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Tirer profit de son temps.

Discours du vendredi 25 mai 2012 de l’imam Omar MAHASSINE à la grande  mosquée de Mantes la Jolie sous le thème : tirer profit de son temps, mieux exploiter son temps, la valeur du temps pour le musulman.

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Pour aller plus loin :

Le temps est considéré comme le capital le plus précieux de l’Homme. C’est la période de son séjour terrestre ; chaque être humain sera interrogé le Jour de la Résurrection sur ses actes et son temps. Moâ’dh Ibn Jabal rapporte que le Prophète (PSL) a dit : « Le Jour de la Résurrection, personne ne bougera d’un pouce avant d’être questionné sur quatre points essentiels : sur sa vie, comment l’a-t-il vécue, sur sa jeunesse, comment l’a-t-il abordée, sur sa richesse, comment l’a-t-il acquise et comment l’a-t-il dépensée, sur son savoir, comment l’a-t-il utilisé ».[1]

Le temps constitue le champ de l’existence de l’Homme, l’espace où il agit et profite de son existence. Le Noble Coran a souligné la grandeur de ce bienfait parmi les bienfaits fondamentaux. Il a mis en valeur sa prééminence sur les autres bienfaits, et ce, grâce aux nombreux versets montrant la valeur du temps, son rang distingué et l’ampleur de ses conséquences.

C’est ainsi que Dieu, exalté soit-Il, a juré par le temps et par certaines de ses parties au début de nombreuses sourates tels : le jour, la nuit, l’aube, la matinée … Parallèlement, il faut noter que quand Dieu jure par certains éléments de Sa création, Il veut par là en indiquer l’importance, en souligner la pertinence et d’y attirer l’attention. Dieu dit dans le Saint Coran :

« Par l’Aube ! Et par les dix nuits » (S. 89 ; V. 1, 2)

« Par la nuit quand elle enveloppe tous ! Par le jour quand il éclaire ! » ( S. 92 ; V. 1, 2)

« Par le Jour Montant ! Et par la nuit quand elle couvre tout ! » (S. 93 ; V. 1, 2)

« Par le Temps ! L’homme est certes, en perdition » (S. , Verset1et 2)

L’Islam recommande le respect du temps et sa bonne gestion. Être conscient de ses responsabilités, apprécier le temps à sa juste valeur et en profiter pour être utile à soi, à sa famille, à sa société et promouvoir le bien   est un signe la foi du fidèle se porte bien.

Le Prophète (PSL) a dit : « Il y a deux bienfaits que de nombreuses personnes n’apprécient guère à leur juste valeur et ne les utilisent pas à bon escient : la santé et le temps libre ».[2]

Le vrai musulman apprécie hautement le temps parce qu’il est sa vie. Son temps doit être comme un budget qu’il dépense de manière intelligente. S’il se montre négligent et insensible à la perte du temps en le gaspillant à tort et à travers, il participe à sa propre perte par cette attitude irresponsable.

[1] Rapporté par At-Tirmidhi et déclaré authentique par Al-Albani.

[2] Rapporté par Boukhari.

Commentaire du Coran : sourate Al ‘Asr  » Le Temps « 

Le temps est considéré comme le capital de l’homme. C’est la période de son séjour terrestre ; chaque humain sera interrogé le Jour de la Résurrection sur ses actes et son temps. L’éthique musulmane aide le fidèle à mieux gérer son temps et améliorer son exploitation et ce, en trouvant un équilibre entre ses besoins corporels vitaux d’une part et ses besoins spirituels d’autre part, ainsi qu’à l’inciter à être bon et à promouvoir le bien. Le temps est une des plus importantes ressources que nous ayons. Malheureusement nous ne nous en rendons pas toujours compte.

Se prémunir de la Perdition

La Sourate Al-‘Asr, «Le Temps» est une courte sourate qui nous offre un excellent enseignement et un profond rappel.  Elle nous enseigne justement que l’Homme s’expose à la perdition s’il n’exploite pas son temps convenablement.

L’Imam Al-Sahfi’i  disait :  « Si Dieu n’avait révélé que cette sourate, elle aurait suffit à mieux guider  les gens ».

L’exégète Al-Aloussi disait : « si les gens méditaient sincèrement cette sourate, elle aurait suffit »

 

Dieu dit:

وَالْعَصْرِ، إِنَّ الْإِنسَانَ لَفِي خُسْرٍ، إِلَّا الَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ وَتَوَاصَوْا بِالْحَقِّ وَتَوَاصَوْا بِالصَّبْرِ

Transliteration phonétique

  wal ‘aṣr(i); inna l-insāna la-fī khusr(in); illā l-ladhīna āmanu wa-‘amilu ṣ-ṣāliḥāti wa-tawāsaw bil-ḥaqqi wa-tawāsaw biṣ-abr(i).

Essai de traduction  

  Par le Temps ! L’homme est certes, en perdition, sauf ceux qui ont la foi, font œuvres bonnes, s’enjoignent mutuellement la vérité et s’enjoignent mutuellement la patience.

 

L’importance du temps

Dieu jure par le Temps, le prend à témoin et lui consacre une sourate entière ;  afin de montrer à l’homme qu’il sera perdant s’il ne réalise pas la véritable valeur du temps qui lui est accordé. Il est important de noter que quand Dieu, exalté soit-Il, jure par certains éléments de Sa création, il veut par là en indiquer l’importance et la grandeur et, du coup, y attirer l’attention et en souligner la grande pertinence.

Le temps est la plus précieuse des ressources que l’homme ait en sa possession. La quantité maximale dont nous en disposions, est notre durée de vie, qui elle-même ne peut être connue de personne et dont la fin peut advenir à tout moment, que nous y soyons préparés ou non.

Le temps est une ressource non renouvelable : chaque instant éteint, l’est définitivement. Il ne peut être rattrapé, ni se répéter et on ne peut l’arrêter. Que nous l’utilisions à notre avantage ou non, il passe, et passe rapidement.

Il apparaît donc indéniable que notre succès repose sur une utilisation judicieuse, efficace, et bénéfique de notre temps. Plus une personne est vigilante vis-à-vis de cela, plus il est sur la voie du succès et non de la perdition. Le fugacité du temps nous enseigne que le fidèle conscient et avisé exploite son temps dans ce qui est utile à sa foi, à sa famille, à sa société ; il aspire à un meilleur être moral et spirituel et à être bon et promouvoir le bien.

Quelques éléments pour mieux gérer son temps

Sourate al-‘Asr insiste donc principalement sur quatre éléments-clés du succès qui sont : l’Iman (la foi), l’accomplissement d’œuvres pies et durables, la lutte commune pour la Vérité et l’encouragement mutuel à la patience et à l’endurance.

De cette courte sourate nous apprenons donc que pour éviter d’être perdants, il faut :

  •      Investir son temps dans ce qui est utile à soi et utile à autrui et agir conformément à notre référentiel spirituel.
  •       Accomplir des actes utiles qui permettent un ancrage spirituel et en même une présence et une participation à l’essor de la société. Perfectionner son œuvre afin d’atteindre l’excellence spirituelle et morale.
  •       S’engager activement pour promouvoir la justice et la vérité ; et être à la hauteur de nos responsabilités et de nos engagements.
  •       Avoir un effort assidu dans la pratique, en vue de mieux être et mieux servir.
  •       Effectuer un examen de conscience permanent afin d’aspirer à être meilleur moralement et spirituellement ; meilleur devant Dieu, humble devant les êtres humains.
  •       Rester constants et endurants dans l’accomplissent de nos œuvres et s’encourager mutuellement à honorer nos engagements vis-à-vis de Dieu.

Le temps et les ressources dont chacun dispose doivent être dépensés en vue de créer un environnement et une dynamique pour la promotion de la justice et l’équité, avec persévérance, avec douceur et miséricorde.

Vivre la foi, aspirer à un meilleur être moral et spirituel, promouvoir la justice et la vérité, dans la douceur, dans la clémence, dans la transparence et s’enjoindre mutuellement à le faire. Ce sont les ingrédients pour honorer notre engagement envers Dieu et servir Sa cause comme il se doit.

 

« عند نفسك من الغفلة ما يكفيها »

سأل سائل الإمام ابن الجوزي رحمه الله قائلا : « أيجوز أن أفسح لنفسي في مباح الملاهي »، فأجابه : «عند نفسك من الغفلة ما يكفيها». (1

 

الداعية المؤمن، المسؤول, اليقظ، الطالب للإحسان, حامل أعباء التربية والجهاد، يحرص أشد الحرص أن لا يسقط في أوحال الغفلة. قد فطم نفسه عن اللهو المؤدي إلى الغفلة عن الله، والغفلة عن الآخرة والمصير. معاملته دعوة، تصرفاته دعوة، جدُّه وهزلُه دعوة. حياته ترجمة لحقـائـق دعوته ومعـاني إيمـانه

 

لا يزهد أبدا بوقته عن تبليغ دعوة الله، ولا يترك الفرصة تضيع من يديه لاستشراف مواقع القوة والتأثير، أو اتخاذ زمام المبادرة إلى الحركة والعطاء، أو إيجاد فرص التواصل مع الغير، أو غشيان المجالس بالكلمة الطيّبـة. لأنه حامل لمشروع جليل يهدف إلى تغيير الإنسان، ويسعى إلى غرس بذور الخير في النفوس

يتذكر دوما أن الآخرة سباق واستباق وأن الوقت هو رأس ماله في الحياة الدنيا، كل يوم يمر إلا ويزيده من منيته اقترابا؛ من أجل ذلك فهو ينافس في الخير والعطاء، ويخلّد أيامه بالعمل الصالح الذي يصعده ويرقيه. كثـير عمله، قليل زلـلـه، جواد لله بالعطاء وللناس بحسن الخلق والرضا. كـلامه منفعة، وصحبته رفعة. يرفع لنفسه ذكرها بسيرته الطيبة وآثاره الحسنة في الأرض، يقول الشاعر أحمد شوقي     

