l’Islam en France. Le premier serait moderne, humaniste, tolérant et s’insèrerait pacifiquement dans les institutions républicaines. En revanche, l’autre Islam, celui qui vient d’ailleurs, serait l’intrus indésirable, synonyme d’extrémisme, de fondamentalisme et d’endoctrinement des fidèles. L’acceptation du premier entraîne naturellement le rejet du second.

Lorsque parle d’islam de France, on entend par là un islam occidentalisé, assaisonné au goût des dirigeants politiques. L’islam sera accepté s’il sait nous distraire, un islam folklorique vidé de sa dimension spirituelle et de sa vocation de justice.

Les mots sont importants et mal nommer les choses est une tragédie. On ne doit guère étiqueter l’islam de la sorte car il n’en n’existe qu’un seul. Il n’y a pas d’islam de France, d’islam du Maroc ou d’islam du Pakistan. Ces étiquettes engendrent confusions et amalgames. Cependant, pour être plus précis, on peut parler de plusieurs lectures de l’islam, de divers courants de pensée au sein de l’islam.

Par ailleurs, on clame haut et fort qu’on ne veut pas d’ingérence extérieure et en même temps, on ne se gêne pas pour aller chercher des fatwas sur mesure en Egypte pour mieux asseoir une loi liberticide sur les signes religieux à l’école. C’est purement et simplement du double discours….

On est face à un refus, à un rejet à peine voilé de l’islam dés lors qu’il y a une prise de conscience et une prise de parole des musulmans ; une visibilité et une présence dans la société civile. Et ceux-là sont mal acceuillies, mal perçues, car un français musulman reste quand même un musulman. On nous demande d’être davantage des citoyens, ce qui signifie qu’il faut rejeter voire renier sa spécificité musulmane. Comme si être musulman c’est être moins citoyen ; et comme s’il y avait incompatibilité entre identité musulmane et citoyenneté.

Récemment, la présentation médiatique de la la prise d’otages de deux journalistes français par un groupuscule dit « islamique », a suscité chez la communauté musulmane un sentiment de culpabilité, qui aussitôt a été ressenti par cette dernière. Pour preuve, certains musulmans ont été jusqu’à se proposer en tant qu’otages de substitution pour se débarrasser de cette culpabilité.

De plus, on a sommé les musulmans de se positionner par rapport à cet événement ; comme si être musulman signifiait finalement être preneur d’otages. Et comme si l’islam est, par essence, générateur de violence, de terrorisme. L’islam est souvent accolé à un ensemble de stéréotypes et d’images négatives. La prise d’otages est venue comme une suite logique à ces préjugés. A-t-on besoin d’être musulman pour condamner cet acte ignoble ?.

En d’autres termes, dites que vous êtes contre cette prise d’otages, nous vous suspecterons plus ou presque…. Nous allons vous délivrer un diplôme de bonne conduite, de bons citoyens français. Jean Daniel estime dans le Nouvel Obs du 02.09.2004 que « les musulmans ont gagné ici avec éclat leur brevet de républicanisme, c’est-à-dire, aussi, de laïcité ».

En outre, les musulmans qui n’inspiraient que la méfiance ont pu recevoir enfin leur certificat de «  non dangerosité »[2]… ouf ! on est rassuré.

Mais le glas sonne toujours pour anéantir encore plus l’identité des français de confession musulmane qui se veut plurielle. On continue à intenter un procès à l’ensemble de cette communauté, qui serait par définition coupable parce que musulmane. A chaque secousse international, on pointe du doigt cette frange de la société ;  prouvez nous que vous êtes français et aujourd’hui encore plus que demain, alors que l’on ne se permettrait pas la même attitude avec d’autres composantes de la société.

Pour illustrer ces propos, une jeune fille d’un lycée aux alentours de Strasbourg , qui a fait le choix de retirer son foulard pour poursuivre ses études s’est vu applaudir par les professeurs à la rentrée du lycée. Rien d’extraordinaire jusque là, mais le plus étonnant reste à venir. Le proviseur lui demande de lever les bras et de dire « vive la république », comme si la profession de foi n’était pas totalement achevée, ou ne donnait pas encore entière satisfaction.

Quand est-ce que l’on reconnaîtra le français musulman comme un citoyen à part entière ? Quand est-ce que l’on acceptera réellement la pluralité de ce pays ? Quand est-ce que l’on mettra réellement en pratique la notion de liberté ? Car actuellement on n’accepte qu’une certaine forme de liberté…

Le moment n’est-il pas venu, pour les esprits retranchés derrière des convictions toutes faites et des résolutions à ne rien entendre, de se défaire de ces stéréotypes et de ces peurs !!!

[1] Titre de l’éditorial du Monde, 06.09.04 :  » L’ « islam en France » est devenu l’ « islam de France » « .

[2] D’après l’article de Dominique Pinsolie : « les médias et les Français musulmans : ce ne sont pas des terroristes, mais … ».

De quoi le djihad est-il le nom ?

canyon

Depuis le 11 septembre 2001, l’amalgame entre islam et terrorisme est systématique. L’islam est ainsi considéré comme une religion viscéralement violente et guerrière.

Déconstruire les préjugés 

Un ensemble de mots avec le suffixe « isme » qualifie l’islam aujourd’hui. Terrorisme, fondamentalisme, obscurantisme, radicalisme, djihadisme… Une guerre des mots est utilisée à l’égard de la religion musulmane afin de façonner l’inconscient des masses et d’assigner l’islam au registre des pathologies.

Ce texte se propose d’engager une réflexion sur le vrai sens du mot djihad en islam. D’autant plus, que le discours djihadiste prolifère aujourd’hui de manière inquiétante et que terrorisme et islamophobie font bon ménage dans notre contexte.

Un certain nombre de clichés négatifs et de fausses évidences existent à l’endroit de l’islam et des musulmans.

Ces préjugés résultent d’une méconnaissance de la religion musulmane, de sa pensée et sa vocation de paix et de tolérance. Cependant, pour déconstruire ces préjugés et éviter de tomber dans une vision essentialiste, il est nécessaire de définir les concepts d’islam, d’une part, et de djihad, d’autre part, et le replacer dans un contexte à la fois historique et politique.

Que veut dire le mot djihad aujourd’hui ?

Le djihadisme est-il une forme islamique du terrorisme ? Le djihadisme  est-il l’avatar de l’islam ? La violence est-elle intrinsèque à l’islam ? L’islam est-il un élément perturbateur pour la paix dans le monde ? Autant de questions qui exigent des réponses claires et audibles.

Comme le souligne Mohammed Arkoun [1], en français, on a l’habitude de traduire le mot islam par soumission. Or, étymologiquement, islam, en langue arabe, signifie « livrer quelque chose à quelqu’un ». Il s’agit donc, de « livrer sa personne dans sa totalité à Dieu, confier toute sa personne à Dieu ».

Ainsi la religion musulmane implique le don de soi, plutôt que la soumission.

Le Coran interdit la contrainte en matière religieuse

Le mot islam a également pour racine étymologique « salam » qui signifie paix. La paix est central, dans le Coran « Ô vous qui croyez, entrez tous et toutes en paix » [2]. Être en paix et promouvoir la paix relèvent de l’ordre du sacré.

Parallèlement, un des quatre-vingt-dix-neuf noms glorieux de Dieu est « Paix » et, cinq fois par jour, le musulman invoque Dieu par cet attribut dans sa prière. L’état de paix résulte d’un lien intime entre l’homme et Dieu et d’une forte spiritualité.

L’islam étant défini, étudions maintenant son lien avec la violence, en particulier la notion de djihad.

Le mot djihad est souvent traduit par « Guerre Sainte » ou « Holly War » ; or  « la guerre sainte » traduit, à son tour, en langue arabe, veut dire « Al Harb al-Mouqaddassa ». Cette terminologie n’existe nulle part, ni dans les textes fondateurs de l’islam, ni dans la littérature musulmane.

Il y a une vision erronée qui considère le djihad en islam à travers le prisme historique des croisades médiévales. L’idée d’une guerre sainte engageant les musulmans, au nom de leur foi, dans une guerre de conquête afin de contraindre les gens à se convertir n’existe pas en islam. Le Coran interdit la contrainte en matière religieuse : « Nulle contrainte en religion » [3].

