Au moment où Le gouvernement crée une «instance de dialogue» avec l’islam, pour pallier à l’échec prévisible du CFCM (Conseil Français du Culte musulman); je republie un article écrit le 10 / 11 / 2004 qui s’intitule Islam de France ou Islam en France afin d’interpeller nos dirigeants et les citoyens de confession musulmane sur l’importance des appellations et qu’il faut s’auto-définir pour mieux agir. Que ce dialogue ne soit pas à sens unique mais un dialogue sérieux, constructif et sans complaisance avec l’ensemble des acteurs musulmans du terrain; et que la lutte contre l’islamophobie soit au centre de dialogue.
Depuis la mise en place d’une instance représentative du culte musulman en France, (CFCM : Conseil Français du Culte Musulman ), les musulmans ont été obligés, bon gré mal gré de prendre le train en marche. On ne cesse de parler de l’Islam de France pour ne pas dire l’Islam en France. Le premier serait moderne, humaniste, tolérant et s’insèrerait pacifiquement dans les institutions républicaines. En revanche, l’autre Islam, celui qui vient d’ailleurs, serait l’intrus indésirable, synonyme d’extrémisme, de fondamentalisme et d’endoctrinement des fidèles. L’acceptation du premier entraîne naturellement le rejet du second.
Lorsque parle d’islam de France, on entend par là un islam occidentalisé, assaisonné au goût des dirigeants politiques. L’islam sera accepté s’il sait nous distraire, un islam folklorique vidé de sa dimension spirituelle et de sa vocation de justice.
Les mots sont importants et mal nommer les choses est une tragédie. On ne doit guère étiqueter l’islam de la sorte car il n’en n’existe qu’un seul. Il n’y a pas d’islam de France, d’islam du Maroc ou d’islam du Pakistan. Ces étiquettes engendrent confusions et amalgames. Cependant, pour être plus précis, on peut parler de plusieurs lectures de l’islam, de divers courants de pensée au sein de l’islam.
Par ailleurs, on clame haut et fort qu’on ne veut pas d’ingérence extérieure et en même temps, on ne se gêne pas pour aller chercher des fatwas sur mesure en Egypte pour mieux asseoir une loi liberticide sur les signes religieux à l’école. C’est purement et simplement du double discours….
On est face à un refus, à un rejet à peine voilé de l’islam dés lors qu’il y a une prise de conscience et une prise de parole des musulmans ; une visibilité et une présence dans la société civile. Et ceux-là sont mal acceuillies, mal perçues, car un français musulman reste quand même un musulman. On nous demande d’être davantage des citoyens, ce qui signifie qu’il faut rejeter voire renier sa spécificité musulmane. Comme si être musulman c’est être moins citoyen ; et comme s’il y avait incompatibilité entre identité musulmane et citoyenneté.
Récemment, la présentation médiatique de la la prise d’otages de deux journalistes français par un groupuscule dit « islamique », a suscité chez la communauté musulmane un sentiment de culpabilité, qui aussitôt a été ressenti par cette dernière. Pour preuve, certains musulmans ont été jusqu’à se proposer en tant qu’otages de substitution pour se débarrasser de cette culpabilité.
De plus, on a sommé les musulmans de se positionner par rapport à cet événement ; comme si être musulman signifiait finalement être preneur d’otages. Et comme si l’islam est, par essence, générateur de violence, de terrorisme. L’islam est souvent accolé à un ensemble de stéréotypes et d’images négatives. La prise d’otages est venue comme une suite logique à ces préjugés. A-t-on besoin d’être musulman pour condamner cet acte ignoble ?.
En d’autres termes, dites que vous êtes contre cette prise d’otages, nous vous suspecterons plus ou presque…. Nous allons vous délivrer un diplôme de bonne conduite, de bons citoyens français. Jean Daniel estime dans le Nouvel Obs du 02.09.2004 que « les musulmans ont gagné ici avec éclat leur brevet de républicanisme, c’est-à-dire, aussi, de laïcité ».
En outre, les musulmans qui n’inspiraient que la méfiance ont pu recevoir enfin leur certificat de « non dangerosité »[2]… ouf ! on est rassuré.
Mais le glas sonne toujours pour anéantir encore plus l’identité des français de confession musulmane qui se veut plurielle. On continue à intenter un procès à l’ensemble de cette communauté, qui serait par définition coupable parce que musulmane. A chaque secousse international, on pointe du doigt cette frange de la société ; prouvez nous que vous êtes français et aujourd’hui encore plus que demain, alors que l’on ne se permettrait pas la même attitude avec d’autres composantes de la société.
Pour illustrer ces propos, une jeune fille d’un lycée aux alentours de Strasbourg , qui a fait le choix de retirer son foulard pour poursuivre ses études s’est vu applaudir par les professeurs à la rentrée du lycée. Rien d’extraordinaire jusque là, mais le plus étonnant reste à venir. Le proviseur lui demande de lever les bras et de dire « vive la république », comme si la profession de foi n’était pas totalement achevée, ou ne donnait pas encore entière satisfaction.
Quand est-ce que l’on reconnaîtra le français musulman comme un citoyen à part entière ? Quand est-ce que l’on acceptera réellement la pluralité de ce pays ? Quand est-ce que l’on mettra réellement en pratique la notion de liberté ? Car actuellement on n’accepte qu’une certaine forme de liberté…
Le moment n’est-il pas venu, pour les esprits retranchés derrière des convictions toutes faites et des résolutions à ne rien entendre, de se défaire de ces stéréotypes et de ces peurs !!!
[1] Titre de l’éditorial du Monde, 06.09.04 : » L’ « islam en France » est devenu l’ « islam de France » « .
[2] D’après l’article de Dominique Pinsolie : « les médias et les Français musulmans : ce ne sont pas des terroristes, mais … ».