دقـات قلب المرء قائلـة لـه *** إن الحياة دقـائق وثوان
فارفع لنفسك بعد موتك ذكرها *** فالذكر للإنسان عمر ثان

 

قد اتعظ بقول الصحابي الجليل عبد الله بن مسعود رضي الله عنـه : «ما ندمت على شيء ندمي على يوم غربت شمسه ، نقص فيه أجلي، ولم يزد فيه عملي»

 

قال ابن القيم رحمة الله عليه في مدارج السالكين : « فالوقت منقض بذاته، منصرم بنفسه، فمن غفل عن نفسه تصرّمت أوقاته، وعظم فواته، واشتدت حسراته ». المؤمن الحازم، قد نظر في العواقب نظر المراقب، فترك الفراغ, وانتبه من رقدة الغفلة, وبذل قصارى الجهد في خدمة دعوة الله. علم يقينا أنه لن يستقيم أمره ولن تصح مروءته ما دام يطلب الراحة لنفسه، ولا يعطي للدعوة إلا فضول أوقاته. فالراحة العظمى راحة الجنة، والأفراح الحقيقية أفراح الآخرة. ولذلك لما سُئل الإمام أحمد رحمه الله : « متى يجد العبد طعم الراحة ؟ قال : عند أول قدم يضعها في الجنة »

 

أبو الدرداء رضي الله عنه قال : «أضحكني : مؤمل دنيا، والموت يطلبه. وغافل، ليس بمغفول عنه. وضاحك بملء فيه ولا يدري آرضى الله أم أسخطه(2   ».

الغفلة داء عضال، صاحبه غريق وتائه لا يبدو له طريق. داء متربص بالمؤمنين حتى ينسوا الله عز وجل فينسيهم أنفسهم، فتقسوا القلوب من ترك ذكر الله. والعلاج أن نتداعى إلى المجالس التي يباهي بها الله عز وجل ملائكته، فنذكره حق الذكر، ونستمطر رحمته، ونعتذر إليه عن التقصير، ونتوب إليه من الذنوب

 

عن أنس رضي الله عنه قال : «كان عبد الله بن رواحة رضي الله عنه إذا لقي الرجل من أصحاب رسول الله صلى الله عليه وسلم قال : تعال بنا نؤمن ساعة. فقال ذات يوم لرجل، فغضب الرجل. فجاء إلى النبي صلى الله عليه وسلم فقال : يا رسول الله، ألا ترى إلى ابن رواحة يرغب عن إيمانك إلى إيمان ساعة. فقال النبي صلى الله عليه وسلم : يرحم الله ابن رواحة، إنه يحب المجالس التي تتباهى بها الملائكة» ( 3

هذه المجالس هي المخرج من سجن الغفلة، تذكر المرء إذا نسي، وتعينه إذا ذكر، وتقويه إذا ضعف. ومن المعلوم أن المؤمن ليس ملكا منـزها، قد يصيـبه بعض الفتور، وقد تعتريه لحظة تقصير أو رقدة غفلـة ؛ لكن عليه أن يكون خفيف الرُّقاد، حي السُّهاد، متطلعا إلى نيل الزلفى ممن هو المستعاذ به والملاذ

بقلم عمر محاسن


الهوامش:
(1) ذيل طبقات الحنابلة 1/422
(2) الزهد لابن المبارك.
(3) رواه الإمام أحمد بإسناد حسن


L’oubli et l’insouciance (al ghafla) : الغفلة

Discours du vendredi 18 mai 2012 de l’imam Omar MAHASSINE à la grande mosquée de Mantes la Jolie sous le thème : L’oubli et l’insouciance (al ghafla).

Dieu dit : « Et invoque ton Seigneur en toi-même, avec humilité et crainte, à mi-voix, à l’aube et au soleil couchant et ne sois pas du nombre des insouciants. » [ S 7 – V 205 ]

L’insouciance est un poison mortel pour la foi du fidèle, car celui ou celle qui vit sous l’emprise de l’insouciance (al ghafla) vit dans une course effrénée  derrière le profit, le matérialisme illusoire et dévastateur loin du souvenir de l’Eternel et sans penser intensément à Sa rencontre ultime.

Les insouciants, sont ceux qui sont distraits, loin du souvenir de l’Éternel. Ce souvenir est la preuve que le fidèle croyant ne vit pas dans l’oubli et l’insouciance (ghafla) de Son Créateur, mais plutôt en Sa Présence.

L’insouciance est à l’origine des désobéissances, car elle pousse l’être humain à vivre en oubliant en oubliant son Créateur, à vivre dans une totale abstraction du rendez-vous inéluctable : la rencontre du Seigneur. Un cœur présent à Son Seigneur  et animé par la foi ne peut désobéir à Dieu. Sahl Tustarî disait : « Je ne connais pas une désobéissance plus grave que l’oubli de Son Seigneur. »

le dhikr reste le moyen le plus efficace se libérer de l’insouciance et de l’oubli, pour lutter contre la distraction et la dispersion dues aux aléas de la vie quotidienne. Se souvenir  de Dieu est la preuve que le fidèle ne vit pas dans l’oubli et l’insouciance (ghafla) de Son Créateur, mais plutôt en Sa Présence. IL permet également d’assurer une présence spirituelle vivante et vivifiante qui permet au fidèle de participer avec tout son être à l’adoration de Dieu.

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Les bonnes et les mauvaises actions

Discours du vendredi 11 mai 2012 de l’imam Omar MAHASSINE à la grande mosquée de Mantes la Jolie sous le thème : Les bonnes et les mauvaises actions. Effectivement, ‘Abd Allah Ibn al-‘Abbas  tient cette sentence de l’envoyé de Dieu (PSL) : « Certes, Dieu a inscrit les bonnes et les mauvaises actions (sur la Table Gardée). « . Puis le prophète expliqua ainsi cette parole :  » Quiconque a l’intention d’accomplir une bonne action et ne la fait pas se verra compter par Dieu pour une bonne action à part entière. Et s’il l’accomplit après avoir eu l’intention de la faire, Dieu multipliera cette bonne action en la comptant de dix à sept cent fois plus ou encore davantage. Et quiconque pense à commettre une mauvaise action puis s’en abstient, Dieu lui comptera une bonne action à part entière. S’il l’a commet après y avoir songé, Dieu la lui comptera pour une seule mauvaise action. »

 Rapporté par Al-Boukhari et Mouslim

Le  fidèle soucieux de son accomplissement spirituel et soucieux d’obtenir l’agrément de Dieu et Sa proximité, déploie les efforts nécessaires pour être bon et promouvoir le bien. Cependant, l’humain est sujet à de l’oubli, à de l’insouciance ; il commet donc des erreurs  et possède des défauts. Dieu, le Clément, le Compatissant, a crée l’homme et sait de quelle terre il est fait. Il connaît mieux Ses adorateurs et par Sa Miséricorde,  Il  nous informe que les mauvaises actions ne sont comptabilisées comme les bonnes actions. Certes, la bonne action efface la mauvaise ; mais Dieu , par Sa grâce, change les mauvaises actions par des bonnes pour le fidèle qui saura revenir sincèrement à Dieu et rectifier ses erreurs.

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الخشوع : Le recueillement, la présence à Dieu en toute humilité

Discours du vendredi 4 mai 2012 sous le thème Le recueillement, la présence à Dieu en toute humilité (الخشوع). Cette science qui va être enlevé des cœurs des gens, Houdeyfa ibn Al yamane disait justement à ce sujet :  » La première des choses que vous perdez de votre religion est (الخشوع), cette présence à Dieu, cette humilité devant Dieu, sentir Sa proximité et Son amour; et la dernière chose que vous perdez de votre religion est la prière « .

Al Khouchou’  c’est la tenue du Coeur devant le Créateur entre toute humilité, c’est l’âme et la quintessence de toute acte d’adoration. Aujourd’hui nous avons besoin de goûter à la douceur de la Foi, de sentir la présence et la proximité de Dieu, de vivre l’amour : amour de Dieu, amour des êtres.

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L’héritage dans le Coran : Une recommandation ne fait pas Loi (Partie 3 sur 3) Par Dr Al ‘Ajamî

Ceci sera le dernier volet consacré à cette étude. L’analyse littérale des versets S2.V180-182 ; S2.V240 ; S4.V7-8 avait montré que le legs testamentaire ou wasyya,  était la mesure de référence édictée par le Coran concernant la transmission des biens. Cette disposition prioritaire permettait de répartir ses biens librement et sans limitation ou ségrégation de genre. D’autre part, l’analyse littérale de S4.V11-12 met en évidence que l’héritage à quoteparts dit “héritage coranique”, al warth, n’était qu’une mesure complémentaire faisant si nécessaire suite au dit legs testamentaire. Par ailleurs, il apparaissait que ce type d’héritage ne fondait ou n’appuyait aucune forme d’inégalité entre les hommes et les femmes. Nous avions aussi montré que contrairement à l’idée commune, cet héritage n’avait littéralement aucun caractère obligatoire.

• Nous aurons donc noté que la prescription de la wasyya en S4.V7 avait, quant à elle, un caractère obligatoire marqué par l’emploi du verbe kataba, écrire, prescrire. Ne venant qu’en second lieu après la wasyya, l’héritage devrait être logiquement à caractère seulement recommandé, tel est littéralement le cas : “ Dieu vous recommande [awsâ – yûsîkum] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes, au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé […] Attribution de Dieu ; certes, Dieu est Savant et Sage.” S4.V11.