La foi musulmane, aussi ardente et sincère qu’elle puisse être, ne saurait rayonner et se propager par la force, car cela contredirait l’essence même du message.

Le djihad : faire un effort sur soi

Le djihad vient du mot « ja-ha-da », qui signifie faire effort et, en aucun cas, faire violence. Cet effort consiste, en effet, à réaliser une victoire sur soi, qui est la plus royale des victoires. Un effort contre sa propre violence et ses attitudes colériques. Ce djihad, appelé couramment « djihad an-nafs » : « l’effort sur soi », est au centre de la spiritualité musulmane. C’est grâce à cette persévérance que l’homme maîtrise sa violence, domine sa colère et s’élève moralement et spirituellement.

Certes, le djihad peut prendre la forme d’un effort armé : Al Qitâl. Mais cet effort a toujours été codifié par des règles strictes.

Le combat armé n’est autorisé qu’en cas d’autoprotection ou légitime défense. Ainsi, les musulmans, pendant 13 années à la Mecque, ont utilisé la non violence comme moyen de résistance malgré les persécutions, l’isolement et l’embargo social et économique.

Puis, à leur arrivée à Médine, ils ont eu la permission de Dieu de se défendre : « Toute autorisation de se défendre est donnée aux victimes d’une agression, qui ont été injustement opprimées, et Dieu a tout pouvoir pour les secourir. Tel est le cas de ceux qui ont été injustement chassés de leurs foyers uniquement pour avoir dit : “ Notre Seigneur est Dieu !” » [4].

À partir de ce verset coranique, la guerre a certes été autorisée, mais dans trois conditions :

  1. En cas de légitime défense, si tous les moyens pacifiques n’ont pas réussi à stopper l’agression
  2. En cas de persécution, de spoliation des propriétés
  3. Pour libérer des peuples du joug de la dictature.

Pas une goutte de sang

Omar Ibn Al-Khattab, deuxième calife après le Prophète Mohamed (Paix et salut de Dieu sur lui) a libéré Jérusalem de l’occupation byzantine sans qu’aucune goutte de sang ne soit versée.

Salah Stétié explique dans son livre « Culture et Violence en Méditerranée » :

« L’islam ne s’est vraiment imposé – une première fois par l’entrée du calife Omar dans la Ville sainte (Jérusalem) en 636, une seconde fois par la reconquête de la ville sur les croisés par Saladin en 1187 – que d’avoir géré pacifiquement, sur des siècles, l’ensemble de l’héritage. […] Les chrétiens de Jérusalem, comme ceux de Syrie et plus tard ceux d’Egypte, ont reçu les Arabes en libérateurs au témoignage de tous les historiens chrétiens de l’époque » [5].

Un autre exemple intéressant est celui de l’émir Abdel Kader, héros de la résistance algérienne, qui a lutté vaillamment contre la colonisation française. Mais, établi dans la capitale syrienne, Il joua un rôle de premier plan lors des émeutes de 1860. L’émir sauva, au nom de la foi musulmane, des milliers de chrétiens du massacre. Sa conduite lui vaudra de nombreux témoignages de reconnaissance et des décorations [6].

Donc le djihad renvoie à la notion d’effort : effort sur soi, effort de savoir et de connaissance, effort de développement … Et en aucun cas, une idéologie qui, se revendique de l’islam mais trahit, fondamentalement, sa vocation de paix et de justice, et préconise le terrorisme et les assassinats comme outils de lutte.

Le Coran déclare : « Quiconque porte atteinte à un innocent, c’est l’humanité toute entière qu’on remet en question » [7].

Le terrorisme n’a pas de religion

Le texte sacré est une chose, la lecture et l’interprétation qu’en font les hommes en est une autre. Les textes sacrés peuvent être instrumentalisés par les extrémistes de toute sorte.

L’islam est-il par essence violent ? Le Coran incite-t-il à la violence ? Ou bien ce sont les hommes qui prennent prétexte de tout, y compris du nom de Dieu, du Prophète et du Coran pour justifier et légitimer leur propre violence et leur propre fanatisme ?

Il est important de souligner que le terrorisme n’a pas de religion. Mais ce qui interpelle aujourd’hui, ce sont les moyens de communication utilisés par les djihadistes pour donner une résonnance planétaire à leur doctrine, attirer un jeune public et l’embrigader.

Les djihadistes utilisent internet, notamment les réseaux sociaux, et diffusent des vidéos prêchant la haine.

Les jeux vidéo comme « Call of Duty » sont aussi utilisés pour charmer de jeunes candidats au djihad. Il faut noter également  que le djihadisme est attractif pour des individus en rupture avec la société, avec leurs familles, ou en détresse psychologique.

Face à la violence du rejet, il y a la violence du djihadisme

Face à la violence du rejet, il y a la violence du djihadisme. Pour des jeunes sans repères, le djihadisme devient une carrière.

Face à de tels phénomènes, aux conséquences aussi graves pour notre société, nous devons nous engager à favoriser le dialogue et l’enrichissement mutuels, à refuser les amalgames et à lutter contre toute idéologie prêchant la violence, incitant et légitimant des crimes terroristes.

Nous devons également favoriser l’éducation et la participation citoyennes de manière à éliminer les conditions qui favorisent la prolifération de la violence et de la pensée extrémiste.

[1] M. Arkoun, Ouvertures sur l’islam, Grancher, 1992, p. 35.

[2] Coran 2/208

[3] Coran 2/256.

[4] Coran : 22 / 39 – 40.

[5] Salah Stétié, Culture et Violence en Méditerranée, 2008, Imprimerie nationale éditions, p. 128.

[6] « L’émir et les chrétiens », Conférence du 7 décembre 2004 à Lyon de Mgr TEISSIER et de M. BOUTALEB

[7] Coran : 5 / 32.

 

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الحمد لله

يَقُولُ أَبُو اَلدَّرْدَاءْ رَضِيَ اللَّهُ عَنْهُ :  » إِنَّ مِنْ فِقْهِ اَلْعَبْدِ أَنْ يَتَعَاهَدَ إِيمَانَهُ وَمَا نَقَصَ مِنْهُ، وَإِنَّ مِنْ فِقْهِ اَلْعَبْدِ أَنْ يَعْلَمَ أَيَزْدَادُ إِيمَانَهُ أَمْ يَنْقُصْ، وَإِنَّ مِنْ فِقْهِ اَلرَّجُلِ أَنْ يَعْلَمَ نَزَغَاتٍ اَلشَّيْطَانِ أَنَّى تَـأْتِيهِ

Le compagnon Abou Daradaâ disait : « Le fidèle avisé doit examiner et entretenir sa foi de manière régulière, savoir si sa foi augmente ou diminue et sentir les tentations d’où elles viennent les appréhender et les repousser ».

Il est souvent utile de faire le bilan de notre foi et de notre engagement envers Dieu. Comment tester sa foi ? Comment savoir si notre augmente ou diminue ? Quels sont les indicateurs qui nous permettent d’entretenir et de gérer notre foi efficacement.

 يَقُولُ خَيْثَمَة بْنُ عَبْدِ اَلرَّحْمَنْ :  » اَلْإِيمَانُ يَسْمَنُ فِي اَلْخَصْبِ وَيَهْزَلُ فِي اَلْجَذْبِ، فَخِصْبُهُ اَلْعَمَلُ اَلصَّالِحُ وَجَذْبُهُ اَلذُّنُوبْ

 Khaythama ibn Abd-Rahaman a dit : « La foi augmente, progresse et donne une bonne et abondante moisson dans une terre fertile, mais s’affaiblit et périt dans une terre aride. La  fertilité et la progression sont favorisés par l’accomplissement de bonnes œuvres et la faiblesse de la foi est favorisé par les péchés ».

