Archives de catégorie : Réfléxion

Les bonnes et les mauvaises actions

Discours du vendredi 11 mai 2012 de l’imam Omar MAHASSINE à la grande mosquée de Mantes la Jolie sous le thème : Les bonnes et les mauvaises actions. Effectivement, ‘Abd Allah Ibn al-‘Abbas  tient cette sentence de l’envoyé de Dieu (PSL) : « Certes, Dieu a inscrit les bonnes et les mauvaises actions (sur la Table Gardée). « . Puis le prophète expliqua ainsi cette parole :  » Quiconque a l’intention d’accomplir une bonne action et ne la fait pas se verra compter par Dieu pour une bonne action à part entière. Et s’il l’accomplit après avoir eu l’intention de la faire, Dieu multipliera cette bonne action en la comptant de dix à sept cent fois plus ou encore davantage. Et quiconque pense à commettre une mauvaise action puis s’en abstient, Dieu lui comptera une bonne action à part entière. S’il l’a commet après y avoir songé, Dieu la lui comptera pour une seule mauvaise action. »

 Rapporté par Al-Boukhari et Mouslim

Le  fidèle soucieux de son accomplissement spirituel et soucieux d’obtenir l’agrément de Dieu et Sa proximité, déploie les efforts nécessaires pour être bon et promouvoir le bien. Cependant, l’humain est sujet à de l’oubli, à de l’insouciance ; il commet donc des erreurs  et possède des défauts. Dieu, le Clément, le Compatissant, a crée l’homme et sait de quelle terre il est fait. Il connaît mieux Ses adorateurs et par Sa Miséricorde,  Il  nous informe que les mauvaises actions ne sont comptabilisées comme les bonnes actions. Certes, la bonne action efface la mauvaise ; mais Dieu , par Sa grâce, change les mauvaises actions par des bonnes pour le fidèle qui saura revenir sincèrement à Dieu et rectifier ses erreurs.

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الخشوع : Le recueillement, la présence à Dieu en toute humilité

Discours du vendredi 4 mai 2012 sous le thème Le recueillement, la présence à Dieu en toute humilité (الخشوع). Cette science qui va être enlevé des cœurs des gens, Houdeyfa ibn Al yamane disait justement à ce sujet :  » La première des choses que vous perdez de votre religion est (الخشوع), cette présence à Dieu, cette humilité devant Dieu, sentir Sa proximité et Son amour; et la dernière chose que vous perdez de votre religion est la prière « .

Al Khouchou’  c’est la tenue du Coeur devant le Créateur entre toute humilité, c’est l’âme et la quintessence de toute acte d’adoration. Aujourd’hui nous avons besoin de goûter à la douceur de la Foi, de sentir la présence et la proximité de Dieu, de vivre l’amour : amour de Dieu, amour des êtres.

Pour écouter le discours du vendredi, en arabe et en français, cliquer ici

L’héritage dans le Coran : Une recommandation ne fait pas Loi (Partie 3 sur 3) Par Dr Al ‘Ajamî

Ceci sera le dernier volet consacré à cette étude. L’analyse littérale des versets S2.V180-182 ; S2.V240 ; S4.V7-8 avait montré que le legs testamentaire ou wasyya,  était la mesure de référence édictée par le Coran concernant la transmission des biens. Cette disposition prioritaire permettait de répartir ses biens librement et sans limitation ou ségrégation de genre. D’autre part, l’analyse littérale de S4.V11-12 met en évidence que l’héritage à quoteparts dit “héritage coranique”, al warth, n’était qu’une mesure complémentaire faisant si nécessaire suite au dit legs testamentaire. Par ailleurs, il apparaissait que ce type d’héritage ne fondait ou n’appuyait aucune forme d’inégalité entre les hommes et les femmes. Nous avions aussi montré que contrairement à l’idée commune, cet héritage n’avait littéralement aucun caractère obligatoire.

• Nous aurons donc noté que la prescription de la wasyya en S4.V7 avait, quant à elle, un caractère obligatoire marqué par l’emploi du verbe kataba, écrire, prescrire. Ne venant qu’en second lieu après la wasyya, l’héritage devrait être logiquement à caractère seulement recommandé, tel est littéralement le cas : “ Dieu vous recommande [awsâ – yûsîkum] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes, au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé […] Attribution de Dieu ; certes, Dieu est Savant et Sage.” S4.V11.

Nous avions fait remarquer qu’en ces versets dits de l’héritage, le marqueur de valeur était précisément le verbe awsâ signifiant sans ambiguïté recommander. De plus, stricto sensu, ce n’est point l’héritage lui-même qui est ainsi recommandé, mais les modalités de calcul des quoteparts.

Plus encore, une recommandation n’est point une loi. Et pour la défense de la cohérence coranique cela est heureux, car il peut aisément être réalisé les observations suivantes :

– Si les énoncés coraniques en matière d’héritage avaient été une « loi divine », alors le Législateur, Dieu, aurait été imparfait ! En effet, certains héritiers seraient oubliés par la Révélation – fait pourtant signalés par les juristes – ce qui entraînerait des injustices patentes. Ainsi en est-il du cas de l’orphelin de père qui n’est pas mentionné dans le Coran comme pouvant héritier de son grand-père paternel, de même il n’est pas fait mention de ce qui revient aux grands-parents et arrières grands-parents,  état de fait dont on comprend aisément qu’il puisse être préjudiciable. Mais, si l’on admet ce que dit réellement le Coran : « il ne s’agit là que de recommandations », il serait alors logique que tous les cas théoriques possibles n’aient pas été nécessairement envisagés par la Révélation. Il n’y a donc ni contradiction ni oubli réels à ce sujet dans le Coran.

– De même, nous pouvons mentionner le très connu hadîth rapporté par At-Tirmidhî, Ibn Hanbal, Abû Dâwud et Ibn Mâjah. L’on y voit  la femme de Sa‘d ibn ar-Rabî‘ interpeller le Prophète en lui disant que son mari est mort à la bataille de Ohod laissant deux filles, mais que le frère de  Sa‘d a pris pour lui tous les biens laissés par ce dernier, nous avons déjà indiqué qu’il semble que telle était la coutume d’alors. Suite à cet incident, auraient été révélés lesdits « versets de l’héritage », en application directe de quoi le Prophète attribua aux deux filles les deux tiers, à leur mère un huitième et le reste au frère de Sa‘d, soit un peu moins du tiers.  Ce hadîth, lui aussi donné comme « circonstance de révélation » des « versets de l’héritage », est seulement classifié hasan et le cas théorique fourni vise semble-t-il à montrer que le système des quoteparts coraniques d’héritage n’amène pas systématiquement à donner le double aux mâles. Cet exemple nous rappelle aussi que dès lors que des versets sont jugés essentiels pour la construction de l’islam l’abondance de l’entreprise exégétique arrive à produire dans le temps plusieurs « circonstances de révélation » pour un même verset ou groupe de versets.[1] Par ailleurs, il est heureux que ce « hadîth » ne soit pas authentifié, sahîh, puisque l’on y voit le Prophète non pas appliquer le sens littéral exact du Coran, mais les règles de calcul instaurées postérieurement par le Droit…

– Selon une même approche, les juristes eux-mêmes ont signalé qu’en certaines configurations, lorsqu’on calcule les quoteparts en considérant les règles fixes et intangibles, il arrive que le nombre de parts dépasse le tout ! Classiquement, il avait été inventé un système de réduction proportionnelle, al ‘awl, pour résoudre la difficulté. Inutile de ruser avec la « Loi divine » quand, à l’écoute du Texte, l’on entend bien ce que recommandation veut dire et, surtout, quand le principe non coraniquement fondé de « au mâle la part de deux femelles » n’est pas érigé en étalon!

– Pragmatiquement, tel que conçu classiquement, le système de Droit successoral fractionne les biens et dilapide la solidité des acquis, les capitaux sont en quelque sorte répartis mathématiquement et s’en trouve en bien des cas dispersés et déstructurés. Ceci, sous un autre aspect, plaide en faveur du recours à la wasyya,  encore une fois, le fiqh est en opposition avec la rationalité pragmatique du Coran.

– Outre le fait que ce système d’héritage n’aboutit pas systématiquement à léser de moitié les femmes, nous en avons donné des exemples, il est évident que cela représentait à l’époque de la Révélation un progrès sensible en leur faveur. Il est bien connu, et parfois rapporté sans preuve comme « circonstance de révélation », à nouveau, qu’en ces temps-là les biens du défunt ne revenaient qu’à la descendance mâle, celle qui était considérée apte à combattre. Ces mesures coraniques sont donc une première étape en faveur des femmes. Nous disons étapes, puisqu’il ne s’agit pas d’un ordre figé pour l’éternité, mais, surtout, du fait que le principe de wasyya – libre de toute mesure et de tout critère de répartition – permettait et permet encore plus à présent de répartir les biens du défunt en fonction des réalités. Par réalités il faut entendre aussi bien celles du cas par cas que celles issues de l’évolution des sociétés. A bien le lire, le Coran en son énoncé obvie et littéral ne dit rien d’autre et il n’est point nécessaire de l’adapter à notre temps, il le précède encore.

• Avant que d’en revenir à une approche coranique de la notion de recommandation, il nous faudra rappeler qu’à l’occasion les autorités responsables de la « Parole de Dieu » et de la « Loi divine » menacent les musulmans du feu de l’Enfer s’il advenait qu’ils veuillent répartir autrement leurs biens. Nous aurons compris que les censeurs ne sont pas plus maîtres du châtiment qu’ils ne le sont d’eux-mêmes. Rien en un système de recommandation n’entraine de « punition » en cas de manquement, et ce, d’autant plus, que le legs testamentaire autorise tous les possibles.

Pour être exact, les gardiens de cette orthopraxie justicière citent généralement les versets 13-14 qui semblent conclure le passage consacré à l’héritage :

تِلْكَ حُدُودُ اللَّهِ وَمَنْ يُطِعِ اللَّهَ وَرَسُولَهُ يُدْخِلْهُ جَنَّاتٍ تَجْرِي مِنْ تَحْتِهَا الْأَنْهَارُ خَالِدِينَ فِيهَا وَذَلِكَ الْفَوْزُ الْعَظِيمُ (13)

وَمَنْ يَعْصِ اللَّهَ وَرَسُولَهُ وَيَتَعَدَّ حُدُودَهُ يُدْخِلْهُ نَارًا خَالِدًا فِيهَا وَلَهُ عَذَابٌ مُهِينٌ (14)

“Telles sont les limites [hudûd] de Dieu. Qui obéit à Dieu et à Son Messager, Il l’introduira en des jardins sous lesquels courent ruisseaux ; ils y demeureront, telle est la récompense suprême. Mais, qui désobéit à Dieu et à Son Messager et transgresse Ses limites, Il l’introduira en un feu où il demeura, il recevra un châtiment avilissant.” S4.V13.14.

Le mot-clef est ici hadd dont nous avons traduit le pluriel hudûd par limites. Ce terme polysémique possède une vingtaine de significations et ce n’est que dans le domaine du Droit, donc en une époque postérieure à la Révélation, qu’il prit le sens de châtiment corporel en cas d’infraction à la Loi divine. Par extension toujours, hadd en vint à désigner la limite fixée par Dieu, les normes divines, les ordres de Dieu. Mais nous devons bien comprendre que ce mot n’avait absolument pas à l’origine ces acceptations dans le Coran. Par contre, dans le contexte d’emploi coranique, hadd peut signifier manière, définition, but, limite. Ce dernier sens est ici le plus vraisemblable et un tel usage est maintes fois vérifiable dans le Coran. Ex : en S2.V187 où l’expression identique « Telles sont les limites de Dieu », tilka hudûdu-llâh, est suivi de l’ordre suivant : « ne vous en approchez pas », fa lâ taqrabûhâ. L’on comprend aisément ce que signifie «  ne vous approchez pas des limites établies par Dieu », alors que « ne vous approchez pas des Lois de Dieu » signifierait que nous ne devrions pas en tenir compte ![2]

Par limites que doit-on comprendre ?  Lorsqu’il s’agit de limites supérieures, c’est-à-dire à ne pas franchir, une telle mesure doit être logiquement assortie d’une interdiction. Ce n’est pas le cas, nous l’avons démontré, il s’agit donc de limites inférieures ou basses, des minima que l’on ne doit pas transgresser, c’est-à-dire négliger. Rien n’interdit donc de faire plus ou mieux. Une telle conception s’accompagne ainsi logiquement d’une recommandation et non pas d’une interdiction. Tel est bien le cas concernant l’héritage indiqué dans le Coran en tant que mesure complémentaire après le legs testamentaire.