Nous avions fait remarquer qu’en ces versets dits de l’héritage, le marqueur de valeur était précisément le verbe awsâ signifiant sans ambiguïté recommander. De plus, stricto sensu, ce n’est point l’héritage lui-même qui est ainsi recommandé, mais les modalités de calcul des quoteparts.

Plus encore, une recommandation n’est point une loi. Et pour la défense de la cohérence coranique cela est heureux, car il peut aisément être réalisé les observations suivantes :

– Si les énoncés coraniques en matière d’héritage avaient été une « loi divine », alors le Législateur, Dieu, aurait été imparfait ! En effet, certains héritiers seraient oubliés par la Révélation – fait pourtant signalés par les juristes – ce qui entraînerait des injustices patentes. Ainsi en est-il du cas de l’orphelin de père qui n’est pas mentionné dans le Coran comme pouvant héritier de son grand-père paternel, de même il n’est pas fait mention de ce qui revient aux grands-parents et arrières grands-parents,  état de fait dont on comprend aisément qu’il puisse être préjudiciable. Mais, si l’on admet ce que dit réellement le Coran : « il ne s’agit là que de recommandations », il serait alors logique que tous les cas théoriques possibles n’aient pas été nécessairement envisagés par la Révélation. Il n’y a donc ni contradiction ni oubli réels à ce sujet dans le Coran.

– De même, nous pouvons mentionner le très connu hadîth rapporté par At-Tirmidhî, Ibn Hanbal, Abû Dâwud et Ibn Mâjah. L’on y voit  la femme de Sa‘d ibn ar-Rabî‘ interpeller le Prophète en lui disant que son mari est mort à la bataille de Ohod laissant deux filles, mais que le frère de  Sa‘d a pris pour lui tous les biens laissés par ce dernier, nous avons déjà indiqué qu’il semble que telle était la coutume d’alors. Suite à cet incident, auraient été révélés lesdits « versets de l’héritage », en application directe de quoi le Prophète attribua aux deux filles les deux tiers, à leur mère un huitième et le reste au frère de Sa‘d, soit un peu moins du tiers.  Ce hadîth, lui aussi donné comme « circonstance de révélation » des « versets de l’héritage », est seulement classifié hasan et le cas théorique fourni vise semble-t-il à montrer que le système des quoteparts coraniques d’héritage n’amène pas systématiquement à donner le double aux mâles. Cet exemple nous rappelle aussi que dès lors que des versets sont jugés essentiels pour la construction de l’islam l’abondance de l’entreprise exégétique arrive à produire dans le temps plusieurs « circonstances de révélation » pour un même verset ou groupe de versets.[1] Par ailleurs, il est heureux que ce « hadîth » ne soit pas authentifié, sahîh, puisque l’on y voit le Prophète non pas appliquer le sens littéral exact du Coran, mais les règles de calcul instaurées postérieurement par le Droit…

– Selon une même approche, les juristes eux-mêmes ont signalé qu’en certaines configurations, lorsqu’on calcule les quoteparts en considérant les règles fixes et intangibles, il arrive que le nombre de parts dépasse le tout ! Classiquement, il avait été inventé un système de réduction proportionnelle, al ‘awl, pour résoudre la difficulté. Inutile de ruser avec la « Loi divine » quand, à l’écoute du Texte, l’on entend bien ce que recommandation veut dire et, surtout, quand le principe non coraniquement fondé de « au mâle la part de deux femelles » n’est pas érigé en étalon!

– Pragmatiquement, tel que conçu classiquement, le système de Droit successoral fractionne les biens et dilapide la solidité des acquis, les capitaux sont en quelque sorte répartis mathématiquement et s’en trouve en bien des cas dispersés et déstructurés. Ceci, sous un autre aspect, plaide en faveur du recours à la wasyya,  encore une fois, le fiqh est en opposition avec la rationalité pragmatique du Coran.

– Outre le fait que ce système d’héritage n’aboutit pas systématiquement à léser de moitié les femmes, nous en avons donné des exemples, il est évident que cela représentait à l’époque de la Révélation un progrès sensible en leur faveur. Il est bien connu, et parfois rapporté sans preuve comme « circonstance de révélation », à nouveau, qu’en ces temps-là les biens du défunt ne revenaient qu’à la descendance mâle, celle qui était considérée apte à combattre. Ces mesures coraniques sont donc une première étape en faveur des femmes. Nous disons étapes, puisqu’il ne s’agit pas d’un ordre figé pour l’éternité, mais, surtout, du fait que le principe de wasyya – libre de toute mesure et de tout critère de répartition – permettait et permet encore plus à présent de répartir les biens du défunt en fonction des réalités. Par réalités il faut entendre aussi bien celles du cas par cas que celles issues de l’évolution des sociétés. A bien le lire, le Coran en son énoncé obvie et littéral ne dit rien d’autre et il n’est point nécessaire de l’adapter à notre temps, il le précède encore.

• Avant que d’en revenir à une approche coranique de la notion de recommandation, il nous faudra rappeler qu’à l’occasion les autorités responsables de la « Parole de Dieu » et de la « Loi divine » menacent les musulmans du feu de l’Enfer s’il advenait qu’ils veuillent répartir autrement leurs biens. Nous aurons compris que les censeurs ne sont pas plus maîtres du châtiment qu’ils ne le sont d’eux-mêmes. Rien en un système de recommandation n’entraine de « punition » en cas de manquement, et ce, d’autant plus, que le legs testamentaire autorise tous les possibles.

Pour être exact, les gardiens de cette orthopraxie justicière citent généralement les versets 13-14 qui semblent conclure le passage consacré à l’héritage :

تِلْكَ حُدُودُ اللَّهِ وَمَنْ يُطِعِ اللَّهَ وَرَسُولَهُ يُدْخِلْهُ جَنَّاتٍ تَجْرِي مِنْ تَحْتِهَا الْأَنْهَارُ خَالِدِينَ فِيهَا وَذَلِكَ الْفَوْزُ الْعَظِيمُ (13)

وَمَنْ يَعْصِ اللَّهَ وَرَسُولَهُ وَيَتَعَدَّ حُدُودَهُ يُدْخِلْهُ نَارًا خَالِدًا فِيهَا وَلَهُ عَذَابٌ مُهِينٌ (14)

“Telles sont les limites [hudûd] de Dieu. Qui obéit à Dieu et à Son Messager, Il l’introduira en des jardins sous lesquels courent ruisseaux ; ils y demeureront, telle est la récompense suprême. Mais, qui désobéit à Dieu et à Son Messager et transgresse Ses limites, Il l’introduira en un feu où il demeura, il recevra un châtiment avilissant.” S4.V13.14.

Le mot-clef est ici hadd dont nous avons traduit le pluriel hudûd par limites. Ce terme polysémique possède une vingtaine de significations et ce n’est que dans le domaine du Droit, donc en une époque postérieure à la Révélation, qu’il prit le sens de châtiment corporel en cas d’infraction à la Loi divine. Par extension toujours, hadd en vint à désigner la limite fixée par Dieu, les normes divines, les ordres de Dieu. Mais nous devons bien comprendre que ce mot n’avait absolument pas à l’origine ces acceptations dans le Coran. Par contre, dans le contexte d’emploi coranique, hadd peut signifier manière, définition, but, limite. Ce dernier sens est ici le plus vraisemblable et un tel usage est maintes fois vérifiable dans le Coran. Ex : en S2.V187 où l’expression identique « Telles sont les limites de Dieu », tilka hudûdu-llâh, est suivi de l’ordre suivant : « ne vous en approchez pas », fa lâ taqrabûhâ. L’on comprend aisément ce que signifie «  ne vous approchez pas des limites établies par Dieu », alors que « ne vous approchez pas des Lois de Dieu » signifierait que nous ne devrions pas en tenir compte ![2]

Par limites que doit-on comprendre ?  Lorsqu’il s’agit de limites supérieures, c’est-à-dire à ne pas franchir, une telle mesure doit être logiquement assortie d’une interdiction. Ce n’est pas le cas, nous l’avons démontré, il s’agit donc de limites inférieures ou basses, des minima que l’on ne doit pas transgresser, c’est-à-dire négliger. Rien n’interdit donc de faire plus ou mieux. Une telle conception s’accompagne ainsi logiquement d’une recommandation et non pas d’une interdiction. Tel est bien le cas concernant l’héritage indiqué dans le Coran en tant que mesure complémentaire après le legs testamentaire.

Enfin, nous ferons observer que ces versets ne concluent pas uniquement les deux versets relatifs à l’héritage, mais l’ensemble des recommandations qui ont été faites depuis le début de la sourate « Les femmes ». Elles concernent : la gestion des biens des orphelins, le legs testamentaire, les conditions de licéité du mariage, et le fait d’épouser des veuves en charge d’orphelins.

CONCLUSION

L’abus de sens engendré par l’investissement juridique du terme hudûd, limites, et non pas ordres, est régulièrement source d’une erreur majeure de compréhension du Coran. L’on pouvait s’y attendre, la traduction saoudienne traduit hudûdu-l-llâh par ordres de Dieu, mais elle n’est pas la seule à commettre cette trahison textuelle. Ces très anciennes manipulations exégétiques visent à construire le concept de “Loi divine” et à l’imposer aux hommes. Bien que nous ne puissions en cet article développer ce sujet, le titre que nous avons choisi pour ces articles : « L’héritage dans le Coran : Loi Divine, Droit des hommes, ou droit de femmes ? » porte en soi toute la problématique : il n’y a pas confondre les droits accordés par la Révélation avec le concept fictif de « Droit divin » compris en tant que système réalisant la “Loi de Dieu” ou ses formes incarnées la Sharia et le Droit musulman.[3]

L’ensemble des versets relatifs au legs testamentaire, wasyya,  et à l’héritage, warth, a fait l’objet d’un intense surinvestissement exégétique en vue de légitimer les constructions du point de vue du Droit musulman, le fiqh. Ce dernier, en fonction d’intérêts particuliers et de mentalités certaines – ici, qu’on le veuille ou non :  entériner la valeur moindre de la femme – a tout fait pour imposer l’héritage coranique en tant que Loi divine à caractère immuable au détriment du legs testamentaire coranique bien plus souple et adaptatif.