 وَاَلْإِيمَانُ يَزِيدُ وَيَنْقُصُ عِنْدَمَا يُوضَعُ فِي اَلْاِخْتِبَارْ، وَيُمْتَحَنُ عِنْدَ هَذِهِ اَلْمَوَاقِفْ 

Notre foi peut être en effet testée, évaluée lorsqu’elle sera mis à l’épreuve, lorsqu’elle saura réagir dans les situations suivantes :

 عِنْدَ اَلشُّبُهَاتْ

حَذَّرَنَا اَلرَّسُولُ صَلَّى اَللهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ مِنَ اَلْوُقُوعِ فِي اَلشُّبُهَاتِ. عَنِ اَلنُّعْمَانِ بْنِ بَشِيرْ رَضِيَ اَللهُ عَنْهُ قَالَ: سَمِعْتُ رَسُولَ اَللهِ صَلَّى اَللهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ يَقُولُ:  » إِنَّ اَلْحَلَالَ بَيِّنٌ وَإِنَّ اَلْحَرَامَ بَيِّنٌ وَبـَـيْنَهُمَا أُمُورٌ مُشْتَبِهَاتٌ، لاَ يَعْلَمُهُنَّ كَثِيرٌ مِنَ اَلنَّاسِ. فَمَنْ اِتَّقَى اَلشُّبُهَاتِ فَقَدْ اِسْتَبْرَأَ لِدِينِهِ وَعِرْضِهِ، وَمَنْ وَقَعَ فِي اَلشُّبُهَاتٍ وَقَعَ فِي اَلْحَرَامِ… »  

اَلشُّبُهَاتُ مَوْقِفُ اخْتِبَارٍ لِلْإِيمَانِ. فَمَنْ أَنْكَرَهَا وَدَفَعَهَا قَوِيَ إِيمَانُهُ وَرَسَخَ. وَمَنْ أُشْرِبَهَا وَمَالَ إِلَيْهَا عَصَفَتْ بـِــإِيمَانِهِ فَضَعُفَ وَانْحَدَرَ

 1er  test de la foi : devant les choses douteuses : Dans le hadith authentique :  «  Le licite est clair, l(illicite est clair et entre les deux il y a des choses qui peuvent prêter au doute. Celui ou celle qui se garde des choses douteuses saura préserver sa foi et son intégrité. En revanche, celui ou celle qui n’est pas vigilent, tombera incontestablement dans le haram … »

Se garder des choses douteuses est un bon test pour notre foi, le fidèle qui sera les repousser sa foi se fortifie et se consolide et s’enracine davantage et celui qui les accepte sa foi s’affaiblit et finira par disparaître si aucun effort n’est fourni pour rectifier le tir.

عِنْدَ اَلْمَعَاصِي :

إِنَّ إِتْيَانَ اَلْمَعَاصِي يُنْسِي مُرَاقَبَةَ اَللهِ عَزَّ وَجَلَّ وَيُضْعِفُ ذِكْرَ اَلْآخِرَةِ فَيَضْعُفُ تَبَعًا لٍذَلِكَ اَلْإِيمَانْ. ولِهَذَا جَاءَ فِي اَلْحَدِيثِ اَلَّذِي رَوَاهُ مُسْلِمْ  عَنْ حُذَيْفَةَ بْنِ اَلْيَمَانِ :  » تُعْرَضُ الْفِتَنُ عَلَى الْقُلُوبِ كَالْحَصِيرِ عُودًا عُودًا ، فَأَيُّ قَلْبٍ أُشْرِبَهَا نُكِتَ فِيهِ نُكْتَةٌ سَوْدَاءُ ، وَأَيُّ قَلْبٍ أَنْكَرَهَا نُكِتَ فِيهِ نُكْتَةٌ بَيْضَاءُ ، حَتَّى تَصِيرَ عَلَى قَلْبَيْنِ عَلَى أَبْيَضَ مِثْلِ الصَّفَا ، فَلَا تَضُرُّهُ فِتْنَةٌ مَا دَامَتِ السَّمَاوَاتُ وَالأَرْضُ وَالآخَرُ أَسْوَدُ ، لَا يَعْرِفُ مَعْرُوفًا ، وَلَا يُنْكِرُ مُنْكَرًا ، إِلَّا مَا أُشْرِبَ مِنْ هَوَاهُ « 

    2ème test pour la foi : vis-à-vis des péchés : l’individu qui sombre dans les péchés et ne fournit pas les efforts nécessaires pour changer de comportements, oublie Dieu, oublie Sa rencontre ultime et par conséquent sa foi diminue.

Hadith rapporté par Moslim selon Houdayfa ibn al Yaman, le Prophète (r) a dit : « Les séducteurs assaillent successivement les cœurs comme les fils du paillasson, les uns après les autres. chaque cœur qui les absorbe, sera tâché de tâches noires et chaque cœur qui les rejette, sera tâché de tâches blanches jusqu’à ce que les cœurs deviennent de deux sortes : un cœur obscur qui ne connait aucun bien et ne rejette aucun mal car il ne réagit qu’à ses désirs, et un cœur blanc qu’aucune séduction n’atteindra préjudiciablement tant que les cieux et la terre persisteront ».

  عِنْدَ اَلْاِبْتِلَاءْ :

قَالَ تَعَالَى:  » أَلَمْ، أَحَسِبَ اَلنَّاسُ أَنْ يُتْرَكُواْ أَنْ يَقُولُوا آمَنَّا وَهُمْ لَا يُفْتَنُونْ « .

 وَقَالَ رَسُولُ اَللهِ صَلَّى اَللهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ :  » يُبْتَلَى اَلْمَرْءُ عَلَى قَدْرِ إِيمَانِهِ، فَإِنْ وُجِدَ فِي إِيمَانِهِ صَلَابَةٌ زِيدَ لَهُ فِي اَلْبَلاَءْ « .  

 3ème test pour la foi : face à l’épreuve.

Dieu dit : « Est-ce que les gens pensent qu’on affirmant : « Nous portons la foi ! » ils ne seront pas éprouvés ? » (S. 29 – V. 2).

Le Prophète (r) a dit : «  L’individu sera éprouvé selon l’intensité de sa foi. Si foi est forte, l’épreuve sera à la hauteur de sa foi ». Rapporté par Boukhari. Dans un autre hadith chez Boukhari également : «  La foi du fidèle ne cesse d’être mise à l’épreuve jusqu’à ce qu’il rencontre Dieu alors qu’il est absous de tout péché ».

Dieu dit : « Dieu est le Protecteur de ceux qui ont la foi, Il les fait sortir des ténèbres, pour les guider vers la lumière » c’est un grand privilège d’être destinataire de ce verset de sourate 2. Cher frère, chère sœur, demeure en permanence présent à Dieu, espère en Lui en tout ce que tu fait, arme-toi de patience devant l’épreuve et invoque l’aide de Dieu pour tous les aléas de ton existence. Garde-toi des pièges de l’insouciance (al-ghafla), des douceurs trompeuses de la passion, des désirs et des espoirs fallacieux de ton âme : ton plus grand ennemi.

Dans toutes les situations, implore le secours de Dieu est consulte-Le en toutes circonstances. Sache qu’à chaque moment de sa vie, le fidèle met sa véracité à l’épreuve et qu’il risque fort d’être lui-même éprouvé. Alors, sois véridique dans ta quête de Dieu et du savoir, tu accéderas à la connaissance pure et sache que l’excellence ne s’obtient que par l’effort.

L’héritage dans le Coran : Une recommandation ne fait pas Loi (Partie 3 sur 3) Par Dr Al ‘Ajamî

Ceci sera le dernier volet consacré à cette étude. L’analyse littérale des versets S2.V180-182 ; S2.V240 ; S4.V7-8 avait montré que le legs testamentaire ou wasyya,  était la mesure de référence édictée par le Coran concernant la transmission des biens. Cette disposition prioritaire permettait de répartir ses biens librement et sans limitation ou ségrégation de genre. D’autre part, l’analyse littérale de S4.V11-12 met en évidence que l’héritage à quoteparts dit “héritage coranique”, al warth, n’était qu’une mesure complémentaire faisant si nécessaire suite au dit legs testamentaire. Par ailleurs, il apparaissait que ce type d’héritage ne fondait ou n’appuyait aucune forme d’inégalité entre les hommes et les femmes. Nous avions aussi montré que contrairement à l’idée commune, cet héritage n’avait littéralement aucun caractère obligatoire.

