Archives mensuelles : mai 2018

Mettre sa foi à l’épreuve

Le compagnon Abou Darada’ (DAS) disait : « Le fidèle avisé doit examiner et entretenir sa foi de manière régulière, savoir si sa foi augmente ou diminue et sentir les tentations d’où elles viennent les appréhender et les repousser ».

Il est souvent utile de faire le bilan de notre foi et de notre engagement envers Dieu. Comment tester sa foi ? Comment savoir si notre augmente ou diminue ? Quels sont les indicateurs qui nous permettent d’entretenir et de gérer notre foi efficacement.

Khaythama ibn Abd-Rahaman a dit : « La foi se consolide, progresse et donne une bonne et abondante moisson dans une terre fertile, mais s’affaiblit et périt dans une terre aride. La  fertilité et la progression sont favorisés par l’accomplissement de bonnes œuvres et la faiblesse de la foi est favorisé par les péchés ».

Notre foi peut être en effet testée, évaluée lorsqu’elle sera mise à l’épreuve, lorsqu’elle saura réagir dans les situations suivantes :

 1er  test de la foi : face aux choses douteuses :

Dans le hadith authentique : «  Le licite est clair, l’illicite est clair et entre les deux il y a des choses qui peuvent prêter au doute. Celui ou celle qui se garde des choses douteuses saura préserver sa foi et son intégrité. En revanche, celui ou celle qui n’est pas vigilent, tombera incontestablement dans le haram … »[1]

Se garder des choses douteuses est un bon test pour notre foi, le fidèle qui saura résister et les repousser, sa foi se fortifie, se consolide et s’enracine davantage et celui qui les accepte sa foi s’affaiblit et finira par disparaître si aucun effort n’est fourni pour rectifier le tir.

2ème  test pour la foi : face aux péchés :

L’individu qui sombre dans les péchés et ne fournit pas les efforts nécessaires pour se repentir, se corriger et changer de comportements, oublie Dieu, oublie Sa rencontre ultime et par conséquent sa foi diminue.

Le Prophète (PSDL) a dit : « Les séducteurs assaillent successivement les cœurs comme les fils du paillasson, les uns après les autres. Chaque cœur qui les absorbe, sera tâché de tâches noires et chaque cœur qui les rejette, sera tâché de tâches blanches jusqu’à ce que les cœurs deviennent de deux sortes : un cœur obscur qui ne connait aucun bien et ne rejette aucun mal car il ne réagit qu’à ses désirs, et un cœur blanc qu’aucune séduction n’atteindra préjudiciablement tant que les cieux et la terre persisteront ».[2]

 3ème  test pour la foi : face à l’épreuve :

Dieu dit : « Est-ce que les gens pensent qu’on affirmant : « Nous portons la foi ! » ils ne seront pas éprouvés ? » (S. 29 – V. 2).

Le Prophète (PSDL) a dit : «  L’individu sera éprouvé selon l’intensité de sa foi. Si foi est forte, l’épreuve sera à la hauteur de sa foi »[3].  Dans un autre hadith : «  La foi du fidèle ne cesse d’être façonnée par l’épreuve jusqu’à ce qu’il rencontre Dieu alors qu’il est absous de tout péché ».[4]

Dieu dit : « Dieu est le Protecteur de ceux qui ont la foi, Il les fait sortir des ténèbres, pour les guider vers la lumière »[5] c’est un grand privilège d’être destinataire de ce verset de sourate 2.

Demeure en permanence présent à Dieu, espère en Lui en tout ce que tu entreprends, arme-toi de patience devant l’épreuve et sollicite le soutien de Dieu pour tous les aléas de ta vie. Garde-toi des pièges de l’insouciance (al-ghafla), des douceurs séductrices et trompeuses de ta passion, des désirs fallacieux de ton égo : ton plus grand ennemi.

[1] Unanimement reconnu authentique rapporté selon An-No’mane ibn Bachîr (DAS).

[2]  Hadith authentique rapporté par Moslim selon Houdayfa ibn al Yaman,

[3] Rapporté par Tirmidhi et Ibn Maja selon Mosâab ibn Sâad (DAS). Sahih Tirmidhi.

[4] Tirmidhi selon Abou Hourayra (DAS).

[5] Coran : S. 2, V. 257.

Ramadan, le mois du Coran

coran, ramadan

« Le mois de Ramadan au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement »[1].