Enfin, nous ferons observer que ces versets ne concluent pas uniquement les deux versets relatifs à l’héritage, mais l’ensemble des recommandations qui ont été faites depuis le début de la sourate « Les femmes ». Elles concernent : la gestion des biens des orphelins, le legs testamentaire, les conditions de licéité du mariage, et le fait d’épouser des veuves en charge d’orphelins.

CONCLUSION

L’abus de sens engendré par l’investissement juridique du terme hudûd, limites, et non pas ordres, est régulièrement source d’une erreur majeure de compréhension du Coran. L’on pouvait s’y attendre, la traduction saoudienne traduit hudûdu-l-llâh par ordres de Dieu, mais elle n’est pas la seule à commettre cette trahison textuelle. Ces très anciennes manipulations exégétiques visent à construire le concept de “Loi divine” et à l’imposer aux hommes. Bien que nous ne puissions en cet article développer ce sujet, le titre que nous avons choisi pour ces articles : « L’héritage dans le Coran : Loi Divine, Droit des hommes, ou droit de femmes ? » porte en soi toute la problématique : il n’y a pas confondre les droits accordés par la Révélation avec le concept fictif de « Droit divin » compris en tant que système réalisant la “Loi de Dieu” ou ses formes incarnées la Sharia et le Droit musulman.[3]

L’ensemble des versets relatifs au legs testamentaire, wasyya,  et à l’héritage, warth, a fait l’objet d’un intense surinvestissement exégétique en vue de légitimer les constructions du point de vue du Droit musulman, le fiqh. Ce dernier, en fonction d’intérêts particuliers et de mentalités certaines – ici, qu’on le veuille ou non :  entériner la valeur moindre de la femme – a tout fait pour imposer l’héritage coranique en tant que Loi divine à caractère immuable au détriment du legs testamentaire coranique bien plus souple et adaptatif.

En cette étude, il nous aura été donné l’occasion de suivre le déroulement de la synthèse d’un point précis de l’islam et de mesurer l’écart entre la Révélation et l’islam, notre religion, qu’il serait plus rigoureux de qualifier d’islam historique puisqu’issu d’un procédé complexe d’élaboration – certes à partir du révélé qui lui est spécifique, le Coran – l’inscrivant dans le temps des hommes, l’Histoire. Concernant notre démonstration parallèle, l’égalité des hommes et des femmes dans le Coran, nous aurons pu constater que le point de vue imposé par l’islam, conjugué à notre ignorance du message réel du Coran, engendre des mentalités elles aussi historiques. Nous, musulmans, sommes conditionnés par l’islam à accepter certaines formes d’inégalité et d’injustice comme à savoir gérer les contradictions patentes entre notre foi, la raison, nos croyances et la réalité.

Une recommandation s’adresse de principe à la responsabilité éthique des hommes, elle les accompagne, comme un viatique, tout au long de leurs parcours. L’on comprend aisément que le Coran s’adresse aux hommes sur ce mode là. Une loi, est dirigiste, elle ordonne et impose. Il n’est pas nécessaire d’élever son niveau moral pour appliquer la loi, la crainte y suffit, il ne s’agit pas d’un système d’éducation, mais de surveillance. Il peut alors arriver que l’obligation légale se substitue à l’obligation morale ou en devienne un substitut. Cela ne signifie pas, bien évidemment, que l’islam ne soit pas une religion morale, mais indique, ou explique, que parfois l’individu néglige de porter un jugement moral, un jugement de valeur, adapté à la réalité. En ce cas, le concept de « loi divine » déresponsabilise et évite le questionnement. Ainsi, n’a-t-on plus à se positionner moralement s’agissant de la lapidation de l’adultère, ou du fait d’épouser une enfant, ou de déposséder des orphelines vertueuses au profit de leurs frères dévoyés, entre autres exemples.  L’abstraction « loi divine » peut découpler la raison du cœur et dédouaner de tout effort éthique. Cela peut s’avérer, par carence morale des individus, être un véritable passe-droit ! La morale, le respect, l’intelligence, sont des valeurs universelles que Dieu a données aux hommes pour qu’ils en fassent usage.

[1]  Cf. par exemple la multiplication des « circonstances de révélation » pour S4.V3.

[2] Ne reculant devant jamais le ridicule intellectuel et la manipulation, la traduction wahhabo-saoudienne dit : « Voilà les lois d’Allah : ne vous en approchez donc pas.» Pour rétablir une pseudo logique, elle est alors dans l’obligation d’ajouter un entre parenthèses : « …ne vous en approchez donc pas (pour les transgresser) ».  L’on appréciera le sophisme…

[3] Rien n’est effectivement plus faux et plus lourd de conséquences. Il ne parait pas possible de comprendre les débats internes et externes qui animent à l’heure actuelle la scène sans avoir au préalable parfaitement décrypté cette problématique. Sans doute faudra-t-il un jour que les musulmans soient à même de défaire ce véritable nœud gordien plutôt que le trancher. Nous avons explicité ces différences essentielles en notre ouvrage « Que dit vraiment le Coran » aux chapitres : « Sharia » et « Loi révélée».

Source : Oumma.com

L’héritage dans le Coran : Loi divine, Droit des hommes, ou droits des femmes ? 2/3 – L’héritage à quoteparts, al warth

Par Dr Al ‘Ajamî

Au volet précédent (1/2) nous avions précisé en introduction de la problématique que le Coran abordait la transmission des biens selon trois modalités différentes :

  •  wasyya : le legs testamentaire, les biens répartis par testament.
  •    ‘atyya : donation, les biens attribués du vivant du donateur.
  •  warth : l’héritage, les biens du défunt transmis par succession selon la loi.

En cette première partie, nous aurons réalisé l’analyse littérale des versets relatifs au legs testamentaire, wasyya, et plus succinctement celles des versets en lien avec la donation de son vivant, ‘atyya. Cinq points essentiels ont été mis en évidence :

Le legs testamentaire est la mesure première et principale édictée par le Coran.

Le legs testamentaire a un caractère d’obligation pieuse.

Le legs testamentaire permet de répartir les biens indépendamment du degré de parenté et du genre, hommes ou femmes.

Rien de coraniquement fondé ne permet de limiter la quotité de biens légués.

Hommes et femmes peuvent recevoir des parts équivalentes ou non en fonction de la volonté du testateur.

Or, lorsque les musulmans évoquent la problématique de la succession ce n’est point au legs testamentaire qu’ils songent, mais à ce que l’on nomme héritage, al warth, c’est-à-dire la transmission post mortem légalement établie des biens. Nous avions souligné plus d’une dizaine de procédés exégétiques mis en œuvre afin de marginaliser cette mesure coranique et d’imposer ce que le Droit voulut : la primauté absolue de l’héritage prédéterminé à quotepart, al warth. De fait, l’inconscient collectif des musulmans valide cette manœuvre séculière et assimile ces mesures à la volonté de Dieu sur leurs biens, une Loi divine qu’il ne serait question de transgresser. Plus insidieusement encore, serait au travers des répartitions dudit héritage coranique entériné comme une inégalité de fait entre l’homme et la femme, ce dernier ayant droit au double de la part d’une femme.

L’enjeu sembla de taille et les « lois de l’héritage » coraniques ont été canonisées par les pouvoirs au point que les gardiens du temple crurent nécessaire de placer quelques cerbères à son entrée. Ainsi, cite-t-on ce propos de Abû Hurayra : «  Étudiez les quoteparts [de l’héritage] et enseignez-les aux gens car il s’agit là de la moitié de la science. De plus, ceci sera la première chose que l’on oubliera et la première chose qui sera retirée à ma Communauté. » Ce hadîth est rapporté par at-Tirmidhî et ad-Dâraqtanî et il est da’îf, classifié faible, ainsi que toutes les nombreuses variantes sur ce thème. Ce type de productions est parfaitement symptomatique du rôle que s’est conféré le corps des ulémas et de leur fonction d’intermédiaires obligés entre le Livre et la Communauté.

L’HÉRITAGE DANS LE CORAN

Au delà des affirmations et assertions du Droit musulman et de l’exégèse, il est aisé de comprendre que si le Coran prescrit prioritairement le recours au legs testamentaire, wasyya, par voie de conséquence l’héritage dit coranique[1] ne peut être qu’une mesure secondaire. Il sera donc tout aussi logique que l’héritage ne revête point de caractère obligatoire, et nous allons le constater.

Les versets 11, 12 et 176 de Sourate « Les femmes » englobent la totalité du sujet. Ces versets ont tous été révélés postérieurement à ceux qui édictèrent le recours la wasyya ce qui indique d’emblée la primauté de la wasyya sur l’héritage, primauté que le Droit musulman classique a évacuée du champ culturel et cultuel. Nous nous intéresserons principalement au V11 que sa densité littérale rend mal aisé à appréhender :

يُوصِيكُمُ اللَّهُ فِي أَوْلَادِكُمْ لِلذَّكَرِ مِثْلُ حَظِّ الْأُنْثَيَيْنِ فَإِنْ كُنَّ نِسَاءً فَوْقَ اثْنَتَيْنِ فَلَهُنَّ ثُلُثَا مَا تَرَكَ وَإِنْ كَانَتْ وَاحِدَةً فَلَهَا النِّصْفُ وَلِأَبَوَيْهِ لِكُلِّ وَاحِدٍ مِنْهُمَا السُّدُسُ مِمَّا تَرَكَ إِنْ كَانَ لَهُ وَلَدٌ فَإِنْ لَمْ يَكُنْ لَهُ وَلَدٌ وَوَرِثَهُ أَبَوَاهُ فَلِأُمِّهِ الثُّلُثُ فَإِنْ كَانَ لَهُ إِخْوَةٌ فَلِأُمِّهِ السُّدُسُ مِنْ بَعْدِ وَصِيَّةٍ يُوصِي بِهَا أَوْ دَيْنٍ آَبَاؤُكُمْ وَأَبْنَاؤُكُمْ لَا تَدْرُونَ أَيُّهُمْ أَقْرَبُ لَكُمْ نَفْعًا فَرِيضَةً مِنَ اللَّهِ إِنَّ اللَّهَ كَانَ عَلِيمًا حَكِيمًا (11

“ Dieu vous recommande [awsâ – yûsîkum] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes, au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié. Quant à ses deux parents, à chacun d’entre eux le sixième de ce qu’il aura laissé s’il avait des enfants. S’il n’avait pas d’enfants et qu’héritent [waratha] de lui ses deux parents, à sa mère le tiers. Dans le cas où il avait des frères, à sa mère le sixième. Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire [wasyya] qu’il avait testé ou une dette.

De vos parents ou de vos enfants, vous ne savez point ceux qui seront le plus à même de vous être utiles.

Attribution de Dieu ; certes, Dieu est Savant et Sage.” S4.V11.

1 – « Dieu vous recommande quant à vos enfants ». Le verbe awsâ [en yûsîkum] est la forme IV de wasâ et il signifie faire une recommandation au moment de mourir, faire un legs. S’agissant de Dieu s’adressant aux hommes, l’idée induite est peut-être celle d’une recommandation ultime, celle de la dernière révélation. Nous retiendrons donc le sens de recommander, sens étymologiquement et grammaticalement fondé,  et nous écarterons le sens tardif ordonner[2] que prit awsâ sous l’influence exégétique du Droit musulman,[3] sens que l’on ne peut qualifier de coranique.

Nous l’avions signalé en l’article précédent, la racine verbale wasâ indique la notion de jonction, lien, réunion. Le français enjoindre, parfois utilisé en ce verset par les traducteurs,[4] pour commode qu’il soit, peut être un abus de sens, car enjoindre c’est aussi ordonner formellement, prescrire.

En tout état de cause, une recommandation n’est pas un ordre. Certes, une recommandation de Dieu s’impose au croyant, mais elle ne fait pas pour autant loi.  La loi des hommes, elle, sans nul doute, s’impose par nature aux hommes. Le Coran ne prescrit donc pas canoniquement l’obligation de la pratique de l’héritage par quoteparts. Nous reviendrons sur ce point fondamental.

2 – « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. » Les traductions s’accordent sur un : «  au garçon la part de deux filles» formulation qui indiquerait comme une règle, la base de calcul des quoteparts coraniques, le fameux principe d’inégalité dans l’héritage. Énoncé qui,  transcendé par certains, serait comme le témoignage d’une inégalité foncière de la femme…

Le texte en est : « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni ». Tout comme en anglais, les termes mâle et femelle, dhakar et unthâ, n’ont pas en arabe de connotation particulière et, du fait qu’il est dit antérieurement « Dieu vous recommande quant à vos enfants [awlâdikum] », la mention des enfants impose ici de comprendre les termes dhakar et unthâ comme signifiant garçon et fille, d’où nôtre : « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. » Plus coraniquement précis encore, nous aurions pu dire : «  au fils l’équivalent de la part des deux filles ». En effet, la phrase coranique : « Dieu vous recommande quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles » ne concerne présentement que le cas des enfants du défunt.[5] De fait, nous retrouverons le même segment « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni » au V176 de S4 où il concerne un autre cas particulier : la répartition entre les frères et sœurs survivants du défunt.