• Nous aurons donc noté que la prescription de la wasyya en S4.V7 avait, quant à elle, un caractère obligatoire marqué par l’emploi du verbe kataba, écrire, prescrire. Ne venant qu’en second lieu après la wasyya, l’héritage devrait être logiquement à caractère seulement recommandé, tel est littéralement le cas : “ Dieu vous recommande [awsâ – yûsîkum] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes, au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé […] Attribution de Dieu ; certes, Dieu est Savant et Sage.” S4.V11.

Nous avions fait remarquer qu’en ces versets dits de l’héritage, le marqueur de valeur était précisément le verbe awsâ signifiant sans ambiguïté recommander. De plus, stricto sensu, ce n’est point l’héritage lui-même qui est ainsi recommandé, mais les modalités de calcul des quoteparts.

Plus encore, une recommandation n’est point une loi. Et pour la défense de la cohérence coranique cela est heureux, car il peut aisément être réalisé les observations suivantes :

– Si les énoncés coraniques en matière d’héritage avaient été une « loi divine », alors le Législateur, Dieu, aurait été imparfait ! En effet, certains héritiers seraient oubliés par la Révélation – fait pourtant signalés par les juristes – ce qui entraînerait des injustices patentes. Ainsi en est-il du cas de l’orphelin de père qui n’est pas mentionné dans le Coran comme pouvant héritier de son grand-père paternel, de même il n’est pas fait mention de ce qui revient aux grands-parents et arrières grands-parents,  état de fait dont on comprend aisément qu’il puisse être préjudiciable. Mais, si l’on admet ce que dit réellement le Coran : « il ne s’agit là que de recommandations », il serait alors logique que tous les cas théoriques possibles n’aient pas été nécessairement envisagés par la Révélation. Il n’y a donc ni contradiction ni oubli réels à ce sujet dans le Coran.

– De même, nous pouvons mentionner le très connu hadîth rapporté par At-Tirmidhî, Ibn Hanbal, Abû Dâwud et Ibn Mâjah. L’on y voit  la femme de Sa‘d ibn ar-Rabî‘ interpeller le Prophète en lui disant que son mari est mort à la bataille de Ohod laissant deux filles, mais que le frère de  Sa‘d a pris pour lui tous les biens laissés par ce dernier, nous avons déjà indiqué qu’il semble que telle était la coutume d’alors. Suite à cet incident, auraient été révélés lesdits « versets de l’héritage », en application directe de quoi le Prophète attribua aux deux filles les deux tiers, à leur mère un huitième et le reste au frère de Sa‘d, soit un peu moins du tiers.  Ce hadîth, lui aussi donné comme « circonstance de révélation » des « versets de l’héritage », est seulement classifié hasan et le cas théorique fourni vise semble-t-il à montrer que le système des quoteparts coraniques d’héritage n’amène pas systématiquement à donner le double aux mâles. Cet exemple nous rappelle aussi que dès lors que des versets sont jugés essentiels pour la construction de l’islam l’abondance de l’entreprise exégétique arrive à produire dans le temps plusieurs « circonstances de révélation » pour un même verset ou groupe de versets.[1] Par ailleurs, il est heureux que ce « hadîth » ne soit pas authentifié, sahîh, puisque l’on y voit le Prophète non pas appliquer le sens littéral exact du Coran, mais les règles de calcul instaurées postérieurement par le Droit…

– Selon une même approche, les juristes eux-mêmes ont signalé qu’en certaines configurations, lorsqu’on calcule les quoteparts en considérant les règles fixes et intangibles, il arrive que le nombre de parts dépasse le tout ! Classiquement, il avait été inventé un système de réduction proportionnelle, al ‘awl, pour résoudre la difficulté. Inutile de ruser avec la « Loi divine » quand, à l’écoute du Texte, l’on entend bien ce que recommandation veut dire et, surtout, quand le principe non coraniquement fondé de « au mâle la part de deux femelles » n’est pas érigé en étalon!

– Pragmatiquement, tel que conçu classiquement, le système de Droit successoral fractionne les biens et dilapide la solidité des acquis, les capitaux sont en quelque sorte répartis mathématiquement et s’en trouve en bien des cas dispersés et déstructurés. Ceci, sous un autre aspect, plaide en faveur du recours à la wasyya,  encore une fois, le fiqh est en opposition avec la rationalité pragmatique du Coran.

– Outre le fait que ce système d’héritage n’aboutit pas systématiquement à léser de moitié les femmes, nous en avons donné des exemples, il est évident que cela représentait à l’époque de la Révélation un progrès sensible en leur faveur. Il est bien connu, et parfois rapporté sans preuve comme « circonstance de révélation », à nouveau, qu’en ces temps-là les biens du défunt ne revenaient qu’à la descendance mâle, celle qui était considérée apte à combattre. Ces mesures coraniques sont donc une première étape en faveur des femmes. Nous disons étapes, puisqu’il ne s’agit pas d’un ordre figé pour l’éternité, mais, surtout, du fait que le principe de wasyya – libre de toute mesure et de tout critère de répartition – permettait et permet encore plus à présent de répartir les biens du défunt en fonction des réalités. Par réalités il faut entendre aussi bien celles du cas par cas que celles issues de l’évolution des sociétés. A bien le lire, le Coran en son énoncé obvie et littéral ne dit rien d’autre et il n’est point nécessaire de l’adapter à notre temps, il le précède encore.

• Avant que d’en revenir à une approche coranique de la notion de recommandation, il nous faudra rappeler qu’à l’occasion les autorités responsables de la « Parole de Dieu » et de la « Loi divine » menacent les musulmans du feu de l’Enfer s’il advenait qu’ils veuillent répartir autrement leurs biens. Nous aurons compris que les censeurs ne sont pas plus maîtres du châtiment qu’ils ne le sont d’eux-mêmes. Rien en un système de recommandation n’entraine de « punition » en cas de manquement, et ce, d’autant plus, que le legs testamentaire autorise tous les possibles.

Pour être exact, les gardiens de cette orthopraxie justicière citent généralement les versets 13-14 qui semblent conclure le passage consacré à l’héritage :

تِلْكَ حُدُودُ اللَّهِ وَمَنْ يُطِعِ اللَّهَ وَرَسُولَهُ يُدْخِلْهُ جَنَّاتٍ تَجْرِي مِنْ تَحْتِهَا الْأَنْهَارُ خَالِدِينَ فِيهَا وَذَلِكَ الْفَوْزُ الْعَظِيمُ (13)

وَمَنْ يَعْصِ اللَّهَ وَرَسُولَهُ وَيَتَعَدَّ حُدُودَهُ يُدْخِلْهُ نَارًا خَالِدًا فِيهَا وَلَهُ عَذَابٌ مُهِينٌ (14)

“Telles sont les limites [hudûd] de Dieu. Qui obéit à Dieu et à Son Messager, Il l’introduira en des jardins sous lesquels courent ruisseaux ; ils y demeureront, telle est la récompense suprême. Mais, qui désobéit à Dieu et à Son Messager et transgresse Ses limites, Il l’introduira en un feu où il demeura, il recevra un châtiment avilissant.” S4.V13.14.