En cette étude, il nous aura été donné l’occasion de suivre le déroulement de la synthèse d’un point précis de l’islam et de mesurer l’écart entre la Révélation et l’islam, notre religion, qu’il serait plus rigoureux de qualifier d’islam historique puisqu’issu d’un procédé complexe d’élaboration – certes à partir du révélé qui lui est spécifique, le Coran – l’inscrivant dans le temps des hommes, l’Histoire. Concernant notre démonstration parallèle, l’égalité des hommes et des femmes dans le Coran, nous aurons pu constater que le point de vue imposé par l’islam, conjugué à notre ignorance du message réel du Coran, engendre des mentalités elles aussi historiques. Nous, musulmans, sommes conditionnés par l’islam à accepter certaines formes d’inégalité et d’injustice comme à savoir gérer les contradictions patentes entre notre foi, la raison, nos croyances et la réalité.

Une recommandation s’adresse de principe à la responsabilité éthique des hommes, elle les accompagne, comme un viatique, tout au long de leurs parcours. L’on comprend aisément que le Coran s’adresse aux hommes sur ce mode là. Une loi, est dirigiste, elle ordonne et impose. Il n’est pas nécessaire d’élever son niveau moral pour appliquer la loi, la crainte y suffit, il ne s’agit pas d’un système d’éducation, mais de surveillance. Il peut alors arriver que l’obligation légale se substitue à l’obligation morale ou en devienne un substitut. Cela ne signifie pas, bien évidemment, que l’islam ne soit pas une religion morale, mais indique, ou explique, que parfois l’individu néglige de porter un jugement moral, un jugement de valeur, adapté à la réalité. En ce cas, le concept de « loi divine » déresponsabilise et évite le questionnement. Ainsi, n’a-t-on plus à se positionner moralement s’agissant de la lapidation de l’adultère, ou du fait d’épouser une enfant, ou de déposséder des orphelines vertueuses au profit de leurs frères dévoyés, entre autres exemples.  L’abstraction « loi divine » peut découpler la raison du cœur et dédouaner de tout effort éthique. Cela peut s’avérer, par carence morale des individus, être un véritable passe-droit ! La morale, le respect, l’intelligence, sont des valeurs universelles que Dieu a données aux hommes pour qu’ils en fassent usage.

[1]  Cf. par exemple la multiplication des « circonstances de révélation » pour S4.V3.

[2] Ne reculant devant jamais le ridicule intellectuel et la manipulation, la traduction wahhabo-saoudienne dit : « Voilà les lois d’Allah : ne vous en approchez donc pas.» Pour rétablir une pseudo logique, elle est alors dans l’obligation d’ajouter un entre parenthèses : « …ne vous en approchez donc pas (pour les transgresser) ».  L’on appréciera le sophisme…

[3] Rien n’est effectivement plus faux et plus lourd de conséquences. Il ne parait pas possible de comprendre les débats internes et externes qui animent à l’heure actuelle la scène sans avoir au préalable parfaitement décrypté cette problématique. Sans doute faudra-t-il un jour que les musulmans soient à même de défaire ce véritable nœud gordien plutôt que le trancher. Nous avons explicité ces différences essentielles en notre ouvrage « Que dit vraiment le Coran » aux chapitres : « Sharia » et « Loi révélée».

Source : Oumma.com

L’héritage dans le Coran : Loi divine, Droit des hommes, ou droits des femmes ? 2/3 – L’héritage à quoteparts, al warth

Par Dr Al ‘Ajamî

Au volet précédent (1/2) nous avions précisé en introduction de la problématique que le Coran abordait la transmission des biens selon trois modalités différentes :

  •  wasyya : le legs testamentaire, les biens répartis par testament.
  •    ‘atyya : donation, les biens attribués du vivant du donateur.
  •  warth : l’héritage, les biens du défunt transmis par succession selon la loi.

En cette première partie, nous aurons réalisé l’analyse littérale des versets relatifs au legs testamentaire, wasyya, et plus succinctement celles des versets en lien avec la donation de son vivant, ‘atyya. Cinq points essentiels ont été mis en évidence :

Le legs testamentaire est la mesure première et principale édictée par le Coran.

Le legs testamentaire a un caractère d’obligation pieuse.

Le legs testamentaire permet de répartir les biens indépendamment du degré de parenté et du genre, hommes ou femmes.

Rien de coraniquement fondé ne permet de limiter la quotité de biens légués.

Hommes et femmes peuvent recevoir des parts équivalentes ou non en fonction de la volonté du testateur.

Or, lorsque les musulmans évoquent la problématique de la succession ce n’est point au legs testamentaire qu’ils songent, mais à ce que l’on nomme héritage, al warth, c’est-à-dire la transmission post mortem légalement établie des biens. Nous avions souligné plus d’une dizaine de procédés exégétiques mis en œuvre afin de marginaliser cette mesure coranique et d’imposer ce que le Droit voulut : la primauté absolue de l’héritage prédéterminé à quotepart, al warth. De fait, l’inconscient collectif des musulmans valide cette manœuvre séculière et assimile ces mesures à la volonté de Dieu sur leurs biens, une Loi divine qu’il ne serait question de transgresser. Plus insidieusement encore, serait au travers des répartitions dudit héritage coranique entériné comme une inégalité de fait entre l’homme et la femme, ce dernier ayant droit au double de la part d’une femme.

L’enjeu sembla de taille et les « lois de l’héritage » coraniques ont été canonisées par les pouvoirs au point que les gardiens du temple crurent nécessaire de placer quelques cerbères à son entrée. Ainsi, cite-t-on ce propos de Abû Hurayra : «  Étudiez les quoteparts [de l’héritage] et enseignez-les aux gens car il s’agit là de la moitié de la science. De plus, ceci sera la première chose que l’on oubliera et la première chose qui sera retirée à ma Communauté. » Ce hadîth est rapporté par at-Tirmidhî et ad-Dâraqtanî et il est da’îf, classifié faible, ainsi que toutes les nombreuses variantes sur ce thème. Ce type de productions est parfaitement symptomatique du rôle que s’est conféré le corps des ulémas et de leur fonction d’intermédiaires obligés entre le Livre et la Communauté.

L’HÉRITAGE DANS LE CORAN

Au delà des affirmations et assertions du Droit musulman et de l’exégèse, il est aisé de comprendre que si le Coran prescrit prioritairement le recours au legs testamentaire, wasyya, par voie de conséquence l’héritage dit coranique[1] ne peut être qu’une mesure secondaire. Il sera donc tout aussi logique que l’héritage ne revête point de caractère obligatoire, et nous allons le constater.

Les versets 11, 12 et 176 de Sourate « Les femmes » englobent la totalité du sujet. Ces versets ont tous été révélés postérieurement à ceux qui édictèrent le recours la wasyya ce qui indique d’emblée la primauté de la wasyya sur l’héritage, primauté que le Droit musulman classique a évacuée du champ culturel et cultuel. Nous nous intéresserons principalement au V11 que sa densité littérale rend mal aisé à appréhender :

يُوصِيكُمُ اللَّهُ فِي أَوْلَادِكُمْ لِلذَّكَرِ مِثْلُ حَظِّ الْأُنْثَيَيْنِ فَإِنْ كُنَّ نِسَاءً فَوْقَ اثْنَتَيْنِ فَلَهُنَّ ثُلُثَا مَا تَرَكَ وَإِنْ كَانَتْ وَاحِدَةً فَلَهَا النِّصْفُ وَلِأَبَوَيْهِ لِكُلِّ وَاحِدٍ مِنْهُمَا السُّدُسُ مِمَّا تَرَكَ إِنْ كَانَ لَهُ وَلَدٌ فَإِنْ لَمْ يَكُنْ لَهُ وَلَدٌ وَوَرِثَهُ أَبَوَاهُ فَلِأُمِّهِ الثُّلُثُ فَإِنْ كَانَ لَهُ إِخْوَةٌ فَلِأُمِّهِ السُّدُسُ مِنْ بَعْدِ وَصِيَّةٍ يُوصِي بِهَا أَوْ دَيْنٍ آَبَاؤُكُمْ وَأَبْنَاؤُكُمْ لَا تَدْرُونَ أَيُّهُمْ أَقْرَبُ لَكُمْ نَفْعًا فَرِيضَةً مِنَ اللَّهِ إِنَّ اللَّهَ كَانَ عَلِيمًا حَكِيمًا (11

“ Dieu vous recommande [awsâ – yûsîkum] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes, au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié. Quant à ses deux parents, à chacun d’entre eux le sixième de ce qu’il aura laissé s’il avait des enfants. S’il n’avait pas d’enfants et qu’héritent [waratha] de lui ses deux parents, à sa mère le tiers. Dans le cas où il avait des frères, à sa mère le sixième. Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire [wasyya] qu’il avait testé ou une dette.

De vos parents ou de vos enfants, vous ne savez point ceux qui seront le plus à même de vous être utiles.

Attribution de Dieu ; certes, Dieu est Savant et Sage.” S4.V11.

1 – « Dieu vous recommande quant à vos enfants ». Le verbe awsâ [en yûsîkum] est la forme IV de wasâ et il signifie faire une recommandation au moment de mourir, faire un legs. S’agissant de Dieu s’adressant aux hommes, l’idée induite est peut-être celle d’une recommandation ultime, celle de la dernière révélation. Nous retiendrons donc le sens de recommander, sens étymologiquement et grammaticalement fondé,  et nous écarterons le sens tardif ordonner[2] que prit awsâ sous l’influence exégétique du Droit musulman,[3] sens que l’on ne peut qualifier de coranique.