S’agit-il du décès du père ou de la mère ? Plusieurs marqueurs du genre masculin sont notables  et, par exemple, nous lisons plus avant en ce verset: « Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire qu’il avait testé ou une dette ». Est ainsi indiqué que ce verset 11 envisage certaines répartitions des biens non testés uniquement dans le cas du décès du père de famille. C’est au verset 12 que sera abordée la question en cas de décès de la mère ou de l’épouse.

3 – « S’il y a plus de deux femmes, à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. » Cette traduction laisse littéralement apparaître le problème posé : qui sont ces femmes ? Sont-ce des filles du défunt ? Les femmes du défunt ? Ses sœurs ? Ses mères ?

Le terme arabe nisâ’, femmes, est un collectif et il désigne, comme en français, tout individu adulte de sexe féminin, il peut aussi, pareillement, dénommer l’épouse.

Le cas de collatéraux est a priori envisagé au verset 12 ainsi que celui des conjoints. Le verset 11 semble ainsi consacré à la lignée directe, ascendants y compris.[6] Nous devons donc comprendre ici par nisâ’, femmes, les filles du défunt.[7]

Nombre de commentateurs classiques ont supposé que cette phrase concernait le cas où il n’y aurait comme héritiers que des filles, leur nombre étant alors supérieur à deux. Mais, en ce cas, le Coran aurait omis de préciser la répartition lorsque il n’y a que deux filles, oubli d’autant plus net qu’il est en la suite immédiate traité du cas où nous n’avons qu’une seule héritière : « S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié.» Il aura donc fallu qu’ils soutiennent que la réponse à cette se situation se trouvait dans le Hadîth. Toutefois, il nous parait impensable que Dieu puisse avoir commis un « oubli », concept proprement insoutenable ! Hormis cet obstacle théologique, il reste tout aussi délicat d’admettre qu’il soit en ce contexte « oublié » une situation aussi simple.

L’analyse littérale permet de réaliser les constatations suivantes :

Le changement de terminologie, nisâ’ au lieu de unthâ’, femme/fille, marque la rupture avec la mention précédente de la présence de garçons et de filles, la composition du panel n’est donc plus mixte. Il est ainsi tout à fait légitime de traduire par : « S’il n’y a que des femmes ». Comme nous venons de montrer qu’il s’agissait des filles du défunt, nous pourrions traduire par : «  S’il n’y a que des filles ».

Le sous-segment « fawqa ithnatayni » traduit ordinairement par : « au-delà de deux » a été compris comme signifiant : « plus de deux » c’est-à-dire  « S’il y a plus de deux filles héritant de leur père». Or, et az-Zamakhsharî l’avait noté,[8] le syntagme  « fawqa ithnatayni » est un arabisme qui peut être aussi compris comme signifiant que le collectif nisâ’, femmes, inclut le cas présent qu’il y ait au moins deux femmes ; cette incise coranique se justifie du fait des particularités numériques des noms collectifs en arabe.

Par ailleurs, au v12 pour dire « plus de deux » il est employé l’expression courante et univoque « in kânû akthara min », « s’ils sont plus de [deux] ».

Au final, il n’y a donc aucune difficulté littérale à comprendre ainsi ce segment : « S’il n’y a que des femmes [filles du défunt], au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. » [9]

4 – Nous pouvons relire à présent le passage complet : « Dieu vous recommande quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles. S’il n’y a que des femmes [filles du défunt], au moins deux, alors à elles les deux tiers de ce qu’il a laissé. S’il n’y a qu’une femme, alors à elle la moitié. »

Ce texte permet de mentionner  directement les répartitions suivantes concernant les enfants du défunt :

a)      S’il n’y a qu’une fille : il lui revient 1/2 des biens de son père.

b)      S’il y a deux filles uniquement : elles se partagent les 2/3.

c)      S’il y a plus de deux filles : elles se partagent également les 2/3.

d)     S’il y a un autre nombre de garçons ou de filles l’on applique la règle : « pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles.»

e)      S’il y a un seul garçon et une seule fille : selon la même règle il revient au garçon 2/3 et à la fille 1/3.

Notons qu’il n’est pas mentionné expressément le cas où il n’y aurait qu’un seul garçon comme héritier.[10] Ces mesures apparaissent donc établies pour attribuer des parts aux filles du défunt ce qui nous laisse comprendre que tel n’était pas le cas au temps de la Révélation.

5 – Le verset 176, placé en fin de S4, indique lui-même qu’il a été révélé en complément des versets relatifs à l’héritage : «  Ils te consultent [yastaftûnaka]. Dis : Dieu vous éclaire [yuftîkum][11] quant à la succession collatérale… » S’y trouvent mentionnés très explicitement trois cas possibles concernant la répartition des biens entre les frères et sœurs du défunt :

«  S’il n’a qu’une sœur, à elle la moitié de ce qu’il aura laissé.»

« Si elles sont deux, à elles les deux tiers de ce qu’il aura laissé. »

« S’il y a des frères et des sœurs, alors pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles.»

Ceci confirme les résultats de l’analyse littérale et ces trois cas sont symétriques à ceux du v11 et il est attribué des parts proportionnellement identiques entre les frères et sœurs descendants et les frères et sœurs collatéraux.

Ainsi, pouvons-nous constater que le fameux «  au garçon la part de deux filles» apparaît en réalité comme une règle de calcul en deux cas particuliers somme toute similaires : lorsqu’il y a à la fois des frères et des sœurs héritant du défunt, ascendants directs ou collatéraux. Il ne s’agit donc pas d’une règle générale devant être appliquée afin de déterminer toutes les quotesparts d’un héritage, et encore moins d’un principe ontologique d’inégalité…

6 – Malgré tout, et sans ambiguïté, il y a en ces deux cas de figure inégalité de répartition. Des esprits bien pensant, et d’autres moins bien intentionnés, ont essayé de justifier cette situation en arguant que les charges du ménage incombaient à l’homme. Nous ne le ferons pas,   ce serait de fait entériner une situation de domination patriarcale et l’éternelle dépendance de la femme. Ceci étant dit, s’il n’existait que ce type d’héritage comme mode de transmission des biens, il faudrait bien en admettre la partialité et le déséquilibre même si,  et nous allons en donner des exemples, il est des situations d’héritage par quoteparts où il revient aux femmes plus qu’aux hommes.

C’est bien cette répartition avantageant les hommes, de principe et le plus souvent concrètement et matériellement, qui a sans doute justifié que l’on  ait tout tenté pour disqualifier le legs testamentaire, wasyya, et promouvoir l’héritage à quoteparts.

Mais, et cela est capital, ce type d’héritage à parts déterminées n’a pour fonction que de garantir des minimums aux femmes, mesure de protection qui n’est qu’un complément des legs testamentaires. Nous le répéterons une fois encore, le legs testamentaire ou wasyya demeure le moyen prioritaire de répartir ses biens, et ce, sans aucune forme de contrainte de genre et en fonction des évolutions et des réalités sociales et sociologiques. Nous le démontrerons à nouveau plus avant.

7 – « Ceci après qu’ait été réglé le legs testamentaire [wasyya] testé ou une dette. » Cette incise est essentielle, elle indique au minimum que l’héritage et sa répartition par quoteparts ne peuvent avoir lieu que si la wasyya, le legs testamentaire, a d’abord été exécuté. Littéralement, cela  signifie donc que la priorité soit au legs, au testament, et que la répartition selon les modalités de l’héritage ne se fasse que dans le seul cas où il y aurait un reliquat de biens non légués. Ce corps de phrase est si important qu’il sera encore répété à trois reprises au V12. Par : « ou une dette » l’on comprend : après extinction des dettes. Nous devons le souligner avec instance, le Coran est explicite à ce sujet, l’héritage à quote-part n’a lieu qu’après aient été appliquées deux mesures essentielles, le legs testamentaire, wasyya, et le règlement des dettes du défunt ou de la défunte.

L’on comprend dès lors que l’exégèse classique juridique se soit mobilisée pour déclasser les versets prescrivant la priorité de la wasyya et en l’article précédent, nous avions mis en évidence les procédés exégétiques utilisés à cette fin. Nous reviendrons au point 10 sur le fait qu’il fut fort commodément considéré que les versets sur l’héritage abrogeaient ceux relatifs à la wasyya !

Au service de la même cause, il fut tenté d’inverser l’ordre de priorité pourtant explicite : « Ceci après qu’aient été réglés le legs testamentaire [wasyya] testé ou une dette. » L’on rapporta donc à l’envi que selon Ali le Prophète aurait dit au sujet de ce passage : « Le remboursement de la dette précède celui du legs testamentaire – qadâ bi-d-dayn qabla al wasyya.»[12] Il est heureux que ce « hadîth » n’ait pu se hisser au rang du sahîh, protégeant ainsi le Prophète d’avoir pris une telle liberté vis-à-vis du texte coranique, quant aux hommes…n’est-ce point à Ali encore que l’on attribue cette incroyable parole : « Le Coran est muet, ce sont les hommes qui le font parler » !!!

Ses grandes manœuvres exégétiques ont eu pour unique objectif d’évacuer le legs testamentaire du champ coranique au profit de l’héritage à quoteparts. En marginalisant la wasyya l’on a généralisé et pérennisé un système d’inégalité.

8 – « Attribution de Dieu ». Ce segment, conclusion de ce verset, est essentiel à l’intelligence de la question. Pour la locution arabe « farîdatan min allâh », je lis en ma traduction standard néo-wahhabite : «  Ceci est un ordre obligatoire de la part de Dieu ». Le pléonasme ordre obligatoire, on le supposera, vise sans doute à enfoncer le clou profondément. Moins lourdement, l’on trouve en d’autres traductions : obligation divine ; arrêté de la part de Dieu ; imposition de Dieu ; cette prescription émane de Dieu, etc.

Ce que le Droit, veut l’exégèse l’obtient, quand bien même bafouerait-on et la raison et le Texte. S’il est dit en introduction du verset « Dieu vous recommande » il ne peut être logiquement conclu par « Dieu vous ordonne » ! C’est donc en modifiant, sans support linguistique vrai, le sens de wasâ, comme nous l’avons démontré, que l’on parvint à harmoniser les deux propositions, toutes deux signifiant alors obligation, devoir. Ce petit cercle herméneutique, engendré artificiellement par l’exégèse, est pourtant aisément brisé par le Coran lui-même puisque notre « farîdatan min allâh » du v11 devient « wasyyatan min allâh » en conclusion du v12. Ces deux segments ont mêmes positions et fonctions et ils ne peuvent s’opposer en sens,  c’est donc bien que farîdatan et wasyyatan sont synonymes. Ceci est confirmé par une remarque incidente de Tabari rappelant que le mot wasyyatan est le nom d’action, masdar de la forme IV awsâ [yûsîkum] utilisée en introduction et dont le seul sens possible ici, nous l’avons montré, est : recommandation. En ces conditions, les acceptations linguistiques synonymes pour farîdatan sont : dotation, répartition, disposition, partage, attribution, d’où notre traduction littérale pour farîdatan min allâh : « Attribution de Dieu ». Sont-ce les hommes qui se contredisent ou le Coran ?!

L’idée exprimée est claire : ce verset constitue un ensemble de recommandations divines « Dieu vous recommande ». Le détail de l’attribution, la répartition des parts lors de l’héritage telle qu’elle est exposée en ces versets (S4.V11-12) est bien celle indiquée par Dieu : « Attribution de Dieu » ou aussi « répartition indiquée par Dieu ». Point capital, littéralement, cette attribution par quoteparts n’est point obligatoire, il s’agit très explicitement d’une recommandation.

9 – Classiquement, il et fait appel aux « circonstances de révélation », asbâbu-n-nuzûl, afférées à ces versets. Le hadîth en question est rapporté entre autres par al Bukhârî et il nous apprend que le dénommé Djâbir, se pensant à l’article de la mort, reçut la visite du Prophète et lui demanda ce qu’il devait faire de ses biens. Ces versets, dits « versets de l’héritage », auraient été alors révélés.

Ce type de « circonstances de révélation » n’est a priori d’aucune utilité exégétique et l’on se demande quel intérêt autre qu’anecdotique il y aurait eu à conserver et transmettre cette information. Cependant, la neutralité n’étant jamais de mise, le sens obvie de ce hadîth laisse plus ou moins à penser que lorsqu’un musulman décède ses biens relèvent de l’héritage, ce qui est le but exégétique recherché par le Droit. Or, nous l’avons largement démontré, la première prescription coranique sur ce sujet est le legs testamentaire ou wasyya. Ce hadîth pourrait donc aussi vouloir insinuer que la révélation des « versets de l’héritage » aurait abrogé les précédentes dispositions relatives au legs. Ainsi, l’exégèse orientée aura su conférer à un propos en apparence anodin une forte charge signifiante. L’ensemble des ces observations ne peut qu’inciter à la prudence face à un texte pourtant réputé authentifié, sahîh.

