Mesdames, Messieurs, chers amis
La communauté musulmane de Saint Germain en Laye est très honoré d’assurer cette année la célébration religieuse de commémoration du 90ème anniversaire de l’Armistice du 11 novembre 1918.
Commémorer le 11 novembre, c’est accomplir notre devoir de mémoire à l’égard de ceux qui nous ont légué leurs valeurs. À commencer par le courage, au service de la liberté, de la démocratie et de la paix.
Durant la guerre 14 – 18, les troupes musulmanes de l’Armée d’Afrique sont engagés dés le départ en août 1914. Ils ont servi la France, chaque fois que ses intérêts étaient en jeu, sa sécurité menacée, sa souveraineté atteinte, son indépendance remise en cause.
« C’est le général De Gaulle qui, parlant de l’Afrique a dit : « qu’en ces années terribles, elle fut le refuge de notre honneur et de notre indépendance ».
Le Général De Montsabert a écrit à propos de l’Armée d’Afrique :
» C’est une œuvre dont nous serons éternellement fiers. »
Commémorer les soldats musulmans morts pour la France doit s’inscrire dans les traditions de la République car elle rappelle à la Nation que la présence et l’origine des Français Musulmans en France est fort ancienne et qu’ils ont rempli à son égard les obligations les plus terribles, mais aussi les plus nobles, celles des sacrifices et du sang versé pour sa liberté.
Commémorer mais aussi enseigner, car malheureusement, cette histoire reste méconnue de l’ensemble de l’opinion publique en France et même à l’extérieur. Elle n’est pas enseignée à l’Education nationale et nous ne pouvons que le déplorer.
Désormais, les citoyens de confession musulmane doivent prendre conscience de leur réelle appartenance à la société. Leur présence n’est ni une tare, ni un handicap, mais une richesse. Certes, la participation citoyenne des musulmans n’est pas encore bien visible. La plupart des musulmans restent en marge de la société, isolés socialement et culturellement. Plusieurs facteurs sont en cause : tout d’abord l’absence d’une éducation citoyenne, la politique sécuritaire, le sentiment de rejet. En effet, aujourd’hui après trois ou quatre générations, on parle encore de Français d’origine immigrés ; de Français issues de l’immigration alors qu’ils n’ont immigrés de nulle part comme disait Bourdieu.
Notre éthique de la citoyenneté doit nous pousser à sortir de l’enfermement, c’est aujourd’hui qu’il faut être présent, s’exprimer, participer, dialoguer, expliquer la foi musulmane, sa spiritualité, ses principes et sa vocation de justice et de paix. Il faut également avoir un discours clair et précis et oser dénoncer les injustices et se démarquer de toutes lectures et de toutes actions qui légitiment la violence.
La vision du « choc des civilisations » s’installe peu à peu dans les consciences. Nous devons nous engager avec tous les partenaires de bonne volonté à refuser cette lecture sombre et dangereuse du monde, à réfuter les raccourcis simplistes et à favoriser l’échange et l’enrichissement mutuels.
Le bon sens nous appelle à promouvoir le «vivre ensemble», d’y prendre part activement et d’en être responsable. Nous devons cesser d’être » les uns à côté des autres » pour devenir » les uns avec les autres « . Le premier pas vers le «vivre ensemble » exige une meilleure connaissance de l’autre et de son identité. Il nous faut réapprendre à approcher l’autre dans sa complexité et à respecter sa différence.
Soyons conscients de la grande fragilité de notre société qui n’est jamais à l’abri d’un possible retour de la barbarie qui aujourd’hui prend la forme du racisme, de l’antisémitisme, de l’islamophobie, de l’exclusion et de rejet de l’autre au prétexte qu’il est différent de nous.
Pour que cette cérémonie ne devienne pas un rituel un peu répétitif, je vous invite au quotidien à combattre, sans relâche, ce qui divise. L’indifférence, l’intolérance et la xénophobie, l’individualisme forcené lié à un matérialisme illusoire et dévastateur. Ce sont les plaies d’aujourd’hui et des ferments de haine pour demain.
La guerre a touché bien des femmes et des hommes de toutes confessions et de toutes idéologies, tous, sans distinction, ont fait preuve d’un courage digne des éloges les grands. Tous, sans distinction, ont payé le prix du sang, sont allés jusqu’au sacrifice suprême. Donc, ce jour du 11 novembre, n’appartient pas à une frange spécifique de la population qui se distinguerait des autres. C’est pourquoi nos prières vont à l’ensemble de ceux qui sont morts sous la torture, de ceux qui sont morts au champ d’honneur, de ceux qui sont mort pour sauvegarder le droit , la liberté et la justice….
Je vous remercie de votre attention.
Mise à jour : article du Courrier des Yvelines en date du mardi 19 novembre 2008