Nous l’avions signalé en l’article précédent, la racine verbale wasâ indique la notion de jonction, lien, réunion. Le français enjoindre, parfois utilisé en ce verset par les traducteurs,[4] pour commode qu’il soit, peut être un abus de sens, car enjoindre c’est aussi ordonner formellement, prescrire.

En tout état de cause, une recommandation n’est pas un ordre. Certes, une recommandation de Dieu s’impose au croyant, mais elle ne fait pas pour autant loi.  La loi des hommes, elle, sans nul doute, s’impose par nature aux hommes. Le Coran ne prescrit donc pas canoniquement l’obligation de la pratique de l’héritage par quoteparts. Nous reviendrons sur ce point fondamental.

2 – « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. » Les traductions s’accordent sur un : «  au garçon la part de deux filles» formulation qui indiquerait comme une règle, la base de calcul des quoteparts coraniques, le fameux principe d’inégalité dans l’héritage. Énoncé qui,  transcendé par certains, serait comme le témoignage d’une inégalité foncière de la femme…

Le texte en est : « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni ». Tout comme en anglais, les termes mâle et femelle, dhakar et unthâ, n’ont pas en arabe de connotation particulière et, du fait qu’il est dit antérieurement « Dieu vous recommande quant à vos enfants [awlâdikum] », la mention des enfants impose ici de comprendre les termes dhakar et unthâ comme signifiant garçon et fille, d’où nôtre : « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. » Plus coraniquement précis encore, nous aurions pu dire : «  au fils l’équivalent de la part des deux filles ». En effet, la phrase coranique : « Dieu vous recommande quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles » ne concerne présentement que le cas des enfants du défunt.[5] De fait, nous retrouverons le même segment « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni » au V176 de S4 où il concerne un autre cas particulier : la répartition entre les frères et sœurs survivants du défunt.

S’agit-il du décès du père ou de la mère ? Plusieurs marqueurs du genre masculin sont notables  et, par exemple, nous lisons plus avant en ce verset: « Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire qu’il avait testé ou une dette ». Est ainsi indiqué que ce verset 11 envisage certaines répartitions des biens non testés uniquement dans le cas du décès du père de famille. C’est au verset 12 que sera abordée la question en cas de décès de la mère ou de l’épouse.

3 – « S’il y a plus de deux femmes, à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. » Cette traduction laisse littéralement apparaître le problème posé : qui sont ces femmes ? Sont-ce des filles du défunt ? Les femmes du défunt ? Ses sœurs ? Ses mères ?

Le terme arabe nisâ’, femmes, est un collectif et il désigne, comme en français, tout individu adulte de sexe féminin, il peut aussi, pareillement, dénommer l’épouse.

Le cas de collatéraux est a priori envisagé au verset 12 ainsi que celui des conjoints. Le verset 11 semble ainsi consacré à la lignée directe, ascendants y compris.[6] Nous devons donc comprendre ici par nisâ’, femmes, les filles du défunt.[7]

Nombre de commentateurs classiques ont supposé que cette phrase concernait le cas où il n’y aurait comme héritiers que des filles, leur nombre étant alors supérieur à deux. Mais, en ce cas, le Coran aurait omis de préciser la répartition lorsque il n’y a que deux filles, oubli d’autant plus net qu’il est en la suite immédiate traité du cas où nous n’avons qu’une seule héritière : « S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié.» Il aura donc fallu qu’ils soutiennent que la réponse à cette se situation se trouvait dans le Hadîth. Toutefois, il nous parait impensable que Dieu puisse avoir commis un « oubli », concept proprement insoutenable ! Hormis cet obstacle théologique, il reste tout aussi délicat d’admettre qu’il soit en ce contexte « oublié » une situation aussi simple.

L’analyse littérale permet de réaliser les constatations suivantes :

Le changement de terminologie, nisâ’ au lieu de unthâ’, femme/fille, marque la rupture avec la mention précédente de la présence de garçons et de filles, la composition du panel n’est donc plus mixte. Il est ainsi tout à fait légitime de traduire par : « S’il n’y a que des femmes ». Comme nous venons de montrer qu’il s’agissait des filles du défunt, nous pourrions traduire par : «  S’il n’y a que des filles ».

Le sous-segment « fawqa ithnatayni » traduit ordinairement par : « au-delà de deux » a été compris comme signifiant : « plus de deux » c’est-à-dire  « S’il y a plus de deux filles héritant de leur père». Or, et az-Zamakhsharî l’avait noté,[8] le syntagme  « fawqa ithnatayni » est un arabisme qui peut être aussi compris comme signifiant que le collectif nisâ’, femmes, inclut le cas présent qu’il y ait au moins deux femmes ; cette incise coranique se justifie du fait des particularités numériques des noms collectifs en arabe.

Par ailleurs, au v12 pour dire « plus de deux » il est employé l’expression courante et univoque « in kânû akthara min », « s’ils sont plus de [deux] ».

Au final, il n’y a donc aucune difficulté littérale à comprendre ainsi ce segment : « S’il n’y a que des femmes [filles du défunt], au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. » [9]

4 – Nous pouvons relire à présent le passage complet : « Dieu vous recommande quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes [filles du défunt], au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié. »

Ce texte permet de mentionner  directement les répartitions suivantes concernant les enfants du défunt :

a)      S’il n’y a qu’une fille : il lui revient 1/2 des biens de son père.

b)      S’il y a deux filles uniquement : elles se partagent les 2/3.

c)      S’il y a plus de deux filles : elles se partagent également les 2/3.

d)     S’il y a un autre nombre de garçons ou de filles l’on applique la règle : « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles.»

e)      S’il y a un seul garçon et une seule fille : selon la même règle il revient au garçon 2/3 et à la fille 1/3.

Notons qu’il n’est pas mentionné expressément le cas où il n’y aurait qu’un seul garçon comme héritier.[10] Ces mesures apparaissent donc établies pour attribuer des parts aux filles du défunt ce qui nous laisse comprendre que tel n’était pas le cas au temps de la Révélation.

5 – Le verset 176, placé en fin de S4, indique lui-même qu’il a été révélé en complément des versets relatifs à l’héritage : «  Ils te consultent [yastaftûnaka]. Dis : Dieu vous éclaire [yuftîkum][11] quant à la succession collatérale… » S’y trouvent mentionnés très explicitement trois cas possibles concernant la répartition des biens entre les frères et sœurs du défunt :

«  S’il n’a qu’une sœur, à elle la moitié de ce qu’il aura laissé.»

« Si elles sont deux, à elles les deux tiers de ce qu’il aura laissé. »

« S’il y a des frères et des sœurs, alors pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles.»

Ceci confirme les résultats de l’analyse littérale et ces trois cas sont symétriques à ceux du v11 et il est attribué des parts proportionnellement identiques entre les frères et sœurs descendants et les frères et sœurs collatéraux.

Ainsi, pouvons-nous constater que le fameux «  au garçon la part de deux filles» apparaît en réalité comme une règle de calcul en deux cas particuliers somme toute similaires : lorsqu’il y a à la fois des frères et des sœurs héritant du défunt, ascendants directs ou collatéraux. Il ne s’agit donc pas d’une règle générale devant être appliquée afin de déterminer toutes les quotesparts d’un héritage, et encore moins d’un principe ontologique d’inégalité…

6 – Malgré tout, et sans ambiguïté, il y a en ces deux cas de figure inégalité de répartition. Des esprits bien pensant, et d’autres moins bien intentionnés, ont essayé de justifier cette situation en arguant que les charges du ménage incombaient à l’homme. Nous ne le ferons pas,   ce serait de fait entériner une situation de domination patriarcale et l’éternelle dépendance de la femme. Ceci étant dit, s’il n’existait que ce type d’héritage comme mode de transmission des biens, il faudrait bien en admettre la partialité et le déséquilibre même si,  et nous allons en donner des exemples, il est des situations d’héritage par quoteparts où il revient aux femmes plus qu’aux hommes.

C’est bien cette répartition avantageant les hommes, de principe et le plus souvent concrètement et matériellement, qui a sans doute justifié que l’on  ait tout tenté pour disqualifier le legs testamentaire, wasyya, et promouvoir l’héritage à quoteparts.

Mais, et cela est capital, ce type d’héritage à parts déterminées n’a pour fonction que de garantir des minimums aux femmes, mesure de protection qui n’est qu’un complément des legs testamentaires. Nous le répéterons une fois encore, le legs testamentaire ou wasyya demeure le moyen prioritaire de répartir ses biens, et ce, sans aucune forme de contrainte de genre et en fonction des évolutions et des réalités sociales et sociologiques. Nous le démontrerons à nouveau plus avant.

7 – « Ceci après qu’ait été réglé le legs testamentaire [wasyya] testé ou une dette. » Cette incise est essentielle, elle indique au minimum que l’héritage et sa répartition par quoteparts ne peuvent avoir lieu que si la wasyya, le legs testamentaire, a d’abord été exécuté. Littéralement, cela  signifie donc que la priorité soit au legs, au testament, et que la répartition selon les modalités de l’héritage ne se fasse que dans le seul cas où il y aurait un reliquat de biens non légués. Ce corps de phrase est si important qu’il sera encore répété à trois reprises au V12. Par : « ou une dette » l’on comprend : après extinction des dettes. Nous devons le souligner avec instance, le Coran est explicite à ce sujet, l’héritage à quote-part n’a lieu qu’après aient été appliquées deux mesures essentielles, le legs testamentaire, wasyya, et le règlement des dettes du défunt ou de la défunte.