10 – Nous rappellerons que les versets relatifs à la wasyya ont été décrétés abrogés et que l’on a pu fournir des hadîths créant l’illusion de cette abrogation (Cf. « L’héritage dans le Coran : Loi divine, Droit des hommes ou droits des femmes ? 1/2). L’abrogation est une manière admise et fort pratique permettant de se débarrasser de ce qui pourrait nous contredire. En d’autres termes : une censure du Coran, mais aussi de la raison critique.

Les versets réputés abrogeant la wasyya sont bien ceux que nous étudions : S4.V11-12. Or, nous l’avons souligné, ces versets insistent à quatre reprises au total sur le fait que la priorité est à la wasyya, le legs testamentaire, l’héritage à quoteparts ne concernant de facto que la part de biens restants non légués. Comment peut-on sérieusement prétendre que ces versets abrogeraient le principe auquel ils font appel avec insistance ?!  Il y a probablement des raisons que la raison ignore !

• Au final : L’étude littérale  des versets concernés permet sans difficulté de mettre à jour trois éléments essentiels :

L’héritage à quoteparts dit “coranique” n’est qu’une mesure complémentaire faisant suite au legs testamentaire librement organisé dit wasyya.

Cette répartition du reliquat non légué n’a pas de caractère obligatoire.

Ce système de répartition ne s’appuie en rien sur une forme d’inégalité entre l’homme et la femme.[13]

Tel est ce que le texte coranique dit, ce que l’exégèse et le Droit musulman en dirent est certes différent, ce que les musulmans en ont socialement intégré aussi.

Au prochain et dernier volet, nous reviendrons sur une notion ici essentielle : une recommandation ne fait loi. L’appropriation exégétique et séculière de ces versets illustre parfaitement cette problématique et, à cette occasion, nous analyserons le sens des versets 13 et 14 qui concluent le chapitre coranique relatif à l’héritage.

[1] L’héritage se dit en arabe al warth, mais aussi wirâtha ou ’irth, vocabulaire non coranique. Le Coran emploie pour désigner l’héritage deux termes de même racine : turâth et mîrâth, et ce, à une unique reprise pour chacun d’entre eux. De plus, ces deux termes ne sont pas en rapport direct avec les versets dits de « l’héritage », ce qui en soi méritait d’être signalé…

[2] Comme nous le lisons par exemple en  la traduction de Denise Masson.

[3] Il est à noter que la forme verbale IV awsâ est employée de manière caractéristique dans les seuls versets relatifs à l’héritage, à l’exception de S19.V31. Ailleurs, nous trouvons principalement wassâ (Ex : S6V144 ; 151 ; 152 ; 153) et tawâsâ. La forme VI tawâsâ, se recommander mutuellement, est connue de tous, cf. Sourate « Al ‘asr ».

[4] C’est le cas de la traduction wahhabite diffusée par l’Arabie Saoudite… Je rappelle que bien des gens commettent l’erreur de penser que cette traduction serait une amélioration de la traduction princeps du regretté Professeur Muhammad Hamidullah. En réalité, il s’agit d’une entreprise globale de mise au pas du Coran au travers de la diffusion mondiale d’une traduction multilingue entièrement asservie aux concepts wahhabites et néo-wahhabites.

[5] Un détail littéral, en ce même syntagme : « li-l-dhakari mithlu hazzi-l-unthayayni », les mots, dhakar et unthâ, garçon et fille, sont au cas déterminé, c’est-à-dire qu’ils sont déterminés par l’article universel « l », soit: le garçon, les deux filles. Ainsi, les traductions ou compréhensions telles que : «  au garçon la part de deux filles» sont relativement incorrectes. Rigoureusement, ce type de traduction nécessiterait que le texte soit : « li dhakarin mithlu hazzi unthayaynin », c’est-à-dire que dhakar et unthayayn y soient au cas indéterminé, sans article. Cette lecture a pour but fâcheux de généraliser, par le recours indu à l’indétermination grammaticale, ce qui est en réalité un cas particulier.

[6] Ceci est confirmé par la finale du verset : « De vos parents ou de vos enfants vous ne savez point ceux qui seront le plus à même de vous être utile. »

[7] Le choix des termes dhakar, untha, nisâ’, indique qu’en ce verset les héritiers sont considérés adultes, ce que la portée sémantique du pluriel initial awlâd, enfants, ne contredit pas.

[8] Tafsîr al kashshâf S4.V11.

[9] Au demeurant, nous trouvons ce type de traduction chez Mohammed Chiadmi, mais aussi, et cela est plus étonnant, dans la traduction saoudienne.

[10] Nous pouvons supposer, mais seulement le supposer, qu’en ce cas le garçon hérite de la totalité des biens relevant de l’héritage paternel.

[11] Comme prévisible, la traduction néoconservatrice saoudienne toute à la construction juridico shariyatique  traduit au premier verbe par « ils te demandent ce qui a été décrété » et au deuxième « Allah vous donne son décret » !

[12] Hadîth ahad rapporté par At-Tirmidhî, cité par de très nombreux exégètes dont ar-Râzî et Tabari. Ce hadîth est souvent classé par pure complaisance hasan.

[13] Sous cet aspect, l’analyse de ces versets s’inscrit dans le droit fil exégétique de notre démonstration quant à l’égalité des hommes et des femmes dans le Coran. Cf. « Égalité des hommes & des femmes » 3/3.

Source :  http://oumma.com/11559/lheritage-dans-le-coran-loi-divine-droit-des-hommes-ou

L’héritage dans le Coran : Loi divine, Droit des hommes, ou droits des femmes ? 1/2 – La wasyya ou legs testamentaire-

Par Dr Al ’Ajamî

Une fois l’an, l’imam de mon quartier, ancien avocat et homme tranquille, fait trembler le minbar de la mosquée. Comment des musulmans osent-ils contourner la « Loi de Dieu » et donner de leur vivant à leurs filles une part de leurs biens afin qu’elles « héritent » dans les faits de autant que leurs frères… Détournement de la « Loi divine » qui les expose à la vindicte des imams et des ulémas et, à ne pas en douter, à la colère de Dieu. La messe est dite, si j’ose dire.

• Nous allons réserver trois articles à cette question, non pas tant que nous considérions qu’elle soit centrale en islam, mais à titre d’illustration concrète des trois volets précédents consacrés à la “réforme islamique” avec, encore une fois, autant de précision que de précaution quant au recours par défaut au terme « réforme ».

Parallèlement, cette étude s’inscrit dans le droit fil de nos recherches exégétiques antérieurement présentées et relatives aux principes coraniques de justice et d’égalité entre les hommes et des femmes.[1]

• Comprendre la problématique de l’héritage en islam nécessite de retourner au Coran. Plus encore que de principe, puisqu’ici l’héritage est revendiqué par la sharia comme une « loi divine » et que ladite « Loi » est par définition obligatoirement inscrite dans le texte coranique. Incontestablement, une quinzaine de versets concernent le devenir des biens laissés par le défunt et ils sont réputés englober la totalité de la thématique.[2] Nous en étudierons l’essentiel selon l’ordre chronologique et en fonction de leurs propos respectifs.

• Tout d’abord, une analyse générale du sujet établit aisément que le Coran traite en réalité la problématique selon trois modalités qu’il convient donc préalablement à toute lecture de distinguer avec rigueur. La terminologie le permet, et trois termes clef sont à noter, tous ayant d’ailleurs leurs correspondants en Droit français :

· wasyya : le legs testamentaire, les biens sont librement répartis par testament.

· ‘atyya : donation, les biens sont librement attribués par le donateur de son vivant.

· warth : l’héritage, les biens du défunt sont transmis par succession établie selon la loi.

Première constatation : du fait de la présence de trois approches distinctes, parler de « l’héritage dans le Coran  » est soit une généralisation abusive, soit un abord sélectif. Cet article étudiera les deux premiers points, pour l’essentiel l’importance de la wasyya ou legs testamentaire dans le Coran. Le prochain sera consacré à l’héritage proprement dit.

Bien évidemment, nous ne chercherons pas à établir des parallèles ou des voies de passage entre un énoncé coranique supposé archaïsant et une modernité prise comme référant. Cela n’est ni notre conviction, ni notre méthodologie, faudrait-il que nous eussions encore à le rappeler.

L’exposé à suivre est simple, il propose à qui veut nouer cette relation au Texte une lecture directe et strictement littérale des versets du Coran. Ce faisant, apparaîtra par contraste par quels artifices exégétiques il a été classiquement procédé à un détournement du sens coranique. Enfin, il nous faudra porter une attention toute particulière en cette analyse à la distinction des termes legs testamentaire et héritage, deux dispositions coraniques distinctes ci-dessus mentionnées, et veiller par conséquent à ne pas confondre legs ou testament et héritage.

I LA WASYYA OU LEGS TESTAMENTAIRE

Chronologiquement, il s’agit des trois premiers révélés quant au devenir des biens du défunt. Ils sont relatifs à la wasyya, le legs testamentaire, et situés en sourate « La génisse », ils sont donc de la première période médinoise. Premier constat : le Coran a ainsi amorcé son processus d’information et d’éducation en matière de succession par la notion de legs testamentaire et non point par le warth, l’héritage :

كُتِبَ عَلَيْكُمْ إِذَا حَضَرَ أَحَدَكُمُ الْمَوْتُ إِنْ تَرَكَ خَيْرًا الْوَصِيَّةُ لِلْوَالِدَيْنِ وَالْأَقْرَبِينَ بِالْمَعْرُوفِ حَقًّا عَلَى الْمُتَّقِينَ (180) فَمَنْ بَدَّلَهُ بَعْدَمَا سَمِعَهُ فَإِنَّمَا إِثْمُهُ عَلَى الَّذِينَ يُبَدِّلُونَهُ إِنَّ اللَّهَ سَمِيعٌ عَلِيمٌ (181) فَمَنْ خَافَ مِنْ مُوصٍ جَنَفًا أَوْ إِثْمًا فَأَصْلَحَ بَيْنَهُمْ فَلَا إِثْمَ عَلَيْهِ إِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَحِيمٌ (182)

“ Il vous a été prescrit [kutiba ‘alaykum] – lorsque se présente à l’un de vous la mort et qu’il laisse des biens – le legs testamentaire [wasyya] en faveur des père et mère et des plus proches, convenablement. Ceci est un devoir pour les gens pieux.” V180.

“ Qui l’altérera [ce testament] après l’avoir entendu, vraiment ce péché n’incombe qu’aux falsificateurs. Certes, Dieu entent et sait.” V181.

“ Et qui craint du testateur [mûsi] quelque injustice ou iniquité et les réconcilie, alors pas de péché à cela. Certes, Dieu pardonne et fait miséricorde.” V182.

Verset 180.

– Le terme clef wasyya signifie legs testamentaire. Cette disposition, existante au demeurant dans le Droit français, permet de transmettre de son vivant des biens librement et dûment quantifiés aux personnes de son choix, que ce soit aux héritiers dits naturels ou à d’autres personnes non nécessairement bénéficiaires de l’héritage prévu par la loi. La racine wasâ indique à l’origine l’idée de réunir une chose à une autre d’où lier les générations par la transmission d’un bien, action nommée wasyya. Ce nom verbal a donc pris comme sens : legs testamentaire, testament, recommandation.

– Il est dit : « kutiba ‘alaykum  », compris comme signifiant « il vous a été prescrit  » alors que littéralement nous comprendrions : « il a été écrit ». L’emploi particulier de kutiba s’inscrit ici en une série de trois : « Il vous a été prescrit le talion » V178 et « Il vous a été prescrit le jeûne » V183. Ceci laisse peu de doute quant à son sens : il s’agit d’une prescription à caractère obligatoire.