Le mot-clef est ici hadd dont nous avons traduit le pluriel hudûd par limites. Ce terme polysémique possède une vingtaine de significations et ce n’est que dans le domaine du Droit, donc en une époque postérieure à la Révélation, qu’il prit le sens de châtiment corporel en cas d’infraction à la Loi divine. Par extension toujours, hadd en vint à désigner la limite fixée par Dieu, les normes divines, les ordres de Dieu. Mais nous devons bien comprendre que ce mot n’avait absolument pas à l’origine ces acceptations dans le Coran. Par contre, dans le contexte d’emploi coranique, hadd peut signifier manière, définition, but, limite. Ce dernier sens est ici le plus vraisemblable et un tel usage est maintes fois vérifiable dans le Coran. Ex : en S2.V187 où l’expression identique « Telles sont les limites de Dieu », tilka hudûdu-llâh, est suivi de l’ordre suivant : « ne vous en approchez pas », fa lâ taqrabûhâ. L’on comprend aisément ce que signifie «  ne vous approchez pas des limites établies par Dieu », alors que « ne vous approchez pas des Lois de Dieu » signifierait que nous ne devrions pas en tenir compte ![2]

Par limites que doit-on comprendre ?  Lorsqu’il s’agit de limites supérieures, c’est-à-dire à ne pas franchir, une telle mesure doit être logiquement assortie d’une interdiction. Ce n’est pas le cas, nous l’avons démontré, il s’agit donc de limites inférieures ou basses, des minima que l’on ne doit pas transgresser, c’est-à-dire négliger. Rien n’interdit donc de faire plus ou mieux. Une telle conception s’accompagne ainsi logiquement d’une recommandation et non pas d’une interdiction. Tel est bien le cas concernant l’héritage indiqué dans le Coran en tant que mesure complémentaire après le legs testamentaire.

Enfin, nous ferons observer que ces versets ne concluent pas uniquement les deux versets relatifs à l’héritage, mais l’ensemble des recommandations qui ont été faites depuis le début de la sourate « Les femmes ». Elles concernent : la gestion des biens des orphelins, le legs testamentaire, les conditions de licéité du mariage, et le fait d’épouser des veuves en charge d’orphelins.

CONCLUSION

L’abus de sens engendré par l’investissement juridique du terme hudûd, limites, et non pas ordres, est régulièrement source d’une erreur majeure de compréhension du Coran. L’on pouvait s’y attendre, la traduction saoudienne traduit hudûdu-l-llâh par ordres de Dieu, mais elle n’est pas la seule à commettre cette trahison textuelle. Ces très anciennes manipulations exégétiques visent à construire le concept de “Loi divine” et à l’imposer aux hommes. Bien que nous ne puissions en cet article développer ce sujet, le titre que nous avons choisi pour ces articles : « L’héritage dans le Coran : Loi Divine, Droit des hommes, ou droit de femmes ? » porte en soi toute la problématique : il n’y a pas confondre les droits accordés par la Révélation avec le concept fictif de « Droit divin » compris en tant que système réalisant la “Loi de Dieu” ou ses formes incarnées la Sharia et le Droit musulman.[3]

L’ensemble des versets relatifs au legs testamentaire, wasyya,  et à l’héritage, warth, a fait l’objet d’un intense surinvestissement exégétique en vue de légitimer les constructions du point de vue du Droit musulman, le fiqh. Ce dernier, en fonction d’intérêts particuliers et de mentalités certaines – ici, qu’on le veuille ou non :  entériner la valeur moindre de la femme – a tout fait pour imposer l’héritage coranique en tant que Loi divine à caractère immuable au détriment du legs testamentaire coranique bien plus souple et adaptatif.

En cette étude, il nous aura été donné l’occasion de suivre le déroulement de la synthèse d’un point précis de l’islam et de mesurer l’écart entre la Révélation et l’islam, notre religion, qu’il serait plus rigoureux de qualifier d’islam historique puisqu’issu d’un procédé complexe d’élaboration – certes à partir du révélé qui lui est spécifique, le Coran – l’inscrivant dans le temps des hommes, l’Histoire. Concernant notre démonstration parallèle, l’égalité des hommes et des femmes dans le Coran, nous aurons pu constater que le point de vue imposé par l’islam, conjugué à notre ignorance du message réel du Coran, engendre des mentalités elles aussi historiques. Nous, musulmans, sommes conditionnés par l’islam à accepter certaines formes d’inégalité et d’injustice comme à savoir gérer les contradictions patentes entre notre foi, la raison, nos croyances et la réalité.

Une recommandation s’adresse de principe à la responsabilité éthique des hommes, elle les accompagne, comme un viatique, tout au long de leurs parcours. L’on comprend aisément que le Coran s’adresse aux hommes sur ce mode là. Une loi, est dirigiste, elle ordonne et impose. Il n’est pas nécessaire d’élever son niveau moral pour appliquer la loi, la crainte y suffit, il ne s’agit pas d’un système d’éducation, mais de surveillance. Il peut alors arriver que l’obligation légale se substitue à l’obligation morale ou en devienne un substitut. Cela ne signifie pas, bien évidemment, que l’islam ne soit pas une religion morale, mais indique, ou explique, que parfois l’individu néglige de porter un jugement moral, un jugement de valeur, adapté à la réalité. En ce cas, le concept de « loi divine » déresponsabilise et évite le questionnement. Ainsi, n’a-t-on plus à se positionner moralement s’agissant de la lapidation de l’adultère, ou du fait d’épouser une enfant, ou de déposséder des orphelines vertueuses au profit de leurs frères dévoyés, entre autres exemples.  L’abstraction « loi divine » peut découpler la raison du cœur et dédouaner de tout effort éthique. Cela peut s’avérer, par carence morale des individus, être un véritable passe-droit ! La morale, le respect, l’intelligence, sont des valeurs universelles que Dieu a données aux hommes pour qu’ils en fassent usage.

[1]  Cf. par exemple la multiplication des « circonstances de révélation » pour S4.V3.

[2] Ne reculant devant jamais le ridicule intellectuel et la manipulation, la traduction wahhabo-saoudienne dit : « Voilà les lois d’Allah : ne vous en approchez donc pas.» Pour rétablir une pseudo logique, elle est alors dans l’obligation d’ajouter un entre parenthèses : « …ne vous en approchez donc pas (pour les transgresser) ».  L’on appréciera le sophisme…

[3] Rien n’est effectivement plus faux et plus lourd de conséquences. Il ne parait pas possible de comprendre les débats internes et externes qui animent à l’heure actuelle la scène sans avoir au préalable parfaitement décrypté cette problématique. Sans doute faudra-t-il un jour que les musulmans soient à même de défaire ce véritable nœud gordien plutôt que le trancher. Nous avons explicité ces différences essentielles en notre ouvrage « Que dit vraiment le Coran » aux chapitres : « Sharia » et « Loi révélée».

Source : Oumma.com

L’héritage dans le Coran : Loi divine, Droit des hommes, ou droits des femmes ? 2/3 – L’héritage à quoteparts, al warth

Par Dr Al ‘Ajamî

Au volet précédent (1/2) nous avions précisé en introduction de la problématique que le Coran abordait la transmission des biens selon trois modalités différentes :

  •  wasyya : le legs testamentaire, les biens répartis par testament.
  •    ‘atyya : donation, les biens attribués du vivant du donateur.
  •  warth : l’héritage, les biens du défunt transmis par succession selon la loi.

En cette première partie, nous aurons réalisé l’analyse littérale des versets relatifs au legs testamentaire, wasyya, et plus succinctement celles des versets en lien avec la donation de son vivant, ‘atyya. Cinq points essentiels ont été mis en évidence :

Le legs testamentaire est la mesure première et principale édictée par le Coran.

Le legs testamentaire a un caractère d’obligation pieuse.

Le legs testamentaire permet de répartir les biens indépendamment du degré de parenté et du genre, hommes ou femmes.

Rien de coraniquement fondé ne permet de limiter la quotité de biens légués.

Hommes et femmes peuvent recevoir des parts équivalentes ou non en fonction de la volonté du testateur.

Or, lorsque les musulmans évoquent la problématique de la succession ce n’est point au legs testamentaire qu’ils songent, mais à ce que l’on nomme héritage, al warth, c’est-à-dire la transmission post mortem légalement établie des biens. Nous avions souligné plus d’une dizaine de procédés exégétiques mis en œuvre afin de marginaliser cette mesure coranique et d’imposer ce que le Droit voulut : la primauté absolue de l’héritage prédéterminé à quotepart, al warth. De fait, l’inconscient collectif des musulmans valide cette manœuvre séculière et assimile ces mesures à la volonté de Dieu sur leurs biens, une Loi divine qu’il ne serait question de transgresser. Plus insidieusement encore, serait au travers des répartitions dudit héritage coranique entériné comme une inégalité de fait entre l’homme et la femme, ce dernier ayant droit au double de la part d’une femme.