L’on comprend dès lors que l’exégèse classique juridique se soit mobilisée pour déclasser les versets prescrivant la priorité de la wasyya et en l’article précédent, nous avions mis en évidence les procédés exégétiques utilisés à cette fin. Nous reviendrons au point 10 sur le fait qu’il fut fort commodément considéré que les versets sur l’héritage abrogeaient ceux relatifs à la wasyya !

Au service de la même cause, il fut tenté d’inverser l’ordre de priorité pourtant explicite : « Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire [wasyya] testé ou une dette. » L’on rapporta donc à l’envi que selon Ali le Prophète aurait dit au sujet de ce passage : « Le remboursement de la dette précède celui du legs testamentaire – qadâ bi-d-dayn qabla al wasyya.»[12] Il est heureux que ce « hadîth » n’ait pu se hisser au rang du sahîh, protégeant ainsi le Prophète d’avoir pris une telle liberté vis-à-vis du texte coranique, quant aux hommes…n’est-ce point à Ali encore que l’on attribue cette incroyable parole : « Le Coran est muet, ce sont les hommes qui le font parler » !!!

Ses grandes manœuvres exégétiques ont eu pour unique objectif d’évacuer le legs testamentaire du champ coranique au profit de l’héritage à quoteparts. En marginalisant la wasyya l’on a généralisé et pérennisé un système d’inégalité.

8 – « Attribution de Dieu ». Ce segment, conclusion de ce verset, est essentiel à l’intelligence de la question. Pour la locution arabe « farîdatan min allâh », je lis en ma traduction standard néo-wahhabite : «  Ceci est un ordre obligatoire de la part de Dieu ». Le pléonasme ordre obligatoire, on le supposera, vise sans doute à enfoncer le clou profondément. Moins lourdement, l’on trouve en d’autres traductions : obligation divine ; arrêté de la part de Dieu ; imposition de Dieu ; cette prescription émane de Dieu, etc.

Ce que le Droit, veut l’exégèse l’obtient, quand bien même bafouerait-on et la raison et le Texte. S’il est dit en introduction du verset « Dieu vous recommande » il ne peut être logiquement conclu par « Dieu vous ordonne » ! C’est donc en modifiant, sans support linguistique vrai, le sens de wasâ, comme nous l’avons démontré, que l’on parvint à harmoniser les deux propositions, toutes deux signifiant alors obligation, devoir. Ce petit cercle herméneutique, engendré artificiellement par l’exégèse, est pourtant aisément brisé par le Coran lui-même puisque notre « farîdatan min allâh » du v11 devient « wasyyatan min allâh » en conclusion du v12. Ces deux segments ont mêmes positions et fonctions et ils ne peuvent s’opposer en sens,  c’est donc bien que farîdatan et wasyyatan sont synonymes. Ceci est confirmé par une remarque incidente de Tabari rappelant que le mot wasyyatan est le nom d’action, masdar de la forme IV awsâ [yûsîkum] utilisée en introduction et dont le seul sens possible ici, nous l’avons montré, est : recommandation. En ces conditions, les acceptations linguistiques synonymes pour farîdatan sont : dotation, répartition, disposition, partage, attribution, d’où notre traduction littérale pour farîdatan min allâh : « Attribution de Dieu ». Sont-ce les hommes qui se contredisent ou le Coran ?!

L’idée exprimée est claire : ce verset constitue un ensemble de recommandations divines « Dieu vous recommande ». Le détail de l’attribution, la répartition des parts lors de l’héritage telle qu’elle est exposée en ces versets (S4.V11-12) est bien celle indiquée par Dieu : « Attribution de Dieu » ou aussi « répartition indiquée par Dieu ». Point capital, littéralement, cette attribution par quoteparts n’est point obligatoire, il s’agit très explicitement d’une recommandation.

9 – Classiquement, il et fait appel aux « circonstances de révélation », asbâbu-n-nuzûl, afférées à ces versets. Le hadîth en question est rapporté entre autres par al Bukhârî et il nous apprend que le dénommé Djâbir, se pensant à l’article de la mort, reçut la visite du Prophète et lui demanda ce qu’il devait faire de ses biens. Ces versets, dits « versets de l’héritage », auraient été alors révélés.

Ce type de « circonstances de révélation » n’est a priori d’aucune utilité exégétique et l’on se demande quel intérêt autre qu’anecdotique il y aurait eu à conserver et transmettre cette information. Cependant, la neutralité n’étant jamais de mise, le sens obvie de ce hadîth laisse plus ou moins à penser que lorsqu’un musulman décède ses biens relèvent de l’héritage, ce qui est le but exégétique recherché par le Droit. Or, nous l’avons largement démontré, la première prescription coranique sur ce sujet est le legs testamentaire ou wasyya. Ce hadîth pourrait donc aussi vouloir insinuer que la révélation des « versets de l’héritage » aurait abrogé les précédentes dispositions relatives au legs. Ainsi, l’exégèse orientée aura su conférer à un propos en apparence anodin une forte charge signifiante. L’ensemble des ces observations ne peut qu’inciter à la prudence face à un texte pourtant réputé authentifié, sahîh.

10 – Nous rappellerons que les versets relatifs à la wasyya ont été décrétés abrogés et que l’on a pu fournir des hadîths créant l’illusion de cette abrogation (Cf. « L’héritage dans le Coran : Loi divine, Droit des hommes ou droits des femmes ? 1/2). L’abrogation est une manière admise et fort pratique permettant de se débarrasser de ce qui pourrait nous contredire. En d’autres termes : une censure du Coran, mais aussi de la raison critique.

Les versets réputés abrogeant la wasyya sont bien ceux que nous étudions : S4.V11-12. Or, nous l’avons souligné, ces versets insistent à quatre reprises au total sur le fait que la priorité est à la wasyya, le legs testamentaire, l’héritage à quoteparts ne concernant de facto que la part de biens restants non légués. Comment peut-on sérieusement prétendre que ces versets abrogeraient le principe auquel ils font appel avec insistance ?!  Il y a probablement des raisons que la raison ignore !

• Au final : L’étude littérale  des versets concernés permet sans difficulté de mettre à jour trois éléments essentiels :

L’héritage à quoteparts dit “coranique” n’est qu’une mesure complémentaire faisant suite au legs testamentaire librement organisé dit wasyya.

Cette répartition du reliquat non légué n’a pas de caractère obligatoire.

Ce système de répartition ne s’appuie en rien sur une forme d’inégalité entre l’homme et la femme.[13]

Tel est ce que le texte coranique dit, ce que l’exégèse et le Droit musulman en dirent est certes différent, ce que les musulmans en ont socialement intégré aussi.

Au prochain et dernier volet, nous reviendrons sur une notion ici essentielle : une recommandation ne fait loi. L’appropriation exégétique et séculière de ces versets illustre parfaitement cette problématique et, à cette occasion, nous analyserons le sens des versets 13 et 14 qui concluent le chapitre coranique relatif à l’héritage.

[1] L’héritage se dit en arabe al warth, mais aussi wirâtha ou ’irth, vocabulaire non coranique. Le Coran emploie pour désigner l’héritage deux termes de même racine : turâth et mîrâth, et ce, à une unique reprise pour chacun d’entre eux. De plus, ces deux termes ne sont pas en rapport direct avec les versets dits de « l’héritage », ce qui en soi méritait d’être signalé…

[2] Comme nous le lisons par exemple en  la traduction de Denise Masson.

[3] Il est à noter que la forme verbale IV awsâ est employée de manière caractéristique dans les seuls versets relatifs à l’héritage, à l’exception de S19.V31. Ailleurs, nous trouvons principalement wassâ (Ex : S6V144 ; 151 ; 152 ; 153) et tawâsâ. La forme VI tawâsâ, se recommander mutuellement, est connue de tous, cf. Sourate « Al ‘asr ».

[4] C’est le cas de la traduction wahhabite diffusée par l’Arabie Saoudite… Je rappelle que bien des gens commettent l’erreur de penser que cette traduction serait une amélioration de la traduction princeps du regretté Professeur Muhammad Hamidullah. En réalité, il s’agit d’une entreprise globale de mise au pas du Coran au travers de la diffusion mondiale d’une traduction multilingue entièrement asservie aux concepts wahhabites et néo-wahhabites.

[5] Un détail littéral, en ce même syntagme : « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni », les mots, dhakar et unthâ, garçon et fille, sont au cas déterminé, c’est-à-dire qu’ils sont déterminés par l’article universel « l », soit: le garçon, les deux filles. Ainsi, les traductions ou compréhensions telles que : «  au garçon la part de deux filles» sont relativement incorrectes. Rigoureusement, ce type de traduction nécessiterait que le texte soit : « li dhakarin mithlu hazzi unthayaynin », c’est-à-dire que dhakar et unthayayn y soient au cas indéterminé, sans article. Cette lecture a pour but fâcheux de généraliser, par le recours indu à l’indétermination grammaticale, ce qui est en réalité un cas particulier.

[6] Ceci est confirmé par la finale du verset : « De vos parents ou de vos enfants vous ne savez point ceux qui seront le plus à même de vous être utile. »

[7] Le choix des termes dhakar, untha, nisâ’, indique qu’en ce verset les héritiers sont considérés adultes, ce que la portée sémantique du pluriel initial awlâd, enfants, ne contredit pas.

[8] Tafsîr al kashshâf S4.V11.

[9] Au demeurant, nous trouvons ce type de traduction chez Mohammed Chiadmi, mais aussi, et cela est plus étonnant, dans la traduction saoudienne.

[10] Nous pouvons supposer, mais seulement le supposer, qu’en ce cas le garçon hérite de la totalité des biens relevant de l’héritage paternel.

[11] Comme prévisible, la traduction néoconservatrice saoudienne toute à la construction juridico shariyatique  traduit au premier verbe par « ils te demandent ce qui a été décrété » et au deuxième « Allah vous donne son décret » !