L’on cite régulièrement à ce propos un hadîth prophétique rapporté par al Bukhârî, Muslim et d’autres : « Un musulman qui possède une chose et veut la léguer [sî] n’a pas le droit de passer trois nuits sans avoir rédigé son testament [wasyya]. »

Subtilement, ce verset se conclut par ces mots : « Ceci est un devoir pour les gens pieux  », l’accomplissement d’une obligation est ainsi subordonné à la piété et une prescription ne devient une obligation qu’en fonction de ladite piété.[3]

– Ce caractère obligatoire du legs [wasyya] a posé problème aux juristes, d’autant plus, nous le verrons, que cet aspect obligatoire est beaucoup moins évident concernant l’héritage légal proprement dit ! Certains durent donc sortir de leur turban exégétique le lapin abrogateur et déclarer ces versets abrogés par ceux relatifs à l’héritage ! Logique ! D1. Tabari, pour ne citer que lui, s’inscrit en faux contre cette affirmation, mais utilisera alors d’autres arguments pour réduire l’importance du legs testamentaire, wasyya. Quant à nous, nous nous sommes déjà exprimé sur l’impossibilité ontologique et textuelle du principe d’abrogation comme sur le respect strict de la lettre coranique[4]

– Au service de la même volonté d’effacement du Texte, signalons un propos attribué à Ibn ‘Abbâs rapporté par al Bukhârî : « Les biens revenaient à l’enfant et le legs était pour le père et la mère. Puis, Dieu a abrogé de cela ce qu’Il souhaita et Il a institué au garçon l’équivalent de la part de deux filles, pour chacun des deux parents le sixième, à la femme le huitième et le quart, et à l’homme la moitié et le quart. »

Le titre de la rubrique où al Bukhârî insère ce texte est en lui-même explicatif : « Pas de legs en faveur de l’héritier  ». Conformément à son point de vue de juriste, et de manière fort habile, al Bukhârî a construit l’intitulé de cette section en reprenant mot à mot un hadîth rapporté par Ibn Dâwud et Ibn Hanbal où le Prophète aurait dit : « Pas de legs en faveur de l’hériter » [lâ wasyyata liwârithin]. Mais, plus rigoureusement cette fois-ci, al Bukhârî ne peut y faire figurer les termes de ce hadîth car il ne remplit pas le cahier de charge du sahîh. Il le remplace alors par le propos attribué à Ibn Abbâs cité ci-dessus qui, lui, est réputé sahîh. Cette collusion fonctionne encore en tous les traités de Droit, fiqh, et nul ne doute que le Prophète aurait ainsi déclaré abrogés ces versets du Coran et que la wasyya ne serait qu’une mesure subalterne vis-à-vis de l’héritage ! Ici, donc, double détournement de sens. L’on appréciera tout autant l’élégance du procédé que la subtile volonté de manipulation des sources et des lecteurs, malgré tout l’islam et les musulmans… D2.

En réalité, ce propos n’engage au plus que son auteur, Ibn ‘Abbâs, et non pas le Prophète, et il exploite sans argument ni preuve le principe d’abrogation afin « d’harmoniser » le Coran à ce que le Droit voulut par la suite. A savoir, donner la prépondérance à l’héritage coranique au détriment de la wasyya en affirmant que l’obligation de legs ne vaut que pour ceux qui n’ont pas droit à l’héritage. De facto, nous le constaterons, ce rapport est exactement l’inverse dans le Coran, l’héritage coranique ne concerne que le reliquat des biens non distribués par legs testamentaire, wasyya. D3.

– Le verset 180 énonce : « Il vous a été prescrit – lorsque se présente à l’un de vous la mort et qu’il laisse des biens  » et précise alors le procédé et les bénéficiaires possibles : « Il vous a été prescrit… le legs testamentaire [wasyya] en faveur des père et mère et des plus proches  ».

Notons que le Coran emploie le duel al wâlidayn, les deux parents, pour désigner comme d’usage le père et la mère. Nombreux sont les exégètes, tel Tabari, et les juristes à avoir affirmé qu’ici le terme wâlidayn devait signifier abâ’u : l’ensemble des parents du coté paternel et du coté maternel à l’exception justement du père et de la mère du testateur !   Cette allégation est linguistiquement erronée et s’oppose à la précision sémantique du Coran qui, utilisant effectivement ces deux termes, ne les confond jamais ! La volonté de détournement textuel est encore une fois manifeste : il s’agit pour ces « interprétateurs » de réduire de force la répartition des legs en fonction des règles de l’héritage et de fournir une légitimation rétrospective aux hadîths ci-dessus mentionnés. D4.

– Le mot al aqrabîn, « des plus proches », désigne la deuxième catégorie de bénéficiaires du legs après les deux parents. Il a été lui aussi l’enjeu de joutes exégétiques. Il qualifie littéralement ce qui est le plus proche sans trop d’exactitude. L’on traduit d’ordinaire cette expression par « proches parents » ce qui a pour défaut de ne pas nécessairement inclure les enfants du défunt. Pour éviter ce sous-entendu non conforme à la lettre coranique, nous avons donc traduit par « les plus proches », forme littérale qui conserve l’imprécision et la globalité voulue de l’original. Par ailleurs, nous trouverons en S4.V8 la locution ûlû-l-qurbâ qui correspond alors selon le contexte évident aux proches, ici sans précision de liens familiaux. Conséquemment, par al aqrabîn, les plus proches, le Coran désigne les proches de la famille, enfants et proches parents inclus. Il convenait donc de distinguer par la traduction ces deux catégories de bénéficiaires comme, encore une fois, de respecter la rigueur sémantique du Coran. D5.

– « et qu’il laisse des biens ». Le texte coranique emploie le singulier « un bien », khairan. Le procédé littéraire est à l’inverse du français où le pluriel « des biens » peut désigner une seule chose, comme une maison ou une propriété. En arabe, le singulier peut englober plusieurs biens matériels exactement comme le singulier mâl représente les numéraires ou les biens. D’aucuns, tel az-Zamakhsharî, ont supposé qu’il fallait que ces biens soient abondants pour tomber sous le coup de l’obligation d’en faire legs par wasyya. Cette affirmation ne repose sur aucun support linguistique ou coranique, mais traduit encore une fois ce que le juridique a voulu par la suite. Nous verrons au sujet de S4.V7-8 que le Coran, au contraire, n’impose aucune limitation à ces legs. D6.

– De nombreuses traductions rendent la locution bi-l- ma‘rûf par : « selon la coutume » ou « de manière reconnue » ou « selon l’usage », ce qui indiquerait qu’il existait déjà une règle connue quant à la répartition des biens. Si tel avait était le sens voulu il n’y aurait eu aucune raison logique pour le Coran à prescrire cette wasyya. Il faut donc comprendre l’expression bi-l- ma‘rûf en fonction de l’étymologie comme signifiant correctement, convenablement, en bien, bon, de belle manière, nous avons traduit par : «  convenablement  ». Aussi, ce classique discret glissement de sens et de traduction imposé au texte coranique a pour conséquence de réduire la wasyya à une coutume alors même qu’il s’agit d’une prescription importante et principale du Coran. D7.

– Au final, le sens obvie littéral de ce verset est parfaitement explicite et se suffit à lui-même. Lorsqu’un texte est sémantiquement complet et non équivoque, toute extrapolation est dépassement. En ce verset, il est prescrit à tout musulman de léguer par testament, wasyya, dès lors qu’il possède quelques biens, une part librement déterminée de ses biens à ses deux parents [s’ils sont encore en vie s’entend] ainsi qu’à ses plus proches, c’est-à-dire ses enfants et autres proches parents.

Verset 181.

Il indique que le testament a ici une forme orale : « qui altérera [ce testament] après l’avoir entendu  ». Une révélation chronologiquement postérieure, en S5.V106-108, insistera sur le fait de s’assurer de la présence de deux témoins et de leur honorabilité lorsque le testateur dicte son testament. En ces versets, un doute littéral persiste quant à savoir si cette dictée est écrite ou purement orale. Ceci a pour avantage de valider sans problème ces deux formes testamentaires et de permettre une adaptation évolutive.

Verset 182.

« Et qui craint du testateur [mûsi] quelque injustice ou iniquité et les réconcilie, alors pas de péché à cela. » Ce verset n’indique pas la possibilité de modifier post-mortem les dispositions du testament. Le segment « et les réconcilie » concerne des bénéficiaires, ou des non-bénéficiaires, qui se seraient estimés lésés par les dispositions du testateur. Il est ainsi stipulé que l’on puisse rechercher entre eux un accord à l’amiable, sans plus de précision. Le texte en apparence ne dirait pas si cette réconciliation est purement d’ordre relationnel ou comprend des arrangements quant aux biens échus entre les destinataires. Toutefois, la locution complémentaire « alors pas de péché à cela », litt. « alors pas de péché sur lui » n’aurait aucune raison d’être s’il ne s’agissait que de régler des différents relationnels, car cela n’a jamais été un péché, bien au contraire. Par conséquent, cette remarque vaut pour le fait de rééquilibrer par conciliation la répartition des biens testés entre les bénéficiaires s’estimant lésés. Ces réarrangements post-mortem ne sont donc pas considérés comme équivalent à une modification volontaire du testament, altérations condamnées au verset 181. C’est la recherche du bien de tous qui doit ici servir de guide : « Ceci est un devoir pour les gens pieux  » et «  Dieu pardonne et fait miséricorde  ».

– Un hadîth bien connu et abondamment exploité vise à réduire la quantité de biens susceptibles d’être légués. Il est rapporté notamment par al Bukhârî. En ce récit un peu long, Abû Waqqâs demanda au Prophète : « Puis-je léguer les deux tiers de mes biens ? – Il répondit : non. – Je dis : la moitié ? – Non. – Il dit : le tiers, et le tiers c’est beaucoup… » Manifestement, nous aurions là un cas de spécification par le Prophète du cas général énoncé par le Coran, une réduction de la wasyya. Si l’on pourrait admettre que le Prophète pût spécifier des cas généraux coraniques, nous ne devons pas confondre spécification et restriction. L’on peut spécifier des éléments non explicitement mentionnés, mais non restreindre ce qui a été explicitement non limité. En effet, d’une part, les versets que nous avons mentionnés n’indiquaient effectivement aucune limitation et, d’autre part, nous trouvons confirmation en un autre passage du fait que le Coran n’envisage pas que puisse être considéré un système de limitation, même théorique, en matière d’attribution de la wasyya.

وَالَّذِينَ يُتَوَفَّوْنَ مِنْكُمْ وَيَذَرُونَ أَزْوَاجًا وَصِيَّةً لِأَزْوَاجِهِمْ مَتَاعًا إِلَى الْحَوْلِ غَيْرَ إِخْرَاجٍ فَإِنْ خَرَجْنَ فَلَا جُنَاحَ عَلَيْكُمْ فِي مَا فَعَلْنَ فِي أَنْفُسِهِنَّ مِنْ مَعْرُوفٍ وَاللَّهُ عَزِيزٌ حَكِيمٌ (240)  

“ Ceux d’entre vous dont la fin est proche et qui laisseraient des épouses, alors qu’ils fassent un legs testamentaire [wasyya] en faveur de leurs conjointes : de quoi subvenir une année, sans expulsion…” S2.V240.

– Chronologiquement, ce verset fait partie du groupe relatif à la wasyya dont il constitue un cas appliqué. Concrètement, lorsque le défunt n’est pas très riche il peut arriver régulièrement que cette provision de un an dépasse largement le tiers des biens, il n’est donc pas possible d’instituer un plafonnement de la wasyya. Ce constat coranique s’oppose directement et clairement à ce que soutient le hadîth ci-dessus évoqué. Il n’est donc pas cohérent d’admettre que ce propos ait pu être prononcé par le Prophète, le hadîth fût-il techniquement authentifié, sahîh. D8.

Notons qu’une telle mesure vise à assurer une vie décente à la veuve, c’est dire aussi qu’il faille lui laisser une autonomie financière. Dans le contexte de vie et de survie de l’époque cela signifiait lui permettre de ne point être dans l’obligation de se remarier par nécessité. Il s’agit bien d’un legs sans notion de part ou de quotité. La veuve est ici bénéficiaire hors des cas prévus en sus par l’héritage.[5]

– L’objectif de l’exégèse juridique étant de mettre en avant uniquement l’héritage par quotes-parts au détriment de la prescription coranique de la wasyya, il fut décidé d’élimer ce verset des tablettes et par là même de légitimer rétrospectivement la fausse preuve prophétique de limitation au tiers des biens pour la wasyya, deux précautions valent mieux qu’une. Il fut donc déclaré par certains que ce verset était abrogé en vertu de S2.V234 qui fixe le délai de vacuité des veuves à quatre mois et dix jours ! Bien qu’il n’y ait pas vraiment de rapport entre les deux textes de ces versets, l’on sent poindre l’argument : si une veuve peut être épousée après un délai de quatre mois et dix jours, alors pourquoi lui donner un an de vivres ?! On appréciera le réalisme pragmatique… D9.