L’enjeu sembla de taille et les « lois de l’héritage » coraniques ont été canonisées par les pouvoirs au point que les gardiens du temple crurent nécessaire de placer quelques cerbères à son entrée. Ainsi, cite-t-on ce propos de Abû Hurayra : «  Étudiez les quoteparts [de l’héritage] et enseignez-les aux gens car il s’agit là de la moitié de la science. De plus, ceci sera la première chose que l’on oubliera et la première chose qui sera retirée à ma Communauté. » Ce hadîth est rapporté par at-Tirmidhî et ad-Dâraqtanî et il est da’îf, classifié faible, ainsi que toutes les nombreuses variantes sur ce thème. Ce type de productions est parfaitement symptomatique du rôle que s’est conféré le corps des ulémas et de leur fonction d’intermédiaires obligés entre le Livre et la Communauté.

L’HÉRITAGE DANS LE CORAN

Au delà des affirmations et assertions du Droit musulman et de l’exégèse, il est aisé de comprendre que si le Coran prescrit prioritairement le recours au legs testamentaire, wasyya, par voie de conséquence l’héritage dit coranique[1] ne peut être qu’une mesure secondaire. Il sera donc tout aussi logique que l’héritage ne revête point de caractère obligatoire, et nous allons le constater.

Les versets 11, 12 et 176 de Sourate « Les femmes » englobent la totalité du sujet. Ces versets ont tous été révélés postérieurement à ceux qui édictèrent le recours la wasyya ce qui indique d’emblée la primauté de la wasyya sur l’héritage, primauté que le Droit musulman classique a évacuée du champ culturel et cultuel. Nous nous intéresserons principalement au V11 que sa densité littérale rend mal aisé à appréhender :

يُوصِيكُمُ اللَّهُ فِي أَوْلَادِكُمْ لِلذَّكَرِ مِثْلُ حَظِّ الْأُنْثَيَيْنِ فَإِنْ كُنَّ نِسَاءً فَوْقَ اثْنَتَيْنِ فَلَهُنَّ ثُلُثَا مَا تَرَكَ وَإِنْ كَانَتْ وَاحِدَةً فَلَهَا النِّصْفُ وَلِأَبَوَيْهِ لِكُلِّ وَاحِدٍ مِنْهُمَا السُّدُسُ مِمَّا تَرَكَ إِنْ كَانَ لَهُ وَلَدٌ فَإِنْ لَمْ يَكُنْ لَهُ وَلَدٌ وَوَرِثَهُ أَبَوَاهُ فَلِأُمِّهِ الثُّلُثُ فَإِنْ كَانَ لَهُ إِخْوَةٌ فَلِأُمِّهِ السُّدُسُ مِنْ بَعْدِ وَصِيَّةٍ يُوصِي بِهَا أَوْ دَيْنٍ آَبَاؤُكُمْ وَأَبْنَاؤُكُمْ لَا تَدْرُونَ أَيُّهُمْ أَقْرَبُ لَكُمْ نَفْعًا فَرِيضَةً مِنَ اللَّهِ إِنَّ اللَّهَ كَانَ عَلِيمًا حَكِيمًا (11

“ Dieu vous recommande [awsâ – yûsîkum] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes, au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié. Quant à ses deux parents, à chacun d’entre eux le sixième de ce qu’il aura laissé s’il avait des enfants. S’il n’avait pas d’enfants et qu’héritent [waratha] de lui ses deux parents, à sa mère le tiers. Dans le cas où il avait des frères, à sa mère le sixième. Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire [wasyya] qu’il avait testé ou une dette.

De vos parents ou de vos enfants, vous ne savez point ceux qui seront le plus à même de vous être utiles.

Attribution de Dieu ; certes, Dieu est Savant et Sage.” S4.V11.

1 – « Dieu vous recommande quant à vos enfants ». Le verbe awsâ [en yûsîkum] est la forme IV de wasâ et il signifie faire une recommandation au moment de mourir, faire un legs. S’agissant de Dieu s’adressant aux hommes, l’idée induite est peut-être celle d’une recommandation ultime, celle de la dernière révélation. Nous retiendrons donc le sens de recommander, sens étymologiquement et grammaticalement fondé,  et nous écarterons le sens tardif ordonner[2] que prit awsâ sous l’influence exégétique du Droit musulman,[3] sens que l’on ne peut qualifier de coranique.

Nous l’avions signalé en l’article précédent, la racine verbale wasâ indique la notion de jonction, lien, réunion. Le français enjoindre, parfois utilisé en ce verset par les traducteurs,[4] pour commode qu’il soit, peut être un abus de sens, car enjoindre c’est aussi ordonner formellement, prescrire.

En tout état de cause, une recommandation n’est pas un ordre. Certes, une recommandation de Dieu s’impose au croyant, mais elle ne fait pas pour autant loi.  La loi des hommes, elle, sans nul doute, s’impose par nature aux hommes. Le Coran ne prescrit donc pas canoniquement l’obligation de la pratique de l’héritage par quoteparts. Nous reviendrons sur ce point fondamental.

2 – « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. » Les traductions s’accordent sur un : «  au garçon la part de deux filles» formulation qui indiquerait comme une règle, la base de calcul des quoteparts coraniques, le fameux principe d’inégalité dans l’héritage. Énoncé qui,  transcendé par certains, serait comme le témoignage d’une inégalité foncière de la femme…

Le texte en est : « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni ». Tout comme en anglais, les termes mâle et femelle, dhakar et unthâ, n’ont pas en arabe de connotation particulière et, du fait qu’il est dit antérieurement « Dieu vous recommande quant à vos enfants [awlâdikum] », la mention des enfants impose ici de comprendre les termes dhakar et unthâ comme signifiant garçon et fille, d’où nôtre : « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. » Plus coraniquement précis encore, nous aurions pu dire : «  au fils l’équivalent de la part des deux filles ». En effet, la phrase coranique : « Dieu vous recommande quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles » ne concerne présentement que le cas des enfants du défunt.[5] De fait, nous retrouverons le même segment « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni » au V176 de S4 où il concerne un autre cas particulier : la répartition entre les frères et sœurs survivants du défunt.

S’agit-il du décès du père ou de la mère ? Plusieurs marqueurs du genre masculin sont notables  et, par exemple, nous lisons plus avant en ce verset: « Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire qu’il avait testé ou une dette ». Est ainsi indiqué que ce verset 11 envisage certaines répartitions des biens non testés uniquement dans le cas du décès du père de famille. C’est au verset 12 que sera abordée la question en cas de décès de la mère ou de l’épouse.

3 – « S’il y a plus de deux femmes, à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. » Cette traduction laisse littéralement apparaître le problème posé : qui sont ces femmes ? Sont-ce des filles du défunt ? Les femmes du défunt ? Ses sœurs ? Ses mères ?

Le terme arabe nisâ’, femmes, est un collectif et il désigne, comme en français, tout individu adulte de sexe féminin, il peut aussi, pareillement, dénommer l’épouse.

Le cas de collatéraux est a priori envisagé au verset 12 ainsi que celui des conjoints. Le verset 11 semble ainsi consacré à la lignée directe, ascendants y compris.[6] Nous devons donc comprendre ici par nisâ’, femmes, les filles du défunt.[7]

Nombre de commentateurs classiques ont supposé que cette phrase concernait le cas où il n’y aurait comme héritiers que des filles, leur nombre étant alors supérieur à deux. Mais, en ce cas, le Coran aurait omis de préciser la répartition lorsque il n’y a que deux filles, oubli d’autant plus net qu’il est en la suite immédiate traité du cas où nous n’avons qu’une seule héritière : « S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié.» Il aura donc fallu qu’ils soutiennent que la réponse à cette se situation se trouvait dans le Hadîth. Toutefois, il nous parait impensable que Dieu puisse avoir commis un « oubli », concept proprement insoutenable ! Hormis cet obstacle théologique, il reste tout aussi délicat d’admettre qu’il soit en ce contexte « oublié » une situation aussi simple.