[12] Hadîth ahad rapporté par At-Tirmidhî, cité par de très nombreux exégètes dont ar-Râzî et Tabari. Ce hadîth est souvent classé par pure complaisance hasan.

[13] Sous cet aspect, l’analyse de ces versets s’inscrit dans le droit fil exégétique de notre démonstration quant à l’égalité des hommes et des femmes dans le Coran. Cf. « Égalité des hommes & des femmes » 3/3.

Source :  http://oumma.com/11559/lheritage-dans-le-coran-loi-divine-droit-des-hommes-ou

Réformer le Coran ?! Vers la réforme coranique par Dr Al ’Ajamî

Le présent texte est le premier volet d’un triptyque consacré à une réflexion générale ayant pour thème le concept de réforme islamique. Il sera donc nécessaire de considérer chacun de ces trois documents en fonction de l’ensemble de ce projet conceptuel

• Peut-on réformer le Coran ?

Récemment, sur Oumma, un honnête homme s’inquiétait de ce que l’on veuille « réformer le Coran », et de citer alors l’éminent Malek Bennabi : « C’est l’homme musulman qu’il faut réformer et non pas le Coran. » Le message semble limpide et aussi indiscutable qu’un postulat : le problème n’est pas la Révélation, le Coran, mais le comportement des musulmans. Peut-être nous faudrait-il comprendre là que le Coran, le Livre, n’aurait de sens et de valeur que de par les hommes qui le lisent puisque l’agir ou le propos d’un musulman repose toujours pour partie sur une lecture du Coran. Nous le savons, un autre regard, un autre cœur, perçoit du Coran un autre discours ; qui la paix et qui la guerre, qui l’amour et qui la haine. Par suite, si le Coran est un texte intangible, mais sa lecture éminemment labile, sujette au changement du temps, à la volonté comme à l’usure des hommes, le Coran s’en trouverait de facto en permanence réformé. Ainsi, à le dire vrai, « réformer le Coran » est une locution vide de sens alors même que l’expression « réformer l’homme musulman » s’entend aisément.

Mais, au-delà de ces premières impressions, la question tout de même interpelle : Qu’est-ce donc que réformer le Coran ? Je ne le sais, le texte existe, il est connu, ses variantes aussi, il n’est donc pas possible de le re-former ni de le réformer, car réformer c’est, d’une manière ou d’une autre, ramener à la forme initiale. Ainsi, réformer le Coran supposerait stricto sensu que le Coran actuel ne soit pas le texte originel ! La réforme, quant à elle, est un changement en vue d’une amélioration et, aporie s’il en est, le Coran ne peut-être à l’évidence l’objet d’une réforme, d’un perfectionnement. Par contre, l’homme, par définition imparfait et perfectible, peut et doit être le lieu permanent d’une réforme. L’expression « musulman réformiste » ne peut donc qualifier que l’homme musulman réformant son être, ce qu’au demeurant le Coran indique en certaines acceptions du terme islâh, réforme vers le bien auquel tout croyant aspire. Par voie de conséquence, un musulman réformiste ne saurait être à même de vouloir réformer le Coran, mais bien plutôt de vouloir s’y conformer.

Or, se réformer est par définition chercher à revenir soi-même à une forme initiale, et peut-être nous fallait-il comprendre par cette apostrophe que le Coran est un seul et unique message vers lequel l’homme musulman doit sans cesse tendre, comme pour redresser le cap dévié par un phénomène obligatoire de dérive temporelle, intellectuelle, spirituelle.

Il n’y a donc pas de « réforme du Coran » à mener, mais, bel et bien, une réforme coranique, et cette réforme coranique recouvre deux sens :

1- Réformer notre lecture du Coran.

2- Réformer notre être par le Coran.

Ce dernier aspect sera envisagé au prochain article « L’islam est-il parfait ? »  ; il est essentiel en tant qu’application, et il sera le vecteur de la réforme de l’homme musulman, mais il ne peut faire l’économie préalable de la première proposition : réformer notre lecture du Coran.

• Fondamentalement, la question sera alors : lisons-nous le Coran ?

Il s’agit de nous interroger sur la pertinence des lectures, c’est-à-dire des compréhensions, que nous faisons du Coran, et ce, alors même que nos structures mentales, le fruit de notre éducation, s’opposent à ce que nous ayons un regard critique sur ces lectures du Coran. Nous ne disons point un regard critique sur le Coran, remettre en cause les lectures faites du Coran n’est pas remettre en cause le Coran, ne nous laissons pas égarer par ce leurre en forme de menace. Voilà une autre réforme, une réforme intérieure, une remise en cause de l’ensemble de nos certitudes, notre paradigme islam, afin de pouvoir questionner le Texte par les outils de la raison critique. Lire le Coran avec nos propres yeux et non au travers de grilles de lectures préfabriquées, véritables burqa de l’esprit, habillement traditionnel de nos pensées, lourd héritage de notre passé. En contre-point, il ne faudrait pas croire que les méthodologies actuelles soient les uniques clefs de décodage du texte coranique. Lire le Coran à l’aune de l’apport des Sciences Humaines est un credo porteur, mais l’on oublie de nous préciser que les Sciences humaines ne sont pas des sciences, mais qu’elles sont assujetties à l’homme, ses limites, ses intentions, son cœur, sa pureté. Si l’arbre dépend de ses racines, tout s’origine en le germe. Le Coran s’apprend et s’entend par le Coran, il impose que nous sachions innover et élaborer des outils qui lui soient spécifiques. Voilà bien une révolution, la révolution coranique… un printemps exégétique !

• La question véritable est donc bien : comprenons-nous le Coran ?

Si nous pensons que les anciens étaient, par quelque mystérieuse alchimie les plus aptes à cela, alors, effectivement, nous ne pouvons ni ne devons lire le Coran qu’en chaussant leurs lunettes. En quelque sorte, suivre une lecture historique restée en panne du mouvement de l’Histoire il y a sept siècles, quelque part entre Bagdad et Cordoue. Par ailleurs, nous l’avons souvent abordé, l’universalité et l’intemporalité sont deux postulats coraniques essentiels supposant que le Message du Coran soit capable de dépasser les marques du temps et du social, le culturel, les paradigmatiques. Parce que le Coran ne cesse d’être la Révélation de Dieu adressée aux hommes pour tous les temps et tous les lieux, alors nous pouvons et devons le lire avec notre regard, regard issu de notre vie, de notre temps et de notre culture.

• La question devient ainsi : avons-nous su lire le Coran ?

Le Coran repose sous la gangue d’une histoire sainte inlassablement ressassée et il nous faut à présent strate par strate apprendre à remonter le temps vers la Mère du Livre. Atteindre le texte à l’état brut, la révélation pure avant qu’elle ne soit prise en charge par les hommes, avant qu’ils ne l’aient précipitée dans l’Histoire et qu’elle devînt bien plus leurs paroles que Celle de Dieu. Il s’agit donc, tout simplement, de comprendre que le texte révélé ne nous est accessible qu’au travers d’une lecture mise en place par des siècles d’orthodoxie, ladite orthodoxie ayant d’ailleurs nécessité des siècles pour se constituer. Autrement dit, le texte révélé ne nous est compréhensible que par cet intermédiaire. Cela est si vrai que lorsqu’un non-musulman s’y aventure il est immanquablement dérouté par cet étrange livre. Ce que vous voyez s’y dérouler de l’histoire de l’Islam, du Prophète, des anciens prophètes, de la pratique, du fiqh, de la sharia, rien de tout cela ne lui apparaît, tout lui semble ou trop allusif ou trop obscur, à tout le moins sibyllin. Si donc le Coran nous parle, c’est que nous avons appris à l’entendre et ce sont bien nos acquis qui nous fournissent le sens du Coran et non le Coran qui nous fournit du sens. Nous ne lisons pas le Coran, nous le disons.

• La question est alors : comment lire le Coran ?

Il est bien évidemment insuffisant, si ce n’est insignifiant, de proclamer, comme nous l’avons fait, qu’il faille lire le Coran avec nos yeux, notre regard d’homme et de femme actuels. En cette propédeutique s’affrontent les tenants d’une vérité éternelle détenue par les doctes et ceux qui s’en réclament et les modernistes herméneutes prêchant pour l’interprétation et la multiplication infinie des sens. Si les premiers rament à pieds secs, les seconds se noient en leurs mers intérieures. D’autres constatent l’impossible écart entre un document contemporain d’une époque aux mœurs particulières et l’évolution des mentalités actuelles et s’affairent au chevet du malade à prescrire des remèdes plus ou moins drastiques. D’autres encore, à la recherche du « moment coranique » diluent au final le texte dans l’Histoire. Le blasphème serait bien de prétendre lire le Coran pour nous-mêmes, lui donner le sens que nous sentons ou présentons ou souhaitons, une lecture subjective tout au service de notre « nous », un autre « moi ». Lire le Coran par soi-même n’est pas le lire pour nous-mêmes !

• La question pourrait être : le Coran a-t-il du sens ?

Les adeptes de l’École des sciences humaines soutiennent en réalité que tout texte est un non-sens en soi puisque par définition il est structurellement un lieu d’interprétation, de sens infinis. La science de l’homme s’en trouve magnifiée et la Science de Dieu disqualifiée ! S’il n’est pas possible à partir d’un texte, de mots, d’une structure sémantique, de décoder un sens et un seul , alors, d’une part, vous n’êtes pas en mesure de comprendre ce que je suis en train de vous dire et, d’autre part, le Coran est une entreprise vouée à l’échec. Mais à quoi donc nous servirait le Coran si nous ne pouvions en connaitre le contenu ? A quoi sert la Révélation ? Saurions-nous adeptes du « Moi » au point que nous pensions nous dispenser de la Révélation pour savoir et comprendre le sens de nos vies ?! Je confesse, en pleine modestie, que sans guidée il n’y a pas de chemin droit possible, seulement des tentatives. Il y a une philosophie latente en Occident qui infiltre les esprits et les cœurs, elle place l’homme au centre du discours et de la connaissance, un remplacement de Dieu par le soi personnel. Si nous ni prenons garde et maintenons le Coran dans le non-sens il ne deviendra qu’un objet rituel, quelques rêveuses calligraphies ; un livre mort, une parole morte, un Message mort.