• Par ailleurs, nous pouvons lire deux versets révélés postérieurement aux précédents :

لِلرِّجَالِ نَصِيبٌ مِمَّا تَرَكَ الْوَالِدَانِ وَالْأَقْرَبُونَ وَلِلنِّسَاءِ نَصِيبٌ مِمَّا تَرَكَ الْوَالِدَانِ وَالْأَقْرَبُونَ مِمَّا قَلَّ مِنْهُ أَوْ كَثُرَ نَصِيبًا مَفْرُوضًا (7) وَإِذَا حَضَرَ الْقِسْمَةَ أُولُو الْقُرْبَى وَالْيَتَامَى وَالْمَسَاكِينُ فَارْزُقُوهُمْ مِنْهُ وَقُولُوا لَهُمْ قَوْلًا مَعْرُوفًا

“ Aux hommes une part [nasîbun] de ce qu’auront laissé père et mère et les plus proches. Aux femmes une part de qu’auront laissé père et mère et les plus proches [al aqrabûn]. De cela, peu ou beaucoup, une part déterminée [mafrûdan]. Et lorsqu’assistent au partage les proches [ûlû-l-qurbâ], les orphelins et les nécessiteux, prélevez-en pour eux et tenez leur propos convenable.” S4.V7-8. 

– Une difficulté : comment déterminer le sujet traité en ces deux versets ? Dans le contexte court (nous sommes au début de S4), trois hypothèses sont envisageables :

1. Il s’agit de la restitution et de la distribution de leurs biens aux orphelins, thème principal depuis le début de la sourate, restitution stipulée au verset 6 et dont il sera encore question au verset 10.

2. Il s’agit d’une allusion aux parts de l’héritage, héritage qui sera abordé en détail aux versets 11-12.

3. Il s’agit d’un rappel concernant l’obligation de legs testamentaire, la wasyya.

– Hypothèse 1 : Dans le contexte littéral immédiat, il serait théoriquement possible que ce verset soit relatif à ce problème, mais l’expression « de cela peu ou beaucoup  » élime cette probabilité, les biens de l’orphelin doivent lui être remis en totalité.

– Hypothèse 2 : Le très concis segment « de cela peu ou beaucoup  », « mimmâ qalla minhu aw kathur  » nécessite d’être bien compris. En ce verset, pour minhu, de lui, le pronom lui peut représenter en théorie soit « la part », nasîbun, masculin en arabe, soit ce qui « a été laissé  ». Mais, syntaxiquement, ce segment est obligatoirement rattaché à ce qui le précède et se lit littéralement ainsi : une part […] de ce qui est un peu de lui ou beaucoup. C’est donc, puisqu’il ne peut y avoir en ce cas de répétition légitime, que « de lui » représente l’autre élément, ce qui a été laissé, le bien du défunt. La traduction française impose toutefois de ne pas retraduire le segment « de lui », mais par « de cela peu ou beaucoup  » l’on doit comprendre : attribuez une part des biens du défunt, peu ou beaucoup, c.à.d. comme vous le désirez. Ceci étant posé, il ne peut s’agir ici de l’héritage dont les parts sont a priori des quotes-parts établies au prorata et non réductibles ou augmentables.[6] Par conséquent, ce verset ne traite pas de l’héritage.[7]

– Hypothèse 3 : Il est donc dit que devra être légué un peu ou beaucoup des biens que l’on possède, librement, ceci correspond bien au cas de la wasyya.[8] Pareillement, les mêmes termes supposent qu’il n’y ait pas de limitation quantitative et qu’ainsi une personne puisse léguer la totalité de ses biens.

– L’expression « une part déterminée » indique que les parts léguées doivent être précisément déterminées par le testament. Il est incorrect de traduire cette expression par « part obligatoire  », traduction qui induit une fâcheuse confusion d’avec le principe régissant l’héritage. Le terme mafrûdan, que l’on assimile plus ou moins inconsciemment, ou plus ou moins consciemment, au mot fard, obligation divine, de même racine, signifie étymologiquement déterminé. La collusion est entretenue par le vocabulaire juridique qui désigna ces parts fixes de l’héritage, les quotes-parts, par le pluriel farâ’id. D10.

De même, ce n’est que l’usage juridique post-coranique qui a limité la signification de mafrûdan à ce domaine technique avec les sens de : assigné, prescrit, obligatoire. D11.

Néanmoins, l’on retrouve l’expression nasîban mafrûdan une seule autre fois en le Coran, toujours en S4, au verset 118, où Satan dit : « Je saisirais parmi Tes serviteurs une part déterminée [nasîban mafrûdan] » sens incontournable qui confirme notre analyse.[9]

– Ce verset confirme donc qu’il n’y a pas dans la wasyya de quotes-parts, répartition au prorata, mais que les parts sont en fonction de la volonté du testateur. Notons qu’énoncer « aux hommes une part  » et « aux femmes une part », pourrait sembler s’opposer à ce qui va être formulé trois versets après au sujet de l’héritage et de la dissymétrie des parts entre les hommes et les femmes. En réalité, ceci n’est pas contradictoire, le legs a ses règles, l’héritage les siennes, ce n’est que l’équivoque entretenue entre ces deux principes coraniques qui génère cette pseudo situation. Par ailleurs, la symétrie textuelle dans le rapport homme/femme pourrait laisser entendre, sans que cela soit malgré tout explicitement exprimé, que dans le cas de la wasyya les parts devraient être égales. Tout du moins, littéralement elles pourraient l’être et rien de même ne l’interdit, ce qui est tout à fait conforme à l’esprit général du Coran en matière d’égalité.

Au final : Le Coran donne une grande importance à la wasyya [S2.V180-183 ; S2.V240 ; S4.V7-8]. Il s’agit d’une obligation de legs par testament, oral ou écrit, fait de son vivant et devant témoins. Ces legs bénéficient expressément à la veuve, au père et à la mère du défunt s’ils sont encore de ce monde ainsi qu’aux enfants ou autres membres proches de la famille. Il n’est ici établi aucune distinction entre les hommes ou les femmes et la répartition des biens est libre, sans quotes-parts. Enfin, le Coran autorise à répartir selon ce principe la totalité de ses biens.

II LA DONATION

– Le don ou sadaqa est bien évidemment éminemment recommandé dans le Coran, mais ici nous entendons plus particulièrement le don fait dans les perspectives du décès, ‘atyya, donation, dit aussi hiba. Cette mesure concerne des bénéficiaires qui ne sont pas membres de la famille, et nous avons déjà cité : “ Et lorsqu’assistent au partage les proches, les orphelins et les nécessiteux, prélevez-en pour eux et tenez-leur propos convenable.” S4.V7-8. Nous ajouterons : “ A chacun, Nous avons désigné des ayants droits[10] sur ce qu’ont laissé père et mère et proches parents, ainsi qu’à ceux liés par vos contrats, donnez-leur donc leur part. Certes, Dieu de toutes choses est témoin !” S4.V33. Voir aussi : S8.V75 ; S33.V6.

 – Nous notons que l’ensemble des versets relatifs à la donation cité ci-dessus est postérieur aux versets concernant la wasyya, legs testamentaire. Cette nouvelle incitation à une répartition hors liens du sang des biens visent donc à prolonger et à élargir encore plus le champ d’application du legs testamentaire. L’objectif du Coran semble bien être de dépasser la notion même de transmission familiale afin d’établir une réelle répartition des richesses, une solidarité vraie entre les membres de la société.

CONCLUSION

Notre étude littérale des versets relatifs à la wasyya, ou legs testamentaire, a mis en évidence trois faits essentiels :

– Premièrement, il s’agit chronologiquement de la première disposition prise par le Coran.

– Deuxièmement, cette prescription par testament, oral ou écrit, a un caractère d’obligation.

– Troisièmement, le testateur peut répartir librement ses biens qu’il s’agisse de les léguer à des hommes ou des femmes.

Il est loisible de constater que ces mesures sont aussi sages que libérales et qu’elles ne contreviennent ou ne contredisent en rien le principe d’égalité coranique entre les hommes et les femmes tel que nous l’avons précédemment mis en exergue.[11]

Ceci étant, il est pareillement aisé d’observer que ces quelques versets ont subi de très nombreux assauts exégétiques afin d’être, soit purement effacés par abrogation ex cathedra, soit minorés en leur application s’agissant des ayants droits ou du montant ainsi légué, soit réduits à un rôle secondaire en regard de l’héritage. Nous avons pointé au long de notre analyse ces tentatives de détournement de D1 à D11. L’on aura de même remarqué que l’écart entre l’analyse littérale et la subjectivité juridico-interprétative de l’exégèse classique est très important ; par les jeux d’artifices qui leur sont propres, les exégètes parviennent parfois à créer et édicter un sens à contre Coran. Il en sera de même pour le volet à suivre consacré à l’héritage selon le Coran.

Cet exemple aura mis en évidence un des processus d’élaboration de l’islam historique, ici sous l’aspect du Droit musulman à partir d’une pression exégétique constante. Le prochain article, consacré à la notion d’héritage dans le Coran montrera comment ce même Droit, fiqh, aura réussi à imposer prioritairement le principe pourtant secondaire de l’héritage, warth, tout en marginalisant le legs testamentaire ou wasyya pourtant obligatoire et premier. Ce faisant, ce Droit a prétendument au nom du Coran inscrit en l’islam historique le principe juridique d’iniquité : un homme vaut deux femmes ou une femme vaut la moitié d’un homme. Fiction exégétique dictée à la réalité textuelle coranique, mais qui informe encore puissamment les mentalités des musulmans.

Enfin, en toute modestie, sans aucune prétention à dicter, notre unique objectif au travers de la lecture littérale du Coran objectivement menée sera de fonder à l’origine, le Texte, et pour qui le désire, une relecture du musulman lui-même, une “réforme” de ses mentalités.


 

[1] Cf. Égalité des hommes & des femmes, volets 1 ; 2 ; 3. Les deux articles consacrés à « L’héritage dans le Coran », répondent à la deuxième des 15 objections listées en « Égalité des hommes et des femmes 1 ». Ces questions sont autant de points régulièrement soulevés et supposés montrer la contradiction entre le principe d’égalité plénière entre les hommes et les femmes énoncé a priori dans le Coran et une série de mesures ou édictions coraniques prétendument discriminatives à l’égard des femmes.

[2] Cf. S2.V180-182 ; S2.V240 ; S4.V7-8 ; S4.V11-14 ; S4.V19 ; S4.V33 ; S4.V176 ; S5.V106-108 ; S8.V75 ; S33.V6.

[3] Ceci justifie à mon sens l’expression coranique kutiba ; dans les trois passages consécutifs précédemment cités, la notion de piété y est explicitement mentionnée en tant que moteur de la mise en œuvre. Une confirmation définitive nécessiterait une étude systématique de l’ensemble de ces occurrences dans le Coran.

[4] Cf. notamment : « Point de contrainte en religion – Réfutation de l’abrogation ; Un colosse aux pieds d’argile.  »

[5] Ceci correspond au douaire de l’ancien usage français.

[6] Les traductions du type : « que ce soit peu ou beaucoup » sont incorrectes et égarent le sens en laissant à penser que cela pourrait désigner le montant des quotes-parts de l’héritage qui, effectivement, peuvent être plus ou moins importantes.

[7] De plus, au verset 8 il est dit : « Et lorsqu’assistent au partage les proches… » L’emploi du mot partage, qisma, ne plaide pas ici en faveur de l’héritage qui est une répartition selon l’ordre indiqué par le Coran, mais correspond bien dans les faits à la wasyya.

[8] L’on notera la mention des père et mère, al wâlidayn, et de al aqrabûn, les plus proches. Ces termes sont identiques à ceux des versets précédemment cités au sujet de la wasyya alors même que ces deux mots sont absents des versets traitant de l’héritage. Au passage, ceci illustre la grande précision sémantique et terminologique du Coran.

[9] Pour un même traducteur, la comparaison de la traduction concernant ces deux versets met le plus souvent en évidence des choix différents.

[10] La traduction diffusée par l’Arabie Saoudite, et d’autres, traduisent mawâlî par héritiers. Cet abus de sens a comme pour objectif de resserrer la focale sur l’héritage. C’est ainsi par « (re) touches » successives que l’on parvient à inscrire l’héritage à parts déterminées comme prioritaire au détriment du Coran qui quant à lui privilégie la wasyya. Ceci permit l’inscription et le maintien dans l’islam de la ségrégation entre hommes et femmes, point de fixation et axe de construction du juridisme classique comme antique obsession du néo-wahhabisme.

[11] Cf. note1.