Le mois du ramadan est le mois du Coran par excellence. Le mois où le message coranique à été révélé au Prophète Mohammed (r). Un mois où Dieu nous donne l’occasion de se consacrer au Coran, le lire inlassablement, le méditer et le goûter. Les mosquées se remplissent de fidèles et les versets coraniques résonnent pour célébrer la descente du Coran en ce mois béni.

Le mois du Ramadan est  où la proximité avec Allah est consolidée par la lecture du Coran et la multiplication des adorations. Le Coran nous invite à méditer le sens, à prendre conscience de nos responsabilités et réaliser notre mutation éthique. C’est une invitation pour revenir à l’essentiel, pour un renouveau de notre foi et de notre engagement vis-à-vis de Dieu.

Il y a une relation particulière entre le mois du Ramadan et le Coran. Selon Abdallah ibn Omar (t), le Messager de Dieu (r) a dit : « Le jeûne et le Coran intercèdent en faveur du fidèle le jour de la résurrection, le jeûne dira : “ Seigneur ! Je l’ai privé de sa nourriture et de ses plaisirs le jour, accepte mon intercession en sa faveur ”, le Coran dira également : “ Je l’ai privé du sommeil durant la nuit, accepte mon intercession en sa faveur ”. C’est ainsi, qu’ils intercèderont auprès de Dieu »[2].

Le Prophète (r) de Dieu avait pour habitude de réviser tout le Coran avec l’ange Gabriel, une fois par an pendant le mois du Ramadan, et l’année de sa mort, ils l’ont révisé deux fois. Le Prophète (r) était, à la fois, le Messager et l’illustration parfaite du message. Sa vie, son œuvre et sa conduite incarnaient l’enseignement coranique.

Nos prédécesseurs accordaient une attention particulière au Coran pendant ce mois béni. Ils s’y consacraient entièrement. Le 3ème calife Othmâne Ibn Affan (t) terminait la lecture du Coran tout entier chaque nuit. Certains de nos prédécesseurs le finissaient toutes les trois nuits, d’autres en sept jours, d’autres toutes les dix nuits. L’Imam Ach-Chafi’î achevait la lecture du Coran, tout entier, soixante fois pendant le mois de Ramadan, en dehors des moments de la prière. Al-Aswad lisait le Coran, en totalité, toutes les deux nuits pendant le mois de Ramadan. L’Imam Malek réduisait les séances d’enseignement du hadith pour se consacrer à la lecture du Coran.

Lire le Coran en entier, en respectant les règles de récitation (At-Tajid), avec présence, humilité et méditation permet au fidèle d’adoucir son cœur, de comprendre le message,  de le goûter et d’appliquer ses commandements avec ferveur.

Dans un hadith Mawqouf[3] , Abdullah ibn Mass’oud (t) dit : « Ce Coran est le festin de Dieu , acceptez  l’invitation qui vous est faite de toutes vos forces. Le Coran est le moyen le plus efficace qui pourrait vous lier à Dieu, il est Sa lumière éclairante, il est la médecine bénéfique. Il est une sauvegarde pour qui s’y tient, il est le sauf-conduit pour qui s’y conforme. Il ne dévie pas, il est donc irréprochable. Il ne gauchit pas, il n’a donc  besoin d’être redressé. Ses secrets sont inépuisables. Il ne perd pas de sa nouveauté à force d’être lu et relu. Lisez-le, Dieu récompensera votre lecture. Chaque lettre lue compte pour une bonne action. Je ne dis pas que le vocable ALM est une lettre mais A est une lettre, L est une lettre, M est une lettre »[4].

Nous devons organiser notre temps pour développer notre intimité avec le Coran, le lire avec un cœur présent, le vivre et le goûter. Seigneur Dieu, Fais que le Noble Coran soit la lumière de nos cœurs, le guide de notre cheminement, l’apaisement de nos tristesses et le soulagement de nos soucis et de nos malheurs.

[1] Coran : S. 2, V. 185.

[2] Rapporté par Ahmed, Tabarani, Al Hakem et authentifié par Al-Albani.

[3] Le Hadith Mawqouf : C’est un hadith relaté d’après un compagnon mais qui ne remonte pas jusqu’au Prophète (r).

[4] Rapporté par Al Hakem et Tabarani.

Musulmans de France entre surveillance et diabolisation

Aujourd’hui en France et en Europe, l’islamophobie s’amplifie de manière alarmante. Chaque jour, nous avons droit à des propos et des agressions islamophobes, nombre de politiciens assument une islamophobie décomplexée. L’islam et les musulmans de France constituent, désormais, une prétendue menace implicite à l’unité de la nation à tel point que des gamins de huit ans ont été convoqués au commissariat pour apologie du terrorisme. Et avant  chaque  élection, les musulmans se retrouvent au cœur des crispations et des débats passionnels.