L’analyse littérale permet de réaliser les constatations suivantes :

Le changement de terminologie, nisâ’ au lieu de unthâ’, femme/fille, marque la rupture avec la mention précédente de la présence de garçons et de filles, la composition du panel n’est donc plus mixte. Il est ainsi tout à fait légitime de traduire par : « S’il n’y a que des femmes ». Comme nous venons de montrer qu’il s’agissait des filles du défunt, nous pourrions traduire par : «  S’il n’y a que des filles ».

Le sous-segment « fawqa ithnatayni » traduit ordinairement par : « au-delà de deux » a été compris comme signifiant : « plus de deux » c’est-à-dire  « S’il y a plus de deux filles héritant de leur père». Or, et az-Zamakhsharî l’avait noté,[8] le syntagme  « fawqa ithnatayni » est un arabisme qui peut être aussi compris comme signifiant que le collectif nisâ’, femmes, inclut le cas présent qu’il y ait au moins deux femmes ; cette incise coranique se justifie du fait des particularités numériques des noms collectifs en arabe.

Par ailleurs, au v12 pour dire « plus de deux » il est employé l’expression courante et univoque « in kânû akthara min », « s’ils sont plus de [deux] ».

Au final, il n’y a donc aucune difficulté littérale à comprendre ainsi ce segment : « S’il n’y a que des femmes [filles du défunt], au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. » [9]

4 – Nous pouvons relire à présent le passage complet : « Dieu vous recommande quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes [filles du défunt], au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié. »

Ce texte permet de mentionner  directement les répartitions suivantes concernant les enfants du défunt :

a)      S’il n’y a qu’une fille : il lui revient 1/2 des biens de son père.

b)      S’il y a deux filles uniquement : elles se partagent les 2/3.

c)      S’il y a plus de deux filles : elles se partagent également les 2/3.

d)     S’il y a un autre nombre de garçons ou de filles l’on applique la règle : « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles.»

e)      S’il y a un seul garçon et une seule fille : selon la même règle il revient au garçon 2/3 et à la fille 1/3.

Notons qu’il n’est pas mentionné expressément le cas où il n’y aurait qu’un seul garçon comme héritier.[10] Ces mesures apparaissent donc établies pour attribuer des parts aux filles du défunt ce qui nous laisse comprendre que tel n’était pas le cas au temps de la Révélation.

5 – Le verset 176, placé en fin de S4, indique lui-même qu’il a été révélé en complément des versets relatifs à l’héritage : «  Ils te consultent [yastaftûnaka]. Dis : Dieu vous éclaire [yuftîkum][11] quant à la succession collatérale… » S’y trouvent mentionnés très explicitement trois cas possibles concernant la répartition des biens entre les frères et sœurs du défunt :

«  S’il n’a qu’une sœur, à elle la moitié de ce qu’il aura laissé.»

« Si elles sont deux, à elles les deux tiers de ce qu’il aura laissé. »

« S’il y a des frères et des sœurs, alors pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles.»

Ceci confirme les résultats de l’analyse littérale et ces trois cas sont symétriques à ceux du v11 et il est attribué des parts proportionnellement identiques entre les frères et sœurs descendants et les frères et sœurs collatéraux.

Ainsi, pouvons-nous constater que le fameux «  au garçon la part de deux filles» apparaît en réalité comme une règle de calcul en deux cas particuliers somme toute similaires : lorsqu’il y a à la fois des frères et des sœurs héritant du défunt, ascendants directs ou collatéraux. Il ne s’agit donc pas d’une règle générale devant être appliquée afin de déterminer toutes les quotesparts d’un héritage, et encore moins d’un principe ontologique d’inégalité…

6 – Malgré tout, et sans ambiguïté, il y a en ces deux cas de figure inégalité de répartition. Des esprits bien pensant, et d’autres moins bien intentionnés, ont essayé de justifier cette situation en arguant que les charges du ménage incombaient à l’homme. Nous ne le ferons pas,   ce serait de fait entériner une situation de domination patriarcale et l’éternelle dépendance de la femme. Ceci étant dit, s’il n’existait que ce type d’héritage comme mode de transmission des biens, il faudrait bien en admettre la partialité et le déséquilibre même si,  et nous allons en donner des exemples, il est des situations d’héritage par quoteparts où il revient aux femmes plus qu’aux hommes.

C’est bien cette répartition avantageant les hommes, de principe et le plus souvent concrètement et matériellement, qui a sans doute justifié que l’on  ait tout tenté pour disqualifier le legs testamentaire, wasyya, et promouvoir l’héritage à quoteparts.

Mais, et cela est capital, ce type d’héritage à parts déterminées n’a pour fonction que de garantir des minimums aux femmes, mesure de protection qui n’est qu’un complément des legs testamentaires. Nous le répéterons une fois encore, le legs testamentaire ou wasyya demeure le moyen prioritaire de répartir ses biens, et ce, sans aucune forme de contrainte de genre et en fonction des évolutions et des réalités sociales et sociologiques. Nous le démontrerons à nouveau plus avant.

7 – « Ceci après qu’ait été réglé le legs testamentaire [wasyya] testé ou une dette. » Cette incise est essentielle, elle indique au minimum que l’héritage et sa répartition par quoteparts ne peuvent avoir lieu que si la wasyya, le legs testamentaire, a d’abord été exécuté. Littéralement, cela  signifie donc que la priorité soit au legs, au testament, et que la répartition selon les modalités de l’héritage ne se fasse que dans le seul cas où il y aurait un reliquat de biens non légués. Ce corps de phrase est si important qu’il sera encore répété à trois reprises au V12. Par : « ou une dette » l’on comprend : après extinction des dettes. Nous devons le souligner avec instance, le Coran est explicite à ce sujet, l’héritage à quote-part n’a lieu qu’après aient été appliquées deux mesures essentielles, le legs testamentaire, wasyya, et le règlement des dettes du défunt ou de la défunte.

L’on comprend dès lors que l’exégèse classique juridique se soit mobilisée pour déclasser les versets prescrivant la priorité de la wasyya et en l’article précédent, nous avions mis en évidence les procédés exégétiques utilisés à cette fin. Nous reviendrons au point 10 sur le fait qu’il fut fort commodément considéré que les versets sur l’héritage abrogeaient ceux relatifs à la wasyya !

Au service de la même cause, il fut tenté d’inverser l’ordre de priorité pourtant explicite : « Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire [wasyya] testé ou une dette. » L’on rapporta donc à l’envi que selon Ali le Prophète aurait dit au sujet de ce passage : « Le remboursement de la dette précède celui du legs testamentaire – qadâ bi-d-dayn qabla al wasyya.»[12] Il est heureux que ce « hadîth » n’ait pu se hisser au rang du sahîh, protégeant ainsi le Prophète d’avoir pris une telle liberté vis-à-vis du texte coranique, quant aux hommes…n’est-ce point à Ali encore que l’on attribue cette incroyable parole : « Le Coran est muet, ce sont les hommes qui le font parler » !!!

Ses grandes manœuvres exégétiques ont eu pour unique objectif d’évacuer le legs testamentaire du champ coranique au profit de l’héritage à quoteparts. En marginalisant la wasyya l’on a généralisé et pérennisé un système d’inégalité.

8 – « Attribution de Dieu ». Ce segment, conclusion de ce verset, est essentiel à l’intelligence de la question. Pour la locution arabe « farîdatan min allâh », je lis en ma traduction standard néo-wahhabite : «  Ceci est un ordre obligatoire de la part de Dieu ». Le pléonasme ordre obligatoire, on le supposera, vise sans doute à enfoncer le clou profondément. Moins lourdement, l’on trouve en d’autres traductions : obligation divine ; arrêté de la part de Dieu ; imposition de Dieu ; cette prescription émane de Dieu, etc.