Source : http://oumma.com/L-heritage-dans-le-Coran-Loi

 

موطنان

 

موطنان ابكِ فيهما ولاحرج : طاعة فاتتك بعد أن واتتك ومعصية دهمتك بعد أن تركتك

وموطنان افرح فيهما ولا حرج : معروف هُديت إليه، وخير دللت عليه

وموطنان أكثر من الاعتبار فيهما : قوي ظالم قصمه الله، وعالم فاجر فضحه الله

وموطنان لا تطل من الوقوف عندهما : ذنب مع الله مضى، وإحسان إلى الناس سلف

موطنان لا تندم فيهما : موت الأعداء وضلال المهتدين

وموطنان لا تترك الخشوع فيهما : تشييع الموتى وشهود الكوارث

وموطنان لا تقصر في البذل فيهما : حماية صحتك، وصيانة مروءتك

وموطنان لا تخجل من البخل فيهما : الإنفاق في معصية الله، وبذل المال فيما لا حاجة إليه

وموطنان انسَ فيهما نفسك : وقوفك بين يدي الله، ونجدتك من يستغيث بك

موطنان لا تتكبر فيهما : حين تؤدي الواجب، وحين تجالس المتواضع

وموطنان لا تتواضع فيهما : حين تلقى عدوك، وحين تجالس المتكبر

وموطنان أكثر منهما ما استطعت : طلب العلم وفعل المكرمات

وموطنان أقلل منهما ما قدرت : تخمة الطعام ولهو العاطلين

وموطنان ادخرهما لتغير الأيام : صحتك، وشبابك

موطنان لا تجزع من مشهد البكاء فيهما : بكاء المرأة حين تتظلم، وبكاء المتهم حين يُقبض عليه

وموطنان لا يغرنك الضحك فيهما : ضحك الطاغية لك وضحك المحزون عندك

وموطن واحد لا تعلق قلبك فيه إلا باثنين : عمرك، لا تحب فيه إلا الله ورسوله

ووقت واحد لا تفعل فيه إلا شيئاً واحداً : ساعة الموت، لا ترج فيها إلا رحمة الله

د. مصطفى السباعي

Réformer le Coran ?! Vers la réforme coranique par Dr Al ’Ajamî

Le présent texte est le premier volet d’un triptyque consacré à une réflexion générale ayant pour thème le concept de réforme islamique. Il sera donc nécessaire de considérer chacun de ces trois documents en fonction de l’ensemble de ce projet conceptuel

• Peut-on réformer le Coran ?

Récemment, sur Oumma, un honnête homme s’inquiétait de ce que l’on veuille « réformer le Coran », et de citer alors l’éminent Malek Bennabi : « C’est l’homme musulman qu’il faut réformer et non pas le Coran. » Le message semble limpide et aussi indiscutable qu’un postulat : le problème n’est pas la Révélation, le Coran, mais le comportement des musulmans. Peut-être nous faudrait-il comprendre là que le Coran, le Livre, n’aurait de sens et de valeur que de par les hommes qui le lisent puisque l’agir ou le propos d’un musulman repose toujours pour partie sur une lecture du Coran. Nous le savons, un autre regard, un autre cœur, perçoit du Coran un autre discours ; qui la paix et qui la guerre, qui l’amour et qui la haine. Par suite, si le Coran est un texte intangible, mais sa lecture éminemment labile, sujette au changement du temps, à la volonté comme à l’usure des hommes, le Coran s’en trouverait de facto en permanence réformé. Ainsi, à le dire vrai, « réformer le Coran » est une locution vide de sens alors même que l’expression « réformer l’homme musulman » s’entend aisément.

Mais, au-delà de ces premières impressions, la question tout de même interpelle : Qu’est-ce donc que réformer le Coran ? Je ne le sais, le texte existe, il est connu, ses variantes aussi, il n’est donc pas possible de le re-former ni de le réformer, car réformer c’est, d’une manière ou d’une autre, ramener à la forme initiale. Ainsi, réformer le Coran supposerait stricto sensu que le Coran actuel ne soit pas le texte originel ! La réforme, quant à elle, est un changement en vue d’une amélioration et, aporie s’il en est, le Coran ne peut-être à l’évidence l’objet d’une réforme, d’un perfectionnement. Par contre, l’homme, par définition imparfait et perfectible, peut et doit être le lieu permanent d’une réforme. L’expression « musulman réformiste » ne peut donc qualifier que l’homme musulman réformant son être, ce qu’au demeurant le Coran indique en certaines acceptions du terme islâh, réforme vers le bien auquel tout croyant aspire. Par voie de conséquence, un musulman réformiste ne saurait être à même de vouloir réformer le Coran, mais bien plutôt de vouloir s’y conformer.

Or, se réformer est par définition chercher à revenir soi-même à une forme initiale, et peut-être nous fallait-il comprendre par cette apostrophe que le Coran est un seul et unique message vers lequel l’homme musulman doit sans cesse tendre, comme pour redresser le cap dévié par un phénomène obligatoire de dérive temporelle, intellectuelle, spirituelle.

Il n’y a donc pas de « réforme du Coran » à mener, mais, bel et bien, une réforme coranique, et cette réforme coranique recouvre deux sens :

1- Réformer notre lecture du Coran.

2- Réformer notre être par le Coran.

Ce dernier aspect sera envisagé au prochain article « L’islam est-il parfait ? »  ; il est essentiel en tant qu’application, et il sera le vecteur de la réforme de l’homme musulman, mais il ne peut faire l’économie préalable de la première proposition : réformer notre lecture du Coran.

• Fondamentalement, la question sera alors : lisons-nous le Coran ?

Il s’agit de nous interroger sur la pertinence des lectures, c’est-à-dire des compréhensions, que nous faisons du Coran, et ce, alors même que nos structures mentales, le fruit de notre éducation, s’opposent à ce que nous ayons un regard critique sur ces lectures du Coran. Nous ne disons point un regard critique sur le Coran, remettre en cause les lectures faites du Coran n’est pas remettre en cause le Coran, ne nous laissons pas égarer par ce leurre en forme de menace. Voilà une autre réforme, une réforme intérieure, une remise en cause de l’ensemble de nos certitudes, notre paradigme islam, afin de pouvoir questionner le Texte par les outils de la raison critique. Lire le Coran avec nos propres yeux et non au travers de grilles de lectures préfabriquées, véritables burqa de l’esprit, habillement traditionnel de nos pensées, lourd héritage de notre passé. En contre-point, il ne faudrait pas croire que les méthodologies actuelles soient les uniques clefs de décodage du texte coranique. Lire le Coran à l’aune de l’apport des Sciences Humaines est un credo porteur, mais l’on oublie de nous préciser que les Sciences humaines ne sont pas des sciences, mais qu’elles sont assujetties à l’homme, ses limites, ses intentions, son cœur, sa pureté. Si l’arbre dépend de ses racines, tout s’origine en le germe. Le Coran s’apprend et s’entend par le Coran, il impose que nous sachions innover et élaborer des outils qui lui soient spécifiques. Voilà bien une révolution, la révolution coranique… un printemps exégétique !

• La question véritable est donc bien : comprenons-nous le Coran ?

Si nous pensons que les anciens étaient, par quelque mystérieuse alchimie les plus aptes à cela, alors, effectivement, nous ne pouvons ni ne devons lire le Coran qu’en chaussant leurs lunettes. En quelque sorte, suivre une lecture historique restée en panne du mouvement de l’Histoire il y a sept siècles, quelque part entre Bagdad et Cordoue. Par ailleurs, nous l’avons souvent abordé, l’universalité et l’intemporalité sont deux postulats coraniques essentiels supposant que le Message du Coran soit capable de dépasser les marques du temps et du social, le culturel, les paradigmatiques. Parce que le Coran ne cesse d’être la Révélation de Dieu adressée aux hommes pour tous les temps et tous les lieux, alors nous pouvons et devons le lire avec notre regard, regard issu de notre vie, de notre temps et de notre culture.

• La question devient ainsi : avons-nous su lire le Coran ?

Le Coran repose sous la gangue d’une histoire sainte inlassablement ressassée et il nous faut à présent strate par strate apprendre à remonter le temps vers la Mère du Livre. Atteindre le texte à l’état brut, la révélation pure avant qu’elle ne soit prise en charge par les hommes, avant qu’ils ne l’aient précipitée dans l’Histoire et qu’elle devînt bien plus leurs paroles que Celle de Dieu. Il s’agit donc, tout simplement, de comprendre que le texte révélé ne nous est accessible qu’au travers d’une lecture mise en place par des siècles d’orthodoxie, ladite orthodoxie ayant d’ailleurs nécessité des siècles pour se constituer. Autrement dit, le texte révélé ne nous est compréhensible que par cet intermédiaire. Cela est si vrai que lorsqu’un non-musulman s’y aventure il est immanquablement dérouté par cet étrange livre. Ce que vous voyez s’y dérouler de l’histoire de l’Islam, du Prophète, des anciens prophètes, de la pratique, du fiqh, de la sharia, rien de tout cela ne lui apparaît, tout lui semble ou trop allusif ou trop obscur, à tout le moins sibyllin. Si donc le Coran nous parle, c’est que nous avons appris à l’entendre et ce sont bien nos acquis qui nous fournissent le sens du Coran et non le Coran qui nous fournit du sens. Nous ne lisons pas le Coran, nous le disons.

• La question est alors : comment lire le Coran ?

Il est bien évidemment insuffisant, si ce n’est insignifiant, de proclamer, comme nous l’avons fait, qu’il faille lire le Coran avec nos yeux, notre regard d’homme et de femme actuels. En cette propédeutique s’affrontent les tenants d’une vérité éternelle détenue par les doctes et ceux qui s’en réclament et les modernistes herméneutes prêchant pour l’interprétation et la multiplication infinie des sens. Si les premiers rament à pieds secs, les seconds se noient en leurs mers intérieures. D’autres constatent l’impossible écart entre un document contemporain d’une époque aux mœurs particulières et l’évolution des mentalités actuelles et s’affairent au chevet du malade à prescrire des remèdes plus ou moins drastiques. D’autres encore, à la recherche du « moment coranique » diluent au final le texte dans l’Histoire. Le blasphème serait bien de prétendre lire le Coran pour nous-mêmes, lui donner le sens que nous sentons ou présentons ou souhaitons, une lecture subjective tout au service de notre « nous », un autre « moi ». Lire le Coran par soi-même n’est pas le lire pour nous-mêmes !

• La question pourrait être : le Coran a-t-il du sens ?

Les adeptes de l’École des sciences humaines soutiennent en réalité que tout texte est un non-sens en soi puisque par définition il est structurellement un lieu d’interprétation, de sens infinis. La science de l’homme s’en trouve magnifiée et la Science de Dieu disqualifiée ! S’il n’est pas possible à partir d’un texte, de mots, d’une structure sémantique, de décoder un sens et un seul , alors, d’une part, vous n’êtes pas en mesure de comprendre ce que je suis en train de vous dire et, d’autre part, le Coran est une entreprise vouée à l’échec. Mais à quoi donc nous servirait le Coran si nous ne pouvions en connaitre le contenu ? A quoi sert la Révélation ? Saurions-nous adeptes du « Moi » au point que nous pensions nous dispenser de la Révélation pour savoir et comprendre le sens de nos vies ?! Je confesse, en pleine modestie, que sans guidée il n’y a pas de chemin droit possible, seulement des tentatives. Il y a une philosophie latente en Occident qui infiltre les esprits et les cœurs, elle place l’homme au centre du discours et de la connaissance, un remplacement de Dieu par le soi personnel. Si nous ni prenons garde et maintenons le Coran dans le non-sens il ne deviendra qu’un objet rituel, quelques rêveuses calligraphies ; un livre mort, une parole morte, un Message mort.

• La question est donc : quel est le sens du Coran ?

Mais qui donc pourrait oser prétendre ce que dit vraiment le Coran ?! La post-modernité est déconstructiviste, et la recherche du sens ou, pire encore, du vrai sens, serait une utopie pour esprits simples ou dérangés. Autrement dit, il serait impossible de rompre le cercle hermétique et tout texte nous échapperait à jamais en une cascade infinie d’interprétations. Voilà bien une fantasmatique affirmation issue des sciences humaines et sociales dont l’objectif premier est de disqualifier tout ce que ces « sciences » ne sont pas capables de cerner. Curieusement, seuls les postulats et paradigmes de ces disciplines seraient par eux-mêmes explicites et auraient un sens non interprétable, voire seraient vérités intangibles. A l’ombre des discours actuels, vous pouvez choisir la voie de l’interprétation et sublimer le Coran, et votre intelligence, en proclamant ce texte porteur d’une infinité de sens. Le Coran devient ainsi le reflet des pensées des hommes, effectivement un océan, mais en lequel nous nous noyons. Au concret, vous disposez en fait d’un Coran qui n’a aucun sens.

Vous pouvez aussi lire le sens unique imposé par les résumés de l’histoire exégétique, auquel cas il faudra que vous régliez votre horloge personnelle quelques siècles en arrière, vous pourrez progresser à reculons, c’est subjectivement confortable. Vous pouvez enfin admettre, ou comprendre, que le Coran est un Message délivré qui pour être entendu exige une grande disponibilité d’écoute. Face au Coran, il est ainsi vain d’être passéiste ou moderne, il nous faudra simplement être présents, nus, natifs, sans connaissance, à l’écoute. En cette instantanéité, le Coran sera en permanence en avance sur nous, ce sont nos conceptions qui sont anachroniques. Chaque fois que nous sommes à même d’entendre son discours réel, le Message, il dépasse ce que nous sommes capables de saisir ou de vivre de notre réalité, un unique sens n’est pas un sens unique. Ceci explique que toute tentative moderniste d’interprétation du Coran, comme toute volonté de lecture rétrograde, est irrémédiablement un non-sens, une perte sèche de la signification du Message coranique. Sans présent, le Coran n’a pas d’avenir !