A chaque acte terroriste, à chaque prise d’otage, les musulmans de France sont sommés de se justifier, ou encore de s’excuser face à des actes odieux. Le musulman est présenté comme étant l’éternel problème, l’éternel « inintégrable ». Le taux de francité dans ses veines ne donne pas entière satisfaction aux yeux des architectes du pouvoir. Il serait, donc « l’ennemi intérieur »[1] ; la cinquième colonne[2] ; le candidat idéal de la politique du bouc émissaire, celui qui est à l’origine de tous les maux, de toutes les carences, de tous les défauts de la société  française. C’est une violence institutionnelle, une politique de l’humiliation qui exacerbe les identités et qui ne peut engendrer que la haine, la violence et l’extrémisme. Selon la formule de Tsvetan Todorov « La violence appelle la violence, l’humiliation appelle le fanatisme ».

L’islam, un réel problème

La théorie du «  choc de civilisation »  opposant « l’occident des lumières » face à « l’islam de tous les obscurantismes » continue encore de peser sur les débats et d’imprimer les mentalités. Ainsi l’islam est essentialisé, il serait donc  par nature, violent, fanatique, générateur de  terrorisme et par conséquent, incompatible avec les valeurs de la République.

Parallèlement, l’image de l’islam  est ternie, c’est le moins que l’on puisse dire. Les attentas en Europe, la menace terroriste, Daesh et ses crimes contre l’humanité sont présentés comme intrinsèque à l’islam. Celui-ci serait un frein à l’émancipation des femmes musulmanes, au développement des pays musulmans. Une religion archaïque dont il faudrait se défaire pour sortir du sous-développement et rattraper le retard accumulé depuis des lustres.

Un islam officiel

La création, par les pouvoirs publics, du Conseil Français du Culte Musulman, durant le mois d’avril 2003, avait pour objectif de créer une sorte d’islam officiel et de réaliser un contrôle de la communauté aussi bien sur le plan spirituel que sur le plan matériel.

Aujourd’hui, le CFCM est à l’agonie et son bilan est plus que médiocre. L’élection de ses membres s’était déroulée dans l’indifférence générale des musulmans car les élus de l’Islam de France n’étaient, finalement, que les représentants du nombre de mètres carrés des mosquées. Un autre point lié au scrutin du CFCM, est la présence de listes entièrement inféodées aux pays d’origine tel le Maroc, l’Algérie et la Turquie. Autrement dit, l’Etat français sous-traite la gestion de l’islam de France aux pays  d’origine.

Il faut refuser de toute son énergie, la mainmise, l’ingérence et la surveillance. L’islam est devenu un instrument, utilisé par les pouvoirs publics comme politique de diversion afin de rassembler autour de la peur et du tout sécuritaire. Une stratégie consciente ayant pour objectif  de cacher les réels  problèmes de notre société.

Dans ses relations avec l’islam, la France a toujours maintenue une gestion coloniale, en utilisant certaines organisations musulmanes, certains imams, comme courroie de transmission et comme moyen pour dompter les populations en révolte et lutter contre toute tentative d’émancipation. Lors de la révolte des banlieues en 2005. Une fatwa sur mesure a été  concoctée pour appeler au calme. Une confessionnalisation  des problèmes sociaux, qui renvoyait à l’idée que si la banlieue s’enflamme s’est parce qu’elle est un terreau de l’islamisme, et que les jeunes se révoltent avant tout à cause de leur islamité. Parallèlement, cela évite de désigner  la politique sociale du gouvernement associée au racisme, aux discriminations au quotidien comme cause de révolte.

Edward W. Said relève avec finesse dans son célèbre livre L’orientalisme : « Quand il devint pour Bonaparte que sa force était insuffisante pour s’imposer  d’elle-même aux Egyptiens, il essaya de faire interpréter le Coran en faveur de la Grande Armée par les imams, cadis, muftis et ulémas locaux. Dans ce but, les soixante ulémas qui enseignaient à l’Azhar furent inviter à son quartier général, tous les honneurs militaires leur furent rendus, (…) Cela réussit, et il semble que toute la population du Caire ne tarda pas à perdre sa méfiance à l’égard des occupants. »[3].