Ce que le Droit, veut l’exégèse l’obtient, quand bien même bafouerait-on et la raison et le Texte. S’il est dit en introduction du verset « Dieu vous recommande » il ne peut être logiquement conclu par « Dieu vous ordonne » ! C’est donc en modifiant, sans support linguistique vrai, le sens de wasâ, comme nous l’avons démontré, que l’on parvint à harmoniser les deux propositions, toutes deux signifiant alors obligation, devoir. Ce petit cercle herméneutique, engendré artificiellement par l’exégèse, est pourtant aisément brisé par le Coran lui-même puisque notre « farîdatan min allâh » du v11 devient « wasyyatan min allâh » en conclusion du v12. Ces deux segments ont mêmes positions et fonctions et ils ne peuvent s’opposer en sens,  c’est donc bien que farîdatan et wasyyatan sont synonymes. Ceci est confirmé par une remarque incidente de Tabari rappelant que le mot wasyyatan est le nom d’action, masdar de la forme IV awsâ [yûsîkum] utilisée en introduction et dont le seul sens possible ici, nous l’avons montré, est : recommandation. En ces conditions, les acceptations linguistiques synonymes pour farîdatan sont : dotation, répartition, disposition, partage, attribution, d’où notre traduction littérale pour farîdatan min allâh : « Attribution de Dieu ». Sont-ce les hommes qui se contredisent ou le Coran ?!

L’idée exprimée est claire : ce verset constitue un ensemble de recommandations divines « Dieu vous recommande ». Le détail de l’attribution, la répartition des parts lors de l’héritage telle qu’elle est exposée en ces versets (S4.V11-12) est bien celle indiquée par Dieu : « Attribution de Dieu » ou aussi « répartition indiquée par Dieu ». Point capital, littéralement, cette attribution par quoteparts n’est point obligatoire, il s’agit très explicitement d’une recommandation.

9 – Classiquement, il et fait appel aux « circonstances de révélation », asbâbu-n-nuzûl, afférées à ces versets. Le hadîth en question est rapporté entre autres par al Bukhârî et il nous apprend que le dénommé Djâbir, se pensant à l’article de la mort, reçut la visite du Prophète et lui demanda ce qu’il devait faire de ses biens. Ces versets, dits « versets de l’héritage », auraient été alors révélés.

Ce type de « circonstances de révélation » n’est a priori d’aucune utilité exégétique et l’on se demande quel intérêt autre qu’anecdotique il y aurait eu à conserver et transmettre cette information. Cependant, la neutralité n’étant jamais de mise, le sens obvie de ce hadîth laisse plus ou moins à penser que lorsqu’un musulman décède ses biens relèvent de l’héritage, ce qui est le but exégétique recherché par le Droit. Or, nous l’avons largement démontré, la première prescription coranique sur ce sujet est le legs testamentaire ou wasyya. Ce hadîth pourrait donc aussi vouloir insinuer que la révélation des « versets de l’héritage » aurait abrogé les précédentes dispositions relatives au legs. Ainsi, l’exégèse orientée aura su conférer à un propos en apparence anodin une forte charge signifiante. L’ensemble des ces observations ne peut qu’inciter à la prudence face à un texte pourtant réputé authentifié, sahîh.

10 – Nous rappellerons que les versets relatifs à la wasyya ont été décrétés abrogés et que l’on a pu fournir des hadîths créant l’illusion de cette abrogation (Cf. « L’héritage dans le Coran : Loi divine, Droit des hommes ou droits des femmes ? 1/2). L’abrogation est une manière admise et fort pratique permettant de se débarrasser de ce qui pourrait nous contredire. En d’autres termes : une censure du Coran, mais aussi de la raison critique.

Les versets réputés abrogeant la wasyya sont bien ceux que nous étudions : S4.V11-12. Or, nous l’avons souligné, ces versets insistent à quatre reprises au total sur le fait que la priorité est à la wasyya, le legs testamentaire, l’héritage à quoteparts ne concernant de facto que la part de biens restants non légués. Comment peut-on sérieusement prétendre que ces versets abrogeraient le principe auquel ils font appel avec insistance ?!  Il y a probablement des raisons que la raison ignore !

• Au final : L’étude littérale  des versets concernés permet sans difficulté de mettre à jour trois éléments essentiels :

L’héritage à quoteparts dit “coranique” n’est qu’une mesure complémentaire faisant suite au legs testamentaire librement organisé dit wasyya.

Cette répartition du reliquat non légué n’a pas de caractère obligatoire.

Ce système de répartition ne s’appuie en rien sur une forme d’inégalité entre l’homme et la femme.[13]

Tel est ce que le texte coranique dit, ce que l’exégèse et le Droit musulman en dirent est certes différent, ce que les musulmans en ont socialement intégré aussi.

Au prochain et dernier volet, nous reviendrons sur une notion ici essentielle : une recommandation ne fait loi. L’appropriation exégétique et séculière de ces versets illustre parfaitement cette problématique et, à cette occasion, nous analyserons le sens des versets 13 et 14 qui concluent le chapitre coranique relatif à l’héritage.

[1] L’héritage se dit en arabe al warth, mais aussi wirâtha ou ’irth, vocabulaire non coranique. Le Coran emploie pour désigner l’héritage deux termes de même racine : turâth et mîrâth, et ce, à une unique reprise pour chacun d’entre eux. De plus, ces deux termes ne sont pas en rapport direct avec les versets dits de « l’héritage », ce qui en soi méritait d’être signalé…

[2] Comme nous le lisons par exemple en  la traduction de Denise Masson.

[3] Il est à noter que la forme verbale IV awsâ est employée de manière caractéristique dans les seuls versets relatifs à l’héritage, à l’exception de S19.V31. Ailleurs, nous trouvons principalement wassâ (Ex : S6V144 ; 151 ; 152 ; 153) et tawâsâ. La forme VI tawâsâ, se recommander mutuellement, est connue de tous, cf. Sourate « Al ‘asr ».

[4] C’est le cas de la traduction wahhabite diffusée par l’Arabie Saoudite… Je rappelle que bien des gens commettent l’erreur de penser que cette traduction serait une amélioration de la traduction princeps du regretté Professeur Muhammad Hamidullah. En réalité, il s’agit d’une entreprise globale de mise au pas du Coran au travers de la diffusion mondiale d’une traduction multilingue entièrement asservie aux concepts wahhabites et néo-wahhabites.

[5] Un détail littéral, en ce même syntagme : « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni », les mots, dhakar et unthâ, garçon et fille, sont au cas déterminé, c’est-à-dire qu’ils sont déterminés par l’article universel « l », soit: le garçon, les deux filles. Ainsi, les traductions ou compréhensions telles que : «  au garçon la part de deux filles» sont relativement incorrectes. Rigoureusement, ce type de traduction nécessiterait que le texte soit : « li dhakarin mithlu hazzi unthayaynin », c’est-à-dire que dhakar et unthayayn y soient au cas indéterminé, sans article. Cette lecture a pour but fâcheux de généraliser, par le recours indu à l’indétermination grammaticale, ce qui est en réalité un cas particulier.

[6] Ceci est confirmé par la finale du verset : « De vos parents ou de vos enfants vous ne savez point ceux qui seront le plus à même de vous être utile. »

[7] Le choix des termes dhakar, untha, nisâ’, indique qu’en ce verset les héritiers sont considérés adultes, ce que la portée sémantique du pluriel initial awlâd, enfants, ne contredit pas.

[8] Tafsîr al kashshâf S4.V11.

[9] Au demeurant, nous trouvons ce type de traduction chez Mohammed Chiadmi, mais aussi, et cela est plus étonnant, dans la traduction saoudienne.

[10] Nous pouvons supposer, mais seulement le supposer, qu’en ce cas le garçon hérite de la totalité des biens relevant de l’héritage paternel.

[11] Comme prévisible, la traduction néoconservatrice saoudienne toute à la construction juridico shariyatique  traduit au premier verbe par « ils te demandent ce qui a été décrété » et au deuxième « Allah vous donne son décret » !

[12] Hadîth ahad rapporté par At-Tirmidhî, cité par de très nombreux exégètes dont ar-Râzî et Tabari. Ce hadîth est souvent classé par pure complaisance hasan.

[13] Sous cet aspect, l’analyse de ces versets s’inscrit dans le droit fil exégétique de notre démonstration quant à l’égalité des hommes et des femmes dans le Coran. Cf. « Égalité des hommes & des femmes » 3/3.

Source :  http://oumma.com/11559/lheritage-dans-le-coran-loi-divine-droit-des-hommes-ou