• La question est ainsi : le Coran a-t-il un seul sens ?

J’ai déjà montré que les lectures de S3.7 n’étaient qu’une entreprise rétroactive visant à justifier les divergences d’opinions des exégètes sous couvert d’une prétendue multiplicité ou équivocité de sens du Coran. Clou de ce numéro de prestidigitation exégétique, seul Dieu connaitrait le sens de son propos ! Or, le Coran postule à de nombreuses reprises de son explicité et de sa non-ambiguïté, de son univocité. Univocité essentielle à l’intelligence de la Révélation, et nous devons considérer en saine logique que Dieu a délivré un message et pas mille, alors, et seulement en ce cas, nous nous mettrons en quête du sens. J’avoue que ce n’est pas le choix le plus facile. La profession de foi nous enseigne que Dieu est unique et que Muhammad est Son Messager. Le Coran délivre du Dieu unique un Message unique. Le mot Message avec une majuscule est pertinent, nous le devons probablement à Muhammad Asad. Il suppose l’existence coranique d’un unique sens dont l’essence est universelle et intemporelle. Il indique aussi que les projections de l’Histoire sont des accidents qui ne doivent pas nécessairement être pris en compte, la lecture doit chercher sens au véritable instant de révélation. Ce sens présent n’existe que dans le texte et il est le Message qu’il délivre. Ce Message ne peut s’obtenir que par une analyse littérale minutieuse, technique de lecture dont les prémices sont le dépouillement absolu de notre être, l’abandon de nos certitudes et de nos présumées connaissances, le point zéro des préjugés et des prérequis. On l’aura compris, il n’est pas présentement de mon sujet de discuter de la méthodologie proprement dite – je l’ai présentée partiellement en d’autres articles comme je l’ai illustrée au concret à chaque verset analysé littéralement –, mais de préciser les conditions qui y président, conditions théoriques et conditions pratiques.

• La dernière question sera : qui connaît le sens du Coran ?

Quelle inconnaissance dans les certitudes et quelle folie quand la foi rejette la raison ! Quel orgueil y aurait-il à chercher le sens ? Mais quelle prétention que de dire le sens ! Quel silence au delà du mur des évidences ! Quelle inconscience que de vouloir unir ce qui désuni ! Que de fois le Coran nous rappelle que Dieu a bien adressé un Message aux hommes, mais qu’ils ont divergé quand leur furent parvenu les preuves, les éléments de ce discours, les Signes ou âyât de Dieu. Avons-nous fait autrement ? ! A l’aube du dernier Jour ne serait-il point temps que nous apprenions à lire le Coran à sa juste lettre. Que nous ne ressassions plus ce que nous avons dit que le Coran dit. Face au Coran, dire : « Je pense » ne suffit pas à la raison. Dire « Je sais » n’est qu’ignorance. Dire « Je crois » insulte la foi et la raison.

Mais, dire « Je cherche » est la clef de l’esprit et du cœur. Soyons donc des chercheurs du sens ; que le Coran nous invite à la fête du sens, que nous puissions recevoir la lumière du Message, que nous cessions de l’obscurcir par nos suffisances et insuffisances, que s’ouvrent nos esprits et nos cœurs au chemin de droiture. Cet à cet effort que le Coran nous appelle, la quête du sens.

Ne connaitra donc le sens du Coran que le chercheur. Le savant, lui, sait, il ne cherche pas. Le chercheur, lui, lit et écoute le Coran lui parler, lui délivrer son message, des mots, des phrases, du sens. Soyons donc tous des chercheurs, car si la Vérité a été donnée il y a maintenant 1400 ans à une seule personne, l’ultime Messager, la mettre à jour dans le texte transmis ne pourra être l’œuvre que de tous. Hommes et femmes d’esprit et de cœur, amoureux du Coran et de Dieu et non d’eux-mêmes. Hommes et femmes dont la seule certitude et de ne point en avoir. Hommes et femmes de modestie et d’ouverture. Hommes et femmes de foi et de raison, lumière sur lumière. Seules l’énergie et la bonne volonté de tous permettront d’accomplir cette révolution, la réforme coranique.

Dr Al Ajamî

Source : oumma.com

 

La décapitation arme fatale au royaume wahhabite

 

La famille de Ruyati décapitée en Arabie Saoudite montre sa photoLe 18 juin 2011, en Arabie Saoudite, une domestique indonésienne,  Ruyati binti Sapubi , âgée de 54 ans, a été décapitée publiquement d’un coup de sabre. Une exécution spectacle où le corps sans tête a parcouru la ville suspendu à un hélicoptère[1].

 

Quel qu’en soient les motifs, quel qu’en soit le crime  qu’ a pu commettre cette femme, quel qu’en soient les charges retenues contre elle, rien ne justifie cette décapitation barbare, rien, en Islam ou dans le droit musulman, ne peut cautionner ce spectacle de l’horreur.

 

La version officielle de l’autorité saoudienne est que cette domestique a été condamnée à mort puis décapitée pour avoir tué sa patronne qui, selon elle, la maltraitait et l’empêchait de rentrer dans son pays. Cette histoire effroyable a provoqué une profonde émotion en Indonésie et Jakarta avait annoncé  que les Indonésiens ne seraient plus autorisés à s’exiler pour travailler comme domestique en Arabie Saoudite, tant que leurs dignités et leurs droits ne seraient pas respectés.

 

Désormais,  les maltraitances, les formes extrêmes d’exploitation et les pratiques esclavagistes que le royaume wahhabite réserve à ses travailleurs migrants, se sont multipliées ces dernières années. C’est ainsi qu’une femme a été battue et brûlée au fer à repasser, une autre torturée avec des clous, sans compter les cas de viols, les violences physiques et sexuelles, les conditions de vie et de travail contraires à la dignité, le non respect des droits fondamentaux… L’Arabie Saoudite est un cauchemar pour les travailleurs immigrés et un déni de l’humanisme et de la justice de l’islam.

 

Outre les salaires très bas et les longues journées de travail, il faut savoir que ces travailleurs étrangers ne peuvent pas quitter le pays sans autorisation de leur employeur. Souvent, leurs passeports sont confisqués par leurs patrons. Ils sont à la merci de leurs employeurs qui les exploitent de manières abusives. Mais, la condition des femmes reste la pire. Pour elles s’ajoutent les viols à répétition ou les harcèlements sexuels. Une situation dénoncée depuis des années par l’organisation américaine Human Rights Watch (HRW) dans ses rapports « As if I Am Not Human : Abuses against Domestic Workers in Saudi Arabia » (« Comme si je n’étais pas un être humain : Abus contre des travailleurs domestiques asiatiques en Arabie Saoudite »).

 

Centre Malcolm X


 

 

Le mois de Chaâbane préambule au mois du Ramadan

« Seigneur Dieu! Fais que les mois de Rajab et de Chaâbane soient bénis pour nous et fais en sorte que nous atteignons le mois du Ramadan et que nous puissions profiter au maximum de ses bienfaits »[1].

Dans la vie du fidèle, il y a des moments, des périodes et des endroits où l’accomplissement de bonnes œuvres est plus opportun, a plus de mérite et plus agréable à Dieu. Le mois de Chaâbane fait partie de ces moments propices pour fortifier sa foi et se rapprocher de Dieu.   

Le compagnon Oussama ibn Zaïd raconte : « Le Messager de Dieu (PSL[2]) jeûnait certains jours d’affilés à tel point que nous pensions qu’il ne s’arrêtait jamais. Et il mangeait certains jours d’affilés à tel point qu’il ne jeûnait plus si ce n’est deux jours par semaine. Il les consacrait séparément au jeûne en dehors des périodes où il jeûnait. Il n’y a pas un mois où il se consacrait le plus au jeûne que pendant le mois de Chaâbane.  

Je lui posais la question à ce sujet : Cher Messager de Dieu! Tu te consacres au jeûne à tel point que tu ne le romps pratiquement plus. Et tu interromps le jeûne à tel point que tu ne t’y consacres presque plus, si ce n’est deux jours  par semaine. (…) En effet, le lundi et le jeudi,  les œuvres sont exposées au Seigneur de l’univers, et j’aime être en état de jeûne lorsque mes œuvres Lui sont exposées…  Je ne te vois pas autant jeûner les autres mois que pendant celui de Chaâbane. Il m’ répondu : C’est un mois  qui se trouve entre Rajab et Ramadan que beaucoup de gens négligent. Un mois durant lequel les actes sont présentés à Dieu, et je veille à ce que mes actes soient présentés à Dieu alors que je suis en état en jeûne »[3].

Ce hadith nous informe au sujet de l’importance du jeûne chez le Prophète (PSL) durant l’année et plus particulièrement pendant le mois de Chaâbane.  Mais, le seul mois que le Prophète (PSL) jeûnait en totalité est le mois du Ramadan. Le jeûne du mois de Chaâbane est un stage de préparation pour mieux accueillir le mois du repentir, de l’introspection et de la méditation. C’est un bon entraînement pour préparer son organisme et son esprit afin de vivre pleinement le mois du Coran, de la Miséricorde, de la fraternité et de l’amour en Dieu.

D’après Anas Ibn Malek : « Quand les compagnons du Prophète (PSL) apercevaient le croissant du mois de Chaâbane, ils se penchaient sur la lecture du Coran. Les musulmans s’acquittaient de leur Zakat (l’aumône légale) pour que les pauvres et les nécessiteux puissent jeûner le mois du Ramadan dans de bonnes conditions. Les commerçants  mettaient à jour la gestion de leur commerce. Et aussitôt qu’ils voyaient le croissant de lune du mois de Ramadan, ils se purifiaient et redoublaient d’efforts en terme d’adoration, de bonté et de générosité ».

C’est ainsi que les compagnons du Prophète (PSL) déployaient les efforts nécessaires pendant le mois de Chaâbane et s’appliquaient sincèrement afin de mieux accueillir le mois du Ramadan. Pour nous, dans notre contexte et au milieu de nos diverses préoccupations, comment profiter du mois de Chaâbane  et préparer au mieux la venue du mois béni du Ramadan.

Quelques éléments de réponse :

  • Demander à Dieu sincèrement de nous permettre de profiter de ces instants bénis afin que nous puissions goûter à la douceur de Sa présence et de Sa proximité.

  • Se réconcilier avec Dieu et se repentir sincèrement de l’ensemble de nos  maladresses.

  • Jeûner, dans la mesure du possible, surtout la première moitié du mois de Chaâbane, en veillant particulièrement à ne pas rater les lundis et jeudis.

  • Se pencher sur la lecture du Coran, le méditer et le goûter.

  • Donner, aider et soutenir. Parmi les gages de véracité, le don est le plus concret et le plus quotidien.

  • Persévérer et s’appliquer dans l’accomplissement de  nos prières.

  • Être présent Dieu, se souvenir de Lui et Le mentionner inlassablement (dhikr).

  • Implorer le pardon de Dieu pour nos fautes, nos manquements et nos négligences.

  • S’habituer à accomplir la prière nocturne, notamment le dernier tiers de la nuit. En effet, la prière la plus agréable à Dieu après la prière obligatoire et celle effectuée au cours de la nuit.

  • Avoir la résolution sincère de corriger sa manière d’être et d’agir, de mieux se comporter et de réaliser une mutation éthique.

  • Avoir bon cœur. Un cœur habité par l’amour de Dieu et de Son Messager n’en veut à personne. Supporter les coups durs, préserver les liens d’amour et de compassion et pardonner à ceux qui nous ont fait du tort. 

  • Enfin, avoir bonne intention et être sincère. Le fidèle connaît l’importance de l’intention, et sait qu’elle est le secret, le fondement et la quintessence de toute acte d’adoration.

Durant cette période bénie,  chaque fidèle soucieux de sa complétude morale et de son accomplissement spirituel, doit faire tout son possible pour s’attirer la Miséricorde de Dieu, et ce, en répondant l’amour, la paix, le bien et en multipliant les œuvres pieuses. Sans oublier, bien entendu, d’être généreux et de partager avec ceux qui sont dans le besoin. Que nos bonnes actions ne soient rien d’autre que la conséquence immédiate de notre amour pour Dieu, pour Son Messager (PSL) et pour les êtres.


[1] Rapporté par Ahmed et An-Nassaî.

[2] PSL : paix et salut de Dieu sur lui.

[3] Rapporté par l’Imam Ahmed, An-Nassaî et Abou Daoud.