S’auto-définir pour mieux agir :

Désormais, les stéréotypes et les clichés négatifs ne disparaîtront pas de sitôt. Au lieu d’être dans la plainte ou d’adopter une attitude de victimisation, ou d’être sur la défensive, ou d’avoir toujours à se justifier, il faut avoir confiance en soi, en sa foi, en ses convictions. Ne plus se définir par autrui, mais s’auto-définir. Cesser « d’être des sujets parlés pour devenir des sujets parlants »[4].

Le musulman, l’oriental, comme l’affirme, si bien, Edward W. Said : « Si l’on reconnaît que l’orientaliste avance comme argument contre l’oriental une différence encore plus implicite et puissante : le premier écrit, tandis que le second est décrit. A ce dernier, on attribue un rôle passif ; au premier, le pouvoir d’observer, d’étudier, etc. »[5]

Jacques Berque, l’a souligné très justement : « L’islam pâtit dans l’opinion mondiale  d’un discrédit qu’il ne partage ni avec le Japon, plus redouté que réprouvé, (…). Le musulman, lui demeure l’éternel Sarrazin rendu encore plus dangereux par une modernité à laquelle il n’accèderait que pour le pire »[6].

L’ignorance la plus dévastatrice est celle que l’on a de sa propre identité. Aujourd’hui, il est important de reprendre confiance en soi, en son histoire, en ses valeurs. En effet, connaître son histoire est primordial pour reconstruire son identité, pour façonner sa personnalité et pour préserver sa conscience éveillée. Mehdi ElMandjra souligne l’importance de se définir pour envisager l’avenir avec courage et détermination : « J’estime que le grand défi est de se définir soi-même, dans l’environnement où on évolue. Or l’identité n’a pas de valeur  lorsqu’elle se trouve dans un espace où l’on manque de liberté et de pluralisme. (…) Si nous n’avons pas de passé, de référence, ni de vision d’avenir, ni encore de liberté, on ne peut prétendre avoir un futur viable »[7].

Les musulmans de France portent une lourde responsabilité, celle de promouvoir leur présence et de penser leur contribution spirituelle. Aujourd’hui, il faut être présent, être conscients des défis à relever, témoigner et rayonner de sa foi. S’affirmer et participer ce n’est pas la négation de soi mais agir en harmonie avec son identité. Il s’agit de sortir de  cette description caricaturée, de se penser et de s’affirmer par ce que l’on est c’est à dire une partie prenante de cette société, des citoyens musulmans.

 

Le « vivre citoyen »  plutôt que le « vivre ensemble » ou comment faire société ?

La citoyenneté des musulmans de France est systématiquement mise cause et leur adhésion aux valeurs de la République reste à prouver. Pour être reconnu comme citoyen à part entière, il faudrait ne rien exprimer de sa foi et devenir religieusement invisible, effacer tous signes particuliers, se dépouiller de toute spécificité.

On ne peut pas faire société si les vieux réflexes coloniaux persistent, si on considère les citoyens de confession musulmane comme des citoyens de seconde zone ou plus gravement comme des terroristes potentiels à l’avant garde d’une future invasion. Tout ce climat de suspicion favorisera un repli identitaire qui a défaut d’épanouir et de développer une authentique citoyenneté, mènera aux extrémismes et au communautarisme.

Faire société, c’est désormais redonner à chacun confiance en lui-même, avoir confiance en l’autre et avoir confiance dans un cadre collectif où nous pourrons construire ensemble, participer à l’évolution de notre société dont nous sommes membres à part entière, collaborer au nom des valeurs communes à une situation meilleure. Pour cela, il faut promouvoir  le « vivre citoyen » et non seulement le « vivre ensemble », car ce dernier implique une simple tolérance et non le respect de l’autre et de son identité.  Le « vivre citoyen » c’est vivre une  citoyenneté égalitaire, plus épanouie fondée sur le respect mutuel, la justice sociale et la reconnaissance de l’égale dignité des personnes.

Les citoyens musulmans engagés ont pris conscience de l’ampleur des défis à relever, qui sont à la mesure de l’exigence de leur foi. Avoir un discours clair et audible, dénoncer les injustices, se démarquer de toutes les lectures qui légitiment la violence,  refuser une société qui stigmatise, qui monte les citoyens les uns contre les autres. Et enfin, contribuer à l’essor de notre société en posant la question de la spiritualité, des valeurs et de la dignité humaine.

 

[1] Titre de l’ouvrage de Mathieu Rigouste : « l’ennemi intérieur : la généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine », éd. La découverte.