• La question est donc : quel est le sens du Coran ?

Mais qui donc pourrait oser prétendre ce que dit vraiment le Coran ?! La post-modernité est déconstructiviste, et la recherche du sens ou, pire encore, du vrai sens, serait une utopie pour esprits simples ou dérangés. Autrement dit, il serait impossible de rompre le cercle hermétique et tout texte nous échapperait à jamais en une cascade infinie d’interprétations. Voilà bien une fantasmatique affirmation issue des sciences humaines et sociales dont l’objectif premier est de disqualifier tout ce que ces « sciences » ne sont pas capables de cerner. Curieusement, seuls les postulats et paradigmes de ces disciplines seraient par eux-mêmes explicites et auraient un sens non interprétable, voire seraient vérités intangibles. A l’ombre des discours actuels, vous pouvez choisir la voie de l’interprétation et sublimer le Coran, et votre intelligence, en proclamant ce texte porteur d’une infinité de sens. Le Coran devient ainsi le reflet des pensées des hommes, effectivement un océan, mais en lequel nous nous noyons. Au concret, vous disposez en fait d’un Coran qui n’a aucun sens.

Vous pouvez aussi lire le sens unique imposé par les résumés de l’histoire exégétique, auquel cas il faudra que vous régliez votre horloge personnelle quelques siècles en arrière, vous pourrez progresser à reculons, c’est subjectivement confortable. Vous pouvez enfin admettre, ou comprendre, que le Coran est un Message délivré qui pour être entendu exige une grande disponibilité d’écoute. Face au Coran, il est ainsi vain d’être passéiste ou moderne, il nous faudra simplement être présents, nus, natifs, sans connaissance, à l’écoute. En cette instantanéité, le Coran sera en permanence en avance sur nous, ce sont nos conceptions qui sont anachroniques. Chaque fois que nous sommes à même d’entendre son discours réel, le Message, il dépasse ce que nous sommes capables de saisir ou de vivre de notre réalité, un unique sens n’est pas un sens unique. Ceci explique que toute tentative moderniste d’interprétation du Coran, comme toute volonté de lecture rétrograde, est irrémédiablement un non-sens, une perte sèche de la signification du Message coranique. Sans présent, le Coran n’a pas d’avenir !

• La question est ainsi : le Coran a-t-il un seul sens ?

J’ai déjà montré que les lectures de S3.7 n’étaient qu’une entreprise rétroactive visant à justifier les divergences d’opinions des exégètes sous couvert d’une prétendue multiplicité ou équivocité de sens du Coran. Clou de ce numéro de prestidigitation exégétique, seul Dieu connaitrait le sens de son propos ! Or, le Coran postule à de nombreuses reprises de son explicité et de sa non-ambiguïté, de son univocité. Univocité essentielle à l’intelligence de la Révélation, et nous devons considérer en saine logique que Dieu a délivré un message et pas mille, alors, et seulement en ce cas, nous nous mettrons en quête du sens. J’avoue que ce n’est pas le choix le plus facile. La profession de foi nous enseigne que Dieu est unique et que Muhammad est Son Messager. Le Coran délivre du Dieu unique un Message unique. Le mot Message avec une majuscule est pertinent, nous le devons probablement à Muhammad Asad. Il suppose l’existence coranique d’un unique sens dont l’essence est universelle et intemporelle. Il indique aussi que les projections de l’Histoire sont des accidents qui ne doivent pas nécessairement être pris en compte, la lecture doit chercher sens au véritable instant de révélation. Ce sens présent n’existe que dans le texte et il est le Message qu’il délivre. Ce Message ne peut s’obtenir que par une analyse littérale minutieuse, technique de lecture dont les prémices sont le dépouillement absolu de notre être, l’abandon de nos certitudes et de nos présumées connaissances, le point zéro des préjugés et des prérequis. On l’aura compris, il n’est pas présentement de mon sujet de discuter de la méthodologie proprement dite – je l’ai présentée partiellement en d’autres articles comme je l’ai illustrée au concret à chaque verset analysé littéralement –, mais de préciser les conditions qui y président, conditions théoriques et conditions pratiques.

• La dernière question sera : qui connaît le sens du Coran ?

Quelle inconnaissance dans les certitudes et quelle folie quand la foi rejette la raison ! Quel orgueil y aurait-il à chercher le sens ? Mais quelle prétention que de dire le sens ! Quel silence au delà du mur des évidences ! Quelle inconscience que de vouloir unir ce qui désuni ! Que de fois le Coran nous rappelle que Dieu a bien adressé un Message aux hommes, mais qu’ils ont divergé quand leur furent parvenu les preuves, les éléments de ce discours, les Signes ou âyât de Dieu. Avons-nous fait autrement ? ! A l’aube du dernier Jour ne serait-il point temps que nous apprenions à lire le Coran à sa juste lettre. Que nous ne ressassions plus ce que nous avons dit que le Coran dit. Face au Coran, dire : « Je pense » ne suffit pas à la raison. Dire « Je sais » n’est qu’ignorance. Dire « Je crois » insulte la foi et la raison.

Mais, dire « Je cherche » est la clef de l’esprit et du cœur. Soyons donc des chercheurs du sens ; que le Coran nous invite à la fête du sens, que nous puissions recevoir la lumière du Message, que nous cessions de l’obscurcir par nos suffisances et insuffisances, que s’ouvrent nos esprits et nos cœurs au chemin de droiture. Cet à cet effort que le Coran nous appelle, la quête du sens.

Ne connaitra donc le sens du Coran que le chercheur. Le savant, lui, sait, il ne cherche pas. Le chercheur, lui, lit et écoute le Coran lui parler, lui délivrer son message, des mots, des phrases, du sens. Soyons donc tous des chercheurs, car si la Vérité a été donnée il y a maintenant 1400 ans à une seule personne, l’ultime Messager, la mettre à jour dans le texte transmis ne pourra être l’œuvre que de tous. Hommes et femmes d’esprit et de cœur, amoureux du Coran et de Dieu et non d’eux-mêmes. Hommes et femmes dont la seule certitude et de ne point en avoir. Hommes et femmes de modestie et d’ouverture. Hommes et femmes de foi et de raison, lumière sur lumière. Seules l’énergie et la bonne volonté de tous permettront d’accomplir cette révolution, la réforme coranique.

Dr Al Ajamî

Source : oumma.com

 

Vœux de l’Aïd. Que reste-t-il de Ramadân

par Dr Al ’Ajamî

• Que reste-t-il du mois passé, quelques notes fugaces, des rires et des lumières, l’impression d’avoir été plus qu’à l’ordinaire. Essentiel partage, appartenir ainsi à l’autre, vivre le couple, la famille, la communauté, l’humanité. Quelques marques de Lui en l’abaissement de notre être. Quelle Miséricorde que d’avoir retenu nos désirs nous ait donné d’aimer la solitude comme la foule, la faim comme la satiété, la soif comme l’eau pure, la mort comme la vie. Quelques traces d’Amour en un banal désert.

• Qu’il nous soit donc donné avant que l’hiver nous rejoigne, d’encore partager, encore endurer, encore pleurer, encore désirer, encore espérer, encore vivre et encore mourir.
Qu’il nous soit donc donné avant que l’oubli nous enterre de toujours persévérer, de toujours écouter, de toujours refuser la haine, de toujours pour Dieu résister, de toujours pour Dieu aimer.
Qu’il nous soit donc donné avant que le vie nous enivre, de nous rappeler, nous sermonner, nous désespérer, nous détester, nous repentir, nous rapprocher, nous abandonner à Lui.
Qu’il nous soit donc donné avant que le temps n’efface, de pouvoir encore goûter la solitude, aimer l’abstinence, désirer prier, pleurer de désirance, chercher l’accomplissement, vouloir le renoncement.
Qu’il nous soit donc donné avant que nos cœurs se dessèchent, de vouloir offrir, de vouloir communier, vouloir réconcilier, vouloir l’humanité pacifié, vouloir l’espoir recommencé, vouloir l’avenir partagé, s’offrir.

Qu’il nous soit donné de ne jamais refuser, jamais négliger, jamais offenser, de ne jamais nous abaisser, de ne jamais oublier, jamais.

Ô Seigneur c’est Toi que nous implorons !
Ô Seigneur, qui d’autre implorer !

• Qu’il me soit donc donné en cette Aïd renouvelée, l’occasion d’adresser et de partager avec tous un instant de repentance et d’espoir :

Que Dieu nous pardonne

Que Dieu nous pardonne de toute Miséricorde
Nos océans de noirceurs
Nos profondeurs indicibles.

Que Dieu nous pardonne d’infinie Mansuétude
Nos obscures blessures
Nos inavouées violences.

Que Dieu nous pardonne d’immense Générosité
Nos âmes viles et rebelles
Nos chairs laides et serviles.

Que Dieu nous pardonne de pleine Indulgence
Nos mensonges dissimulés
Nos crimes acceptés.

Que Dieu nous pardonne d’absolue Clémence
Nos inexcusables prétentions
Nos sordides désirs.

Que Dieu nous pardonne de douce Bienveillance
L’âpreté des mains
La faiblesse des cœurs.

Que Dieu nous pardonne de souveraine Compassion
Nos incommensurables orgueils
Nos insignifiantes conditions.

Que Dieu nous pardonne,
Que Dieu nous pardonne.

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Aïd moubârak

Source : oumma.com