Se souvenir de la Mort


Le mécréant craint la mort comme le mal absolu. La civilisation jahilienne fait de la vie, de la conservation de la vie, du niveau de vie, la valeur suprême. Le « bonheur » commence et finit là, la mort est le trouble-fête, l’intrus indésirable. En parler est devenu tabou. L’industrie funèbre doit avoir pour première qualité la discrétion ; vite il faut évacuer le cadavre, vite oublier !

Pour le fidèle, au début de son éveil, la mort est encore un ennemi, l’attrait de la vie immédiate est encore grand. Peu à peu, à mesure qu’il avance vers Dieu et qu’il raffermit ses liens avec Lui, la mort change de signification et devient le moment attendu pour la rencontre tant désirée. L’ego s’attache au nid de ses habitudes, mais l’Esprit éveillé et fouetté par la nostalgie veut voler vers ses origines. Quand l’ego approche de l’apaisement, la mort de ce corps provisoire et encombrant est une délivrance bienvenue.

« Quiconque, dit le Prophète, aime rencontrer Dieu, Dieu aimera le rencontrer. Quiconque déteste rencontrer Dieu, Dieu détestera le rencontrer ». Notre mère Aïcha écouta ces paroles et demanda : « O Prophète de Dieu ! est-ce à dire que nous ne devons pas détester mourir ? ». « Ce n’est pas aussi simple que cela ! répondit le Prophète ; le fidèle, informé de l’amour de Dieu, de Sa satisfaction et de Son paradis, aime pour cela Le rencontrer. L’infidèle, informé de la tourmente que Dieu réserve à ses semblables et du courroux divin, déteste rencontrer son Seigneur ; Dieu alors déteste le rencontrer ».

Aimer Dieu pour Ses bontés, pour Son paradis et pour Sa satisfaction, c’est le degré de l’iman que le Prophète décrit dans ce hadith. L’ihsan consiste à vouloir, au-delà des bontés et de la satisfaction, Dieu pour Lui-même. Dans les deux cas la mort est le passage nécessaire et désiré quel que soit le recul naturel de l’ego devant l’inconnu.

Il est recommandé aux fidèles, comme un exercice d’arrachement à la vie basse, de préparer la dépouille mortelle de leurs frères eux-mêmes et de l’accompagner à sa dernière demeure. En principe, il ne doit pas y avoir de professionnels des pompes funèbres en Islam. Le cérémonial, présidé et exécuté par des professionnels, finit par apprivoiser la mort en la noyant dans les conventions sociales. Elle n’est plus alors le rappel de notre fragilité sur terre que nous devons amplifier pour faire lâcher prise à ceux parmi nous qui sont agrippés à l’illusoire de cette vie passagère. Le Prophète recommande à son Compagnon Abou Dharr : « Visite le cimetière ; cela te rappellera la Vie Dernière. Fais la toilette des morts, car le soin donné à une dépouille vidée te fera une impression profonde. Fais prière sur les morts, peut-être cela te rendra-t-il plus réfléchi. Ceux qui méditent [sur les choses graves du devenir] ici bas seront sous l’ombre de Dieu au Jour du Jugement ».

Source : Les affluents de la foi,

Livre : La révolution à l’heure de l’islam, Abdessalam Yassine, paix à son âme.

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