[2] La «cinquième colonne», formule utilisée par Chrisian Estrosi député-maire UMP de Nice,  est un mythe politique récurrent dans l’imaginaire complotiste. L’expression désigne un traître embusqué à l’intérieur d’un pays ou d’une armée, prêt à se réveiller pour prendre à revers lors d’une attaque extérieure. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/04/27/01016-20150427ARTFIG00143-d-o-vient-l-expression-cinquieme-colonne-employee-par-estrosi.php

[3] L’orientalisme, ed. du seuil, p. 101.

[4] Phrase prononcée par le sociologue Saïd Bouamama, lors d’un meeting du collectif « une école pour tous et toutes et contre les lois d’exclusion ».

[5] L’orientalisme, L’Orient créé par l’Occident, Edward W. Said, éd. Du Seuil, p. 339.

[6] Jacques Berque « Quel islam ? » , Le Temps stratégique, n° 64, juin 1995, p 8.

[7] Mehdi ElMandjra, Humiliation, à l’ère du méga-impérialisme, 3e ed. imprimerie Ennajah El Jadida, Casablanca, 2003, p. 77, 78.

Le mois du Ramadan, une école pour se réformer

Dans un monde qui va une vitesse grand V, un monde centré sur l’égo, le profit à outrance et la domination. Le mois du Ramadan nous invite à revenir à l’essentiel, à sortir de la consommation pulsionnelle, du gaspillage, de l’insouciance et à témoigner de notre présence à Dieu  en observant le jeûne de ce mois béni.

Ce mois béni est une école pour discipliner son ego et maîtriser ses passions. Une école qui enseigne l’endurance, la persévérance, le don et la solidarité. C’est l’école de la réforme de son être. Le mois du Ramadan nous invite à se poser et à méditer notre cheminement dans un temps spirituel, loin de tout ce qui nous distrait et accapare notre intention, notre foi, notre âme.

Nous sommes, très souvent,  absorbé par un quotidien qui nous fait oublier notre âme et nous impose un cadre de vie centré sur l’ego et le paraître, qui ne laisse plus aucune place à l’être. Le paraître et l’individualisme étouffe l’éclosion de notre être intérieur, elle ne laisse place qu’à l’ego agité et frustré.

Le mois du Ramadan est une invitation vers un voyage intérieur, pour aller à  la rencontre de son cœur,  afin de sortir de la forme et s’inscrire dans une démarche de réforme, le renouveau. L’élan spirituel initié par le jeûne du mois du Ramadan, puise sa source dans le cœur. La vie spirituelle réside dans cette intériorité préservée qu’est le cœur, sa conscience affective lui permet de rester sensible  à l’appel du divin. Dieu dit : « Celui ou celle dont le cœur a été ouvert (sharaha) par Dieu à l’islam reçoit ainsi une lumière de Son Seigneur »[1].

Le Prophète (PSDL) a dit : « Lorsque la lumière de la foi embrasse dans le cœur, il s’épanouit et s’ouvre au monde » Les Compagnons demandèrent : « Comment reconnaître cet état afin d’y parvenir, ô Messager de Dieu ? » Il répondit : « Prendre conscience du caractère illusoire et éphémère de la vie, vivre pleinement cette vie non pas comme une finalité mais comme un cheminement vers la vie future et se préparer à sa rencontre avec Dieu »[2].

Quiconque désire cheminer vers le Clément, le Compatissant, doit purifier son cœur de toutes formes de haine, de jalousie, de rancœur et d’animosité. Un bon cœur ne peut être habité, à la fois, par l’amour de Dieu et de Son Messager (PSDL) et par les ressentiments qui nuisent à son épanouissement et à sa paix intérieure.

Comment accueillir le mois du Ramadan ?

Le mois du Ramadan est à nos portes. Y avons-nous pensé ? En sommes-nous conscients ? Avons-nous évalué l’importance, la dimension spirituelle et sociale de ce mois sacré ? Comment devons-nous l’accueillir ? Comment se préparer moralement et spirituellement pour en tirer le maximum de profit ?

D’après Anas, que Dieu l’agrée : « Quand les compagnons du Prophète (paix et salut de Dieu sur lui) apercevaient le croissant du mois de Chaâbane, ils se penchaient sur la lecture du Coran. Les musulmans versaient la Zakat (l’aumône légale) pour que les pauvres et les nécessiteux puissent jeûner le mois du Ramadan dans de bonnes conditions. Les commerçants se dépêchaient de finaliser leurs transactions. Les prisonniers de délits mineurs sont amnistiés. Quand ils voyaient le croissant du Ramadan, ils se purifiaient et redoublaient d’efforts  en terme d’adoration, de bonté et générosité » Rapporté par Ibn Khoouzaïma.

C’est ainsi que les compagnons, que Dieu les agrée tous, se préparaient pour accueillir le mois du Ramadan. Ils s’y consacraient sincèrement, en déployant les efforts nécessaires et en s’appliquant assidûment.

  1. Prendre conscience de la valeur de ce mois béni :

En premier lieu, il convient de prendre conscience de la valeur de ce mois, de rentrer dans le calendrier et le temps sacrés de bien assimiler ses mérites.
Abou Mass’oud Al Ghifâri rapporte « J’ai entendu le messager de Dieu dire un jour, alors que le Ramadan était en cours : Si les gens savaient ce qu’est réellement Ramadan, ma communauté aurait souhaité que toute l’année soit Ramadan. » Rapporté par Ibn Khouzaïma.

Un jour, le Prophète posa trois fois cette question à ses compagnons : « qu’est-ce que vous accueillez et qui vous accueille ? ». Alors, Omar Ibn al-Khattab demanda : serait-ce une Révélation ? Il dit : Non ! Et Omar de reprendre : peut-être un ennemi qui survient ?
Il répondit : Non plus ! Omar demanda : « Alors quoi ? »
Le Prophète dit : à la première nuit du mois de Ramadan, Dieu pardonne à tous ceux qui se revendiquent de cette Qibla » et il indiqua la direction de la Qibla avec sa main. Rapporté par Ibn Khouzaïma selon Anas (DAS).

Le mois du Ramadan c’est le sacrifice des plaisirs et des passions par la discipline du jeûne, qui ne se limite pas à se priver de nourriture, mais exige de la douceur, de la bonté pour contrer la mauvaise humeur naturelle aux égos virulents et frustrés. Jeûner, pour le fidèle,  c’est refuser les émotions et les excitations, maîtriser le ventre et les instincts qui en dépendent, gouverner la tête et les idées qui s’y développent. Le jeûne est l’épreuve de purification annuelle qui permet au musulman de retrouver l’équilibre du côté spirituel et de réaliser la victoire sur soi.

Le Prophète (que Dieu répande sur lui Sa Grâce et Sa Paix) a dit : « A l’arrivée du mois de Ramadan, les portes du Paradis s’ouvrent, celles de l’enfer se ferment, les démons sont enchaînés et l’ange annonce : Ô celui qui aspire au bien, approche ! Ô celui qui aspire au mal, abstiens-toi. Et cela dure jusqu’à la fin du mois de Ramadan » Rapporté par Moslim selon Abou Hourayra.

Les portes du Paradis sont ouvertes et les portes de l’Enfer sont fermées : dans le sens où :

– les musulmans aspirent à être bon et à promouvoir de bien

– le bien se propage et se ressent donc le mal se réduit.

– la spiritualité monte en flèche durant cette période de jeûne ; c’est pourquoi les musulmans qui ont fait cette expérience attendent avec nostalgie le retour de ramadan.

Les diables sont enchaînés dans le sens où :

– la prière est belle

– la concentration, la présence à Dieu dans l’adoration est plus forte

– les disputes, les animosités sont réduites

– la fraternité est accentuée

Une fois les esprits imprégnés de la valeur sacrée de ce mois bénie, les cœurs se réveillent et se motivent pour le recevoir, préparer sa venue et déployer les efforts nécessaires afin de le passer de la meilleure manière qui soit.

  1. Avoir bonne intention et être sincère :

Dans le hadith authentique rapporté par Al-Boukhari selon Omar, le Prophète (prière et salut de Dieu sur lui) : « Les actes ne valent que par l’intention ; à chacun selon sa visée … ». Le fidèle sincère et dévoué est celui qui magnifie l’intention, qui lui donne toute son importance, car elle est le secret, le fondement et la quintessence de tout acte d’adoration.

Le mois du Ramadan ne doit guère être la saison de la paresse et de l’oisiveté. Au contraire, c’est un mois où l’on cherche avec insistance la proximité de Dieu.

« Celui qui jeûne le mois de Ramadan avec foi en comptant sur la récompense divine, verra tous ses péchés absous » (Rapporté Al-Boukhâri et Moslim selon Abou Hourayra).

  1. Réciter le Coran :

C’est au cours du mois du Ramadan que  le Coran fut descendu : « Le mois de Ramadan est celui au cours duquel le Coran fut descendu » (s II v 185)….

La simple récitation du Coran et la simple discussion de son sens appellent sur nous un flot d’amour et de paix intérieure. « Chaque fois, dit le Prophète (paix et salut de Dieu sur lui), qu’un groupe de fidèles se réunissent dans une mosquée pour réciter le Coran et discuter entre eux de sa  signification, la miséricorde les recouvre, la paix du cœur descend sur eux et Dieu les mentionne à ceux qui se trouvent en Sa présence » Rapporté par Moslim selon Abou Hourayra.

La révélation faite au Prophète (paix et salut de Dieu sur lui), nous y participons chaque fois que nous lisons le Coran avec toutes nos facultés de présence. Dans un hadith authentique rapporté par Al-Hakem selon Abdallah Ibn Omar (DAS), le prophète (paix et salut de Dieu sur lui) a dit : « Qui récite le Coran embrasse la révélation dans son cœur ; seulement il ne la reçoit pas directement. Celui qui est lecteur assidu du Coran ne doit pas se laisser emporter par les émotions ni devenir violent »[1].

  1. Être et témoigner :

Le mois du Ramadan que nous accueillons ces jours est l’occasion d’un intense témoignage. Être, c’est avant tout cette présence à Dieu. Le fidèle animé par la foi voue son existence, son action à Dieu jusqu’à ce qu’il porte en lui toutes les vertus de la bonté, de l’humilité. C’est l’effort assidu vers la plus royale des victoires : la victoire sur soi. C’est tisser des liens intimes avec le Créateur pour mieux servir les créatures. C’est relever, à la lumière de la spiritualité, le défi de l’amour, amour de Dieu, amour des êtres.
C’est préparer la terre pour qu’elle reçoive la semence, préparer son cœur pour qu’il s’illumine à la rencontre du message afin de mieux porter la responsabilité du témoignage.

Témoigner c’être présent sur le terrain, s’exprimer, expliquer la spiritualité musulmane, sa vocation de paix et de justice. Il faut également avoir un discours clair et précis, oser dénoncer les injustices et se démarquer de toutes les lectures et de toutes les actions qui légitiment la violence.

  1. Avoir bon cœur :

Un cœur habité par l’amour de Dieu et du Prophète (paix et salut de Dieu sur lui) n’en veut à personne sinon à son propre égo.

Supporter les coups durs, renouer les liens d’amour, de compassion avec ceux dont les relations ont été rompues et pardonner à ceux qui nous ont fait du tort parmi nos frères et sœurs. «  Pardonne de la belle manière » (S. 15,V. 85)

Conclusion :

Durant le mois de Ramadan, chacun et chacune de nous doit être à la recherche de la proximité de Dieu, devra également faire tout son possible pour s’attirer la Miséricorde de Dieu, et ce, en répandant l’amour et le bien autour de nous et en multipliant les œuvres pieuses. Sans oublier bien entendu, d’être généreux et de partager avec ceux qui sont dans le besoin. Et accorder une attention particulière à préserver notre jeûne de tout ce qui pourrait le souiller et diminuer ainsi son mérite. Que nos bonnes actions ne soient rien d’autre que la conséquence immédiate de notre amour pour Dieu et pour le prophète (prière et salut de Dieu sur lui).


[1] La révolution à l’heure de l’islam, p. 184.

Le mois de Chaâbane préambule au mois du Ramadan

« Seigneur Dieu! Fais que les mois de Rajab et de Chaâbane soient bénis pour nous et fais en sorte que nous atteignons le mois du Ramadan et que nous puissions profiter au maximum de ses bienfaits »[1].
Dans la vie du fidèle, il y a des moments, des périodes et des endroits où l’accomplissement de bonnes oeuvres est plus opportun, a plus de mérite et plus agréable à Dieu. Le mois de Chaâbane fait partie de ces moments propices pour fortifier sa foi et se rapprocher de Dieu.
Le compagnon Oussama ibn Zaïd raconte : « Le Messager de Dieu (PSDL [2]) jeûnait certains jours d’affilés à tel point que nous pensions qu’il ne s’arrêtait jamais. Et il mangeait certains jours d’affilés à tel point qu’il ne jeûnait plus si ce n’est deux jours par semaine. Il les consacrait séparément au jeûne en dehors des périodes où il jeûnait. Il n’y a pas un mois où il se consacrait le plus au jeûne que pendant le mois de Chaâbane. Je lui posais la question à ce sujet : Cher Messager de Dieu! Tu te consacres au jeûne à tel point que tu ne le romps pratiquement plus. Et tu interromps le jeûne à tel point que tu ne t’y consacres presque plus, si ce n’est deux jours par semaine. (…) En effet, le lundi et le jeudi, les œuvres sont exposées au Seigneur de l’univers, et j’aime être en état de jeûne lorsque mes œuvres Lui sont exposées… Je ne te vois pas autant jeûner les autres mois que pendant celui de Chaâbane. Il m’ a répondu : C’est un mois qui se trouve entre Rajab et Ramadan que beaucoup de gens négligent. Un mois durant lequel les actes sont présentés à Dieu, et je veille à ce que mes actes soient présentés à Dieu alors que je suis en état en jeûne »[3].
Ce hadith nous informe au sujet de l’importance du jeûne chez le Prophète (PSDL) durant l’année et plus particulièrement pendant le mois de Chaâbane. Mais, le seul mois que le Prophète (PSDL) jeûnait en totalité est le mois du Ramadan. Le jeûne du mois de Chaâbane est un stage de préparation pour mieux accueillir le mois du repentir, de l’introspection et de la méditation. C’est un bon entraînement pour préparer son organisme et son esprit afin de vivre pleinement le mois du Coran, de la Miséricorde, de la fraternité et de l’amour en Dieu.
D’après Anas Ibn Malek : « Quand les compagnons du Prophète (PSDL) apercevaient le croissant du mois de Chaâbane, ils se penchaient sur la lecture du Coran. Les musulmans s’acquittaient de leur Zakat (l’aumône légale) pour que les pauvres et les nécessiteux puissent jeûner le mois du Ramadan dans de bonnes conditions. Les commerçants mettaient à jour la gestion de leur commerce. Et aussitôt qu’ils voyaient le croissant de lune du mois de Ramadan, ils se purifiaient et redoublaient d’efforts en terme d’adoration, de bonté et de générosité ».
C’est ainsi que les compagnons du Prophète (PSDL) déployaient les efforts nécessaires pendant le mois de Chaâbane et s’appliquaient sincèrement afin de mieux accueillir le mois du Ramadan.
Pour nous, dans notre contexte et au milieu de nos diverses préoccupations, comment profiter du mois de Chaâbane et préparer au mieux la venue du mois béni du Ramadan.
Quelques éléments de réponse :
  • Demander à Dieu sincèrement de nous permettre de profiter de ces instants bénis afin que nous puissions goûter à la douceur de Sa présence et de Sa proximité.
  • Se réconcilier avec Dieu et se repentir sincèrement de l’ensemble de nos maladresses.
  •  Jeûner, dans la mesure du possible, surtout la première moitié du mois de Chaâbane, en veillant particulièrement à ne pas rater les lundis et jeudis.
  • Se pencher sur la lecture du Coran, le méditer et le goûter.
  • Donner, aider et soutenir. Parmi les gages de véracité, le don est le plus concret et le plus quotidien.
  •  Persévérer et s’appliquer dans l’accomplissement de nos prières.
  • Être présent Dieu, se souvenir de Lui et Le mentionner inlassablement (dhikr).
  •  Implorer le pardon de Dieu pour nos fautes, nos manquements et nos négligences.
  • S’habituer à accomplir la prière nocturne, notamment le dernier tiers de la nuit. En effet, la prière la plus agréable à Dieu après la prière obligatoire et celle effectuée au cours de la nuit.
  • Avoir la résolution sincère de corriger sa manière d’être et d’agir, de mieux se comporter et de réaliser une mutation éthique.
  • Avoir bon cœur. Un cœur habité par l’amour de Dieu et de Son Messager n’en veut à personne. Supporter les coups durs, préserver les liens d’amour et de compassion et pardonner à ceux qui nous ont fait du tort.
  • Enfin, avoir bonne intention et être sincère. Le fidèle connaît l’importance de l’intention, et sait qu’elle est le secret, le fondement et la quintessence de toute acte d’adoration.
Durant cette période bénie, chaque fidèle soucieux de sa complétude morale et de son accomplissement spirituel, doit faire tout son possible pour s’attirer la Miséricorde de Dieu, et ce, en répondant l’amour, la paix, le bien et en multipliant les œuvres pieuses. Sans oublier, bien entendu, d’être généreux et de partager avec ceux qui sont dans le besoin. Que nos bonnes actions ne soient rien d’autre que la conséquence immédiate de notre amour pour Dieu, pour Son Messager (PSDL) et pour les êtres.
[1] Rapporté par Ahmed et An-Nassaî.
[2] PSL : paix et salut de Dieu sur lui.
[3] Rapporté par l’Imam Ahmed, An-Nassaî et Abou